31 mars 2010
"Dans leur rapport remis hier à François Fillon, les Sages estiment que seules la sécurité et les contraintes d’état civil peuvent justifier l’obligation de dévoilement du visage.
Très prudente, la présentation par le Conseil d’Etat de l’étude remise hier à François Fillon, intitulée « les possibilités juridiques d’interdiction du port du voile intégral ». Le Premier ministre a proclamé à plusieurs reprises son souhait que soit votée une loi qui aille « le plus loin possible sur la voie de l’interdiction générale ». Le 29 janvier, il avait saisi la plus haute juridiction administrative pour qu’elle lui propose, d’ici fin mars, des « solutions juridiques » en vue de cette interdiction.
Dans leur réponse, les Sages du Conseil d’Etat se placent très en retrait. Ecartant toute interdiction générale et absolue du voile en tout temps et en tous lieux, ils jugent, en revanche, que la sécurité publique et la lutte contre la fraude peuvent justifier, dans certains cas, l’obligation d’avoir le visage découvert.
Pour autant, ils se refusent à dicter au gouvernement sa copie. « Le Conseil d’Etat se borne à donner un éclairage juridique sur les questions posées », a précisé hier Jean-Marc Sauvé, son vice-président. « C’est dans le cadre strict de cette demande juridique, c’est-à-dire indépendamment de toute considération sur l’opportunité de légiférer dans ce sens [celui de l’interdiction générale souhaitée par le Premier ministre, ndlr], que le Conseil d’Etat a procédé à l’étude demandée », précisent les Sages dans la synthèse de leur rapport. [...]
Parce qu’elle n’aurait aucun fondement juridique. Ni au plan de la laïcité : « Ce principe ne permet pas d’interdire de manière générale qu’une personne exprime ses convictions religieuses », précise le Conseil d’Etat. Ni au plan de la dignité de la personne humaine : « Une majorité des femmes concernées » portent volontairement le voile intégral, selon le ministère de l’Intérieur. Ni en vertu du principe d’égalité entre les sexes : « Opposable à autrui, il n’a pas, en revanche, vocation à être opposé à la personne elle-même. » Ni, enfin, pour garantir la sécurité publique : aucun trouble spécifique n’est associé au voile intégral en tant que tel.
Parce qu’elle ne concernerait pas que le voile intégral, mais tous les accessoires masquant le visage : cagoule, masque, casque… Et parce qu’elle peut se justifier par des motivations de sécurité publique et de lutte contre la fraude, « soit dans certains lieux, soit pour effectuer certaines démarches ». Exemple : « Des lieux de forte affluence exposés à des troubles à l’ordre public [certaines gares, des grands magasins en période de fêtes, les foires et les grandes braderies] et, à l’inverse, des lieux moins fréquentés mais où la sécurité des personnes ou des biens est menacée [des bijouteries, des banques, des musées] », précise le Conseil d’Etat.
La dissimulation du visage pourrait également être proscrite lors de certaines démarches telles « le vote, les cérémonies de mariage ou les démarches en matière d’état civil », ou encore « lorsque la délivrance de certains biens ou services impose l’identification des individus », comme en cas de vente de produits interdits aux mineurs.
Quid du métro ? Du RER ? Des universités ? Des hôpitaux ? Les Sages répondent qu’il ne leur appartient pas de dresser une liste des services publics ou privés concernés. Pour eux, c’est « au législateur et au pouvoir réglementaire » de « définir les lieux dans lesquels la dissimulation du visage serait interdite ». [...]
Cette étude a été remise hier matin à François Fillon. Lundi, le Premier ministre avait annoncé qu’il souhaitait légiférer « dans les prochaines semaines », sur la base des travaux du Conseil d’Etat et de la proposition de loi UMP interdisant le port du voile intégral dans tout l’espace public sous peine d’une amende de 750 euros."
Lire “Le Conseil d’Etat contre l’interdiction intégrale du voile”.
Voir “Voile intégral” : audition du CLR ; lire La burqa pour quoi faire ?, Proposition de création d’une commission d’enquête sur la pratique du port de la burqa ou du niqab sur le territoire national (Assemblée nationale, 19 juin 09), Fête de la laïcité (5 juil. 09) : intervention de Marie-Danielle Gaffric ;
sur les signes religieux à l’école, voir les prises de positions du CLR “Commission Stasi” : audition du CLR, “Ni croix, ni voile, ni kippa, ni aucun signe ostentatoire d’appartenance dans le sein de l’école de la République” (2003), A propos de la loi sur l’interdiction des signes religieux à l’école (12 mai 04), la rubrique Accompagnatrices voilées de sorties scolaires ;
voir, dans notre Revue de presse, Voile intégral (rubrique Voile & vêtements), et Sarkozy et la laïcité.
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