Revue de presse

"Baby-Loup : l’ONU relance le débat autour du port du foulard" (lemonde.fr , 27 août 18)

28 août 2018

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"La France n’en a décidément pas fini avec le débat sur le port du voile islamique. Le comité des droits de l’homme de l’ONU reproche en effet, dans le cas de l’affaire dite de la crèche Baby-Loup, une application discriminatoire des règles de neutralité religieuse contraire au pacte international relatif aux droits civils et politiques dont Paris est signataire.

L’affaire débute en décembre 2008 avec le licenciement pour « faute grave » de Fatima Afif, directrice adjointe de cette crèche associative de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines). Elle refuse de retirer le voile islamique qu’elle porte depuis son retour de congé parental. Pour justifier ce licenciement sans indemnités, la direction de la crèche invoque le règlement intérieur de 2003 selon lequel « le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent dans l’exercice de l’ensemble des activités ».

Décisions contradictoires

La bataille juridique qui a suivi a été fortement médiatisée et commentée par les responsables politiques qui en ont fait un symbole des questions sur l’application du principe républicain de laïcité. La justice française a d’ailleurs hésité sur l’interprétation des textes avec des décisions contradictoires avant que l’assemblée plénière de la Cour de cassation ne tranche définitivement l’affaire le 25 juin 2014. La haute juridiction a conclu que le licenciement pour faute grave était justifié et ne résultait d’aucune discrimination religieuse.

C’est par une voie originale que Claire Waquet et Michel Henry, les avocats de Mme Afif, ont alors choisi de poursuivre le combat de leur cliente. Au lieu de saisir la Cour européenne des droits de l’homme, le recours classique, ils se sont tournés vers le Comité des droits de l’homme de l’ONU. Cette instance non juridictionnelle, composée d’experts indépendants et non de juges, est chargée de veiller à la mise en œuvre du pacte sur les droits civils en vigueur depuis 1976. Les recours individuels sont possibles devant ce comité de l’ONU.

Révélée par L’Obs, la position arrêtée le 10 août 2018 par le comité de l’ONU remet donc en cause celle de la France. Selon ce texte, « la restriction établie par le règlement intérieur de la crèche et sa mise en œuvre constituent une restriction portant atteinte à la liberté de religion de l’auteure en violation de l’article 18 du pacte ». Le Comité des droits de l’homme estime en effet que « le port d’un foulard ne saurait en soi être considéré comme constitutif d’un acte de prosélytisme » et que la restriction imposée « n’est donc pas une mesure proportionnée à l’objectif recherché ».
La France est appelée à rendre publiques « ces constatations » et à « proposer une indemnisation » à Mme Afif. De plus, Paris devra informer l’ONU des mesures qu’il compte prendre pour prévenir des violations similaires à l’avenir.

La difficulté est que l’analyse du Comité des droits de l’homme contredit celle des juridictions européennes. La Cour européenne des droits de l’homme a reconnu à la France une marge de manœuvre dans la conciliation du principe de liberté religieuse avec celui de laïcité, tandis que la Cour de justice de l’Union européenne a jugé en mars 2017 que les entreprises (ou associations) privées ont le droit, sous certaines conditions, d’inscrire dans leur règlement intérieur l’interdiction du port de signes religieux.

La France a d’ailleurs durci sa législation en la matière avec d’abord la loi de 2004 qui a proscrit le port de « signes religieux ostentatoires » à l’école, puis avec la loi de 2011 interdisant le voile intégral dans l’espace public. En 2016, le législateur a introduit dans le code du travail la possibilité pour les entreprises privées de limiter l’expression religieuse de leurs salariés à la condition que l’activité (par exemple le contact permanent avec de jeunes enfants) le justifie."

Lire "Crèche Baby-Loup : l’ONU relance le débat autour du port du foulard".



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