Revue de presse

"Un rapport confirme les dysfonctionnements à l’IUT de Saint-Denis" (lemonde.fr , 14 fév. 15)

16 février 2015

"Selon les auteurs, la présidence de l’université Paris-XIII n’a pas assez pris en compte les alertes répétées du directeur de l’établissement

C’est un rapport extrêmement sévère qui doit être remis dans un mois au ministère de l’enseignement supérieur. Rédigé par deux inspecteurs généraux de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR), ce document d’une trentaine de pages revient sur un épisode qui a secoué, au printemps 2014, l ’institut universitaire de technologie (IUT) de Saint-Denis – qui dépend de l’université Paris-XIII-Villetaneuse, et plus particulièrement son département techniques de commercialisation (TC).

Les auteurs y décrivent un système clanique, des dysfonctionnements dans la gestion des enseignants et des enseignements ainsi qu’une prise en compte insuffisante de la présidence de l’université. Ils rappellent les intimidations dont a été victime Samuel Mayol, le directeur de l’IUT, du 31 janvier au 15 mai 2014 : pneus de son véhicule dégonflés et crevés, quinze lettres de menaces de mort dont certaines écrites en arabe. Le 21 mai 2014, il est victime d’une agression physique.

Mi-décembre, les menaces reprennent : il reçoit deux livres rédigés en langue arabe et ornés d’une tête de mort. Aucune des enquêtes menées à la suite d’une quinzaine de plaintes déposées n’a abouti. " A heure actuelle, écrivent les inspecteurs, on ne connaît ni l’origine ni la raison de ces menaces de mort et tentatives de déstabilisation. "

Les dysfonctionnements pointés par les auteurs apparaissent lorsque Rachid Zouhhad prend, en juin 2012, la tête du département TC – le plus important de l’IUT avec 600 étudiants – à la place de Samuel Mayol, devenu directeur de l’établissement. [...]

Rachid Zouhhad est accusé de faire le ménage dans les équipes, d’écarter les directrices d’études en place pour placer ses amis, des hommes, plutôt de sa communauté [sic] [1]. " Un an après la prise de fonctions de M. Zouhhad, plus aucune femme n’exerçait de fonctions de directeur d’études (…) elles avaient toutes été remplacées par des hommes, appartenant par ailleurs à la même organisation syndicale que M. Zouhhad et dont certains travaillaient déjà avec lui dix ans auparavant ", notent les auteurs du rapport.

Ces derniers confirment aussi " l’incapacité - de M. Zouhhad - d’assurer un fonctionnement correct du département ". De nombreux cours sont annulés sans être remplacés, des enseignants apparaissent puis disparaissent ; des matières fondamentales ne sont plus enseignées. " Devant la multiplication des cours non assurés et les protestations des étudiants, M. Zouhhad a fait intervenir des vacataires qui n’étaient pas habilités à le faire (…) Certains n’avaient ni les titres ni les compétences pour assurer des enseignements à ce niveau ", écrivent les auteurs.

" D’autres aspects de la gestion pédagogique de M. Zouhhad méritent d’être relevés, à commencer par l’introduction illégale d’une pondération des notes en fonction de l’absentéisme des étudiants ", poursuivent-ils. Enfin, il est reproché à M. Zouhhad l’instauration d’un système d’heures supplémentaires qui aurait pu coûter 196 000 euros s’il n’avait été bloqué à temps.

Fait troublant, en 2005, une des entités de l’université Paris-XIII, appelée institut universitaire professionnalisé (IUP) ville et santé et dirigée par le même Rachid Zouhhad, a connu des dérapages fort similaires. Une enquête avait été ouverte par l’IGAENR. Y enseignent aussi Nacer Laib, Hamid Belakhdar et Driss Ahedda qui par la suite rejoindront l’IUT de Saint-Denis. Trois des quatre sont membres du syndicat SupAutonome (aujourd’hui FO). A l’époque, les inspecteurs constatent déjà des " insuffisances chroniques d’organisation "," un recrutement des vacataires non rigoureux " et " des défaillances dans la surveillance des examens ".

Le président de Paris-XIII de l’époque, Alain Neuman, démantèle cet IUP dans un contexte de menaces qui, selon nos informations, l’ont visé ainsi que la vice-présidente et une sociologue. En 2006, des sanctions disciplinaires sévères contre MM. Zouhhad, Ahedda et Laib ont été prononcées puis annulées soit par le tribunal administratif, soit par le conseil national de discipline en 2009.

L’université n’a pas pris la peine de s’y faire représenter. Fraîchement élu, Jean-Loup Salzmann, le nouveau président de Paris-XIII préfère jouer l’apaisement et les affecte à l’IUT de Saint-Denis. " Il est surprenant de constater que tous les protagonistes de l’affaire IUP ville et santé aient pu au fil des années se retrouver rassemblés au sein du même département de l’IUT de Saint-Denis. La responsabilité de l’université Paris-XIII est ici engagée, dans la mesure où aucun responsable de l’établissement ne pouvait ignorer les dérives qui avaient marqué le fonctionnement de l’IUP ville et santé ", écrivent les auteurs du rapport actuel.

La prudence de M. Salzmann s’explique sans doute par le fait que M. Zouhhad est une personnalité reconnue à Paris-XIII. Depuis une dizaine d’années, il est élu au conseil des études et de la vie universitaire en tant que représentant syndical. Cette appartenance lui vaut aussi d’être, depuis 2006, un pilier de la section des sciences de gestion du Conseil national des universités, instance qui décide des nominations et des promotions des universitaires de cette discipline. En 2011, Laurent Wauquiez, alors ministre de l’enseignement supérieur, le nomme à nouveau dans cette section désormais dominée par SupAutonome (FO), alors qu’il n’avait recueilli que 15 % des voix. [...]"

Lire "Un rapport confirme les dysfonctionnements à l’IUT de Saint-Denis".

[1Note du CLR.



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