Par Samuel Mayol, directeur de l’IUT de Saint-Denis. 21 octobre 2014
Suite au rapport Stasi, la loi de 2004 rappelle le principe fondateur de celle de 1905, à savoir l’interdiction de porter tout signe extérieur de religion au sein des établissements publics de l’enseignement. Débuté en 1989, le problème n’a fait que s’amplifier pendant cette période. Cette loi a clarifié la position de la République et a réaffirmé un de ses principes fondamentaux, tout du moins au sein des collèges et lycées, excluant de fait les universités.
L’argument mis en avant est le fait que les étudiants étant majeurs, ils agissent en conscience, libres d’affirmer leurs opinions et croyances.
Poser la question de la laïcité en ces termes, revêt toutefois pour moi une erreur fondamentale. Croire que les jeunes femmes, bien que majeures, agissent en totale liberté de conscience quand elles affichent leur appartenance religieuse est souvent faux car beaucoup d’entre elles nous disent subir des pressions énormes de leur famille, quand elles ne sont pas le fait d’autres étudiants de leur promotion.
Mais quand bien même toutes le feraient en pleine liberté, le problème n’est pas tant de savoir si les personnes qui arborent un signe extérieur de religion le font librement, mais de savoir dans quel lieu elles le font.
Les évènements survenus à l’IUT de Saint-Denis au cours de l’année 2014 [1] ont mis en avant cette réalité et ne sont finalement que symptomatiques de ce qui se passe au sein des universités françaises. J’ai, en effet, été l’objet de 15 lettres de menaces de mort et d’une agression physique. Sans pouvoir établir formellement de liens de causalité, ces évènements sont intervenus dans un contexte où j’ai mis fin à des dérives et entraves au principe de laïcité.
Les faibles soutiens que j’ai reçus m’ont montré à quel point, à tous les niveaux de l’état et du monde universitaire, cette question, certes sensible, n’est en réalité pas abordée avec l’importance qu’elle mérite. Tout me semble croire qu’on n’a pas évalué l’ampleur de la situation.
En 2004, au moment du vote de cette loi, j’avais fait partie de ceux qui s’étaient étonnés que l’université soit mise de côté, imaginant que les conséquences en seraient négatives. Malheureusement, les faits m’ont donné raison. Nous devons effectivement faire face à un certain nombre de situations devenues problématiques, car installées dans les mœurs et qui visent à faire de l’Université un lieu adapté au culte :
Les réponses apportées sont toujours été les mêmes :
On peut donc en conclure :
Et de fait, faute de règles claires, les responsables universitaires sont amenés à prendre localement des mesures, parfois contradictoires d’un lieu à l’autre.
J’en appelle donc à ce que certaines solutions soient immédiatement adoptées :
Il a fallu 15 ans pour comprendre l’importance de la situation au sein des collèges et lycées. Mettrons-nous autant de temps pour agir au sein des Universités ? L’Université française mérite tout autant que les autres établissements d’être protégée et d’être intégrée à la loi Républicaine. La laïcité doit s’appliquer partout et tout le temps car elle n’est ni discutable, ni négociable.
Samuel Mayol
[1] Lire aussi Le directeur de l’IUT de Saint-Denis agressé à Paris (rtl.fr , 22 mai 14), G. Chevrier : "Communautarisme à l’IUT Saint-Denis : faut-il interdire le voile à l’université ?" (lefigaro.fr/vox , 21 mai 14), "En Seine-Saint-Denis, enquête sur un IUT à la dérive" (lefigaro.fr , 20 mai 14), "Le directeur de l’IUT de Saint-Denis visé par des menaces de mort à caractère islamiste" (rtl.fr , 19 mai 14) (note du CLR).
Cette contribution est parue sous une autre forme dans Marianne (26 sept. 14) (note du CLR).
Lire aussi "Déferlante de voiles à l’université" (J.-P. Brighelli, lepoint.fr , 3 oct. 14), Le directeur de l’IUT de Saint-Denis agressé à Paris (rtl.fr , 22 mai 14), "En Seine-Saint-Denis, enquête sur un IUT à la dérive" (lefigaro.fr , 20 mai 14), "Le directeur de l’IUT de Saint-Denis visé par des menaces de mort à caractère islamiste" (rtl.fr , 19 mai 14), "Communautarisme : Malika Sorel décrit les coulisses des universités" (lefigaro.fr , 21 mai 14), "Le communautarisme gagne du terrain dans les facultés" (Le Figaro, 21 mai 14), "Il est fondamental de réaffirmer le principe de laïcité à l’université" (J.-L. Auduc et A. Seksig, lepoint.fr , 28 oct. 13), “Expression religieuse et laïcité dans les établissements publics d’enseignement supérieur” (Haut conseil à l’intégration, 28 mars 2013), "Garantissons la neutralité religieuse dans les salles de cours du supérieur" (collectif, Le Monde, 4 oct. 13), "Laïcité et enseignement supérieur" (CPU, 2004) (note du CLR).
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