Groupe Plessis, pseudonyme d’un groupe de hauts fonctionnaires. 21 juin 2016
"[...] La CEDH exerce une influence considérable sur notre droit. C’est ainsi, pour prendre quelques exemples récents, que la CEDH a imposé à la France de revenir sur l’interdiction des syndicats dans les armées. Elle a également imposé la présence d’un avocat dès le début de la garde à vue, compliquant singulièrement le travail de la police et confirmant ainsi qu’elle estimait la procédure plus importante que l’efficacité policière. L’article 8 de la convention EDH (respect de la vie privée et familiale) est utilisé comme une arme massive, et très efficace, contre la politique d’expulsion des étrangers en situation irrégulière et pour faciliter le regroupement familial. Dans le domaine ô combien sensible de la famille et de la filiation, la CEDH ne se prive pas non plus d’intervenir, prenant de court le législateur en imposant à l’Etat de reconnaître la filiation des enfants nés de mères porteuses à l’étranger, ouvrant la voie à tous les trafics. Dans la lutte contre le terrorisme, la Cour s’est illustrée par des décisions aberrantes, empêchant l’expulsion ou l’extradition de terroristes patentés au motif qu’il pourrait subir dans leur pays de destination « des traitements inhumains ou dégradants » !
Un juge azerbaidjanais, albanais, moldave, géorgien ou turc, pour citer des ressortissants de pays réputés pour leur respect des droits de l’homme…, a ainsi une influence sur le droit français que pourraient leur envier bon nombre de nos parlementaires ! Mais il est vrai aussi, et c’est peu connu, que le véritable élément moteur est l‘administration elle-même de la CEDH, le « greffe », qui prépare les décisions. Peuplé de militants, on reconnaît leur marque dans une jurisprudence qui privilégie une vision « progressiste » de la société : refus des frontières, défiance vis-à-vis des Etats, culte de la non-discrimination, primat de l’intérêt du délinquant sur celui de la victime, de la revendication individuelle sur l’intérêt collectif, de la procédure sur la décision et l’action, libertarisme moral…
On note d’ailleurs que la CEDH paraît étrangement bien plus efficace quand il s’agit de s’acharner juridiquement sur les pays occidentaux, qui jouent le jeu, que lorsqu’il s’agit d’exercer sa vocation initiale envers d‘autres pays membres du Conseil de l’Europe où persistent, pour le coup, de véritables atteintes au noyau dur des droits de l’homme (tortures, assassinats politiques, élections truquées…).
[...] Auto-proclamée gardienne de l’ordre public européen, la CEDH paraît donc saisie de démesure, comme toutes les institutions non contrôlées (on sait depuis Montesquieu qu’un pouvoir doit être limité par un autre pouvoir). Dans une démocratie, c’est en effet au législateur, et non au juge, a fortiori à un juge étranger, qu’il appartient de définir l’intérêt collectif. La CEDH, qui fait désormais intrusion au cœur même de la légitimité politique, pose donc un véritable problème démocratique.
[...] Se dégager de cette étreinte est désormais une priorité si, d’un point de vue opérationnel, l’on veut retrouver des marges de manœuvres s’agissant notamment de la lutte contre l’immigration ou le terrorisme, mais surtout, si, d’un point de vue symbolique et politique, on veut redonner à la France son autonomie juridique. Certes, la CEDH a pu permettre, c’est indéniable, certaines avancées en matière de protection des droits. Mais notre pays dispose des instruments nécessaires au respect des droits de l’homme, dont les principes figurent dans notre « bloc de constitutionnalité », et particulièrement dans la déclaration de 1789, leur respect étant notamment assuré aujourd’hui par le mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Force doit être maintenant de reconnaître que le droit issu de la convention européenne n’est plus celui auquel la France avait adhéré en 1974. Face à l’emballement de cette machine, peu de solutions s’offrent à nous : abdiquer et subir, renégocier le fonctionnement de la Cour dans le cadre du Conseil de l’Europe mais cela paraît très improbable, sortir de la convention EDH, ce qui n’exclut pas d’ailleurs une négociation ultérieure, plus simple, pouvant par exemple tendre à faire de la CEDH une instance consultative. Contrairement à certaines idées reçues, quitter la CEDH est juridiquement tout à fait possible : l’article 58 permet de dénoncer la convention EDH « moyennant un préavis de six mois, donné par une notification adressée au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe ». Mais la question n’est pas tant juridique que politique. Le vrai sujet, c’est de trouver la volonté politique de se libérer de ce carcan, c’est la place que l’on veut redonner à la souveraineté nationale qui, selon l’article 3 de notre constitution, « appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. »"
Lire "Cour européenne des droits de l’homme : pourquoi en sortir est un impératif démocratique".
Lire aussi Sindicatul Pastorul cel Bun : le droit européen contre la laïcité (C. Ruche), "La CEDH, ce machin qui nous juge" (E. Conan, Marianne, 4 juil. 14) , "Notre justice sous influence" (Le Parisien, 27 juin 14), "Quand l’Europe fait la loi" (Le Parisien, 27 juin 14), “Témoins de Jéhovah : la Cour européenne des droits de l’homme condamne la France” (lemonde.fr , 30 juin 11), “La Cour Européenne des Droits de l’Homme autorise les crucifix dans les écoles publiques !” (Libre Pensée, 25 mars 11), “La Cour européenne statue de plus en plus sur le fait religieux” (La Croix, 17 mars 11), “L’adultère, motif de licenciement pour la Cour européenne” des droits de l’homme (rue89.com , 9 déc. 10) (note du CLR).
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