1er octobre 2010
Par Jean-Pierre CHANGEUX, Président du jury.
Le jury 2010 a décidé d’attribuer le prix international de la laïcité à un homme courageux, engagé dans sa jeunesse dans le combat antifasciste. Cet homme a illustré avec éclat le principe de la laïcité en créant les conditions permettant à une jeune femme de mourir dans la dignité après de longues années passées dans le coma.
C’est ce que la presse avait appelé à l’époque « l’affaire Englaro ». Eluana Englaro est cette femme qui, victime d’un accident de voiture en janvier 1992, se trouvait dans un état végétatif irréversible. La justice ayant levé tous les obstacles (et cela en dépit d’une polémique entretenue par les autorités ecclésiastiques), la malheureuse est admise le 3 février 2009 dans une clinique d’Udine, dont les médecins ont accepté d’interrompre progressivement son alimentation et son hydratation.
C’est alors que Silvio Berlusconi présente en conseil des ministres un décret-loi préparé à la hâte qui rend impossible cet acte d’euthanasie. Giorgio Napolitano, Président de la République Italienne, jugeant ce texte contraire à la constitution parce que faisant litière d’une décision de justice incontestable, refuse de le signer. La voie est libre. Quelques jours plus tard, Eluana Englaro peut enfin mourir dans la dignité. En cette circonstance -qui illustre la convergence d’intérêts entre les autorités ecclésiastiques et le chef du gouvernement- le chef de l’État Italien s’est comporté en véritable héros de la laïcité.
Cet acte courageux rappelle que la laïcité concerne tous les domaines de la liberté de conscience des citoyens. Il a conduit le jury à proposer cette année le nom du Président de la République italienne, Monsieur Giorgio Napolitano, pour le Prix international de la laïcité.
Nous avons alors sollicité le Président Napolitano. Celui-ci nous a exprimé sa gratitude pour notre défense de la laïcité, qui se trouve, selon lui, au cœur des « institutions démocratiques républicaines ».
Pour autant, le Président s’appliquant à lui même le principe de la laïcité a estimé qu’il n’est pas de l’usage que le Président de la République accepte de tels prix au cours de son mandat et nous a assuré de ses chaleureuses salutations.
Le jury a pris acte de cette décision qu’il comprend fort bien et a décidé de ne pas remettre de Prix international pour cette année, mais de présenter un hommage spécial au Président de la République Italienne, une distinction exceptionnelle. Je tiens à remercier en votre nom à tous Monsieur Jacopo ALBERGONI, 1er secrétaire de l’ambassade d’Italie qui représente parmi nous le Président de la République italienne.
Je vous demande donc d’applaudir le Président de la République italienne, dont le choix en cette affaire devrait constituer une référence et un exemple pour nombre de chefs d’État et de gouvernement dans le monde, y compris en Europe.
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