Revue de presse

"Notre justice sous influence" (Le Parisien, 27 juin 14)

4 juillet 2014

"Les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) modifient profondément le droit pénal. L’évolution des conditions de garde à vue, cet espace-temps durant lequel la personne soupçonnée d’avoir commis un crime ou un délit n’est pas libre de ses mouvements et doit répondre aux questions des enquêteurs, le démontre.

Le 28 juillet 1999, la CEDH condamne la France pour les « traitements inhumains et dégradants » infligés à un homme très violemment agressé par des enquêteurs de la police judiciaire de Seine-Saint-Denis en 1992. Entre les coups et les sévices, Ahmed Selmouni a subi une véritable « torture », interdite par l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme, selon lequel : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » Bien sûr, la loi française n’a jamais autorisé les policiers à passer quiconque à tabac, mais cet arrêt a définitivement mis un terme aux « coups d’annuaire sur la tête », relève un avocat pénaliste.

La présence de l’avocat pendant les auditions en garde à vue, instaurée dans la loi du 14 avril 2011, découle de décisions de la CEDH fondées sur l’article 6 de la convention qui détaille les conditions d’un « procès équitable ». Dans l’arrêt Brusco, les juges européens relèvent que l’avocat n’a assisté son client qu’à la vingtième heure de garde à vue et que la personne interrogée n’avait pas été informée de son droit au silence. Prochaine étape de la réforme : l’accès au dossier pour les avocats.

Si, en matière civile, les décisions de la CEDH n’ont pas pour conséquence de faire rejuger les affaires, ce n’est pas le cas en matière pénale. C’est pour cette raison que Maurice Agnelet a comparu pour la troisième fois devant une cour d’assises. Condamné en 2007 à vingt ans de réclusion pour le meurtre d’Agnès Leroux, disparue en 1980, après deux précédents procès, Maurice Agnelet avait saisi la CEDH, arguant de l’absence de motivation pour la peine.

Pour les juges de Strasbourg, l’article 6 sur le procès équitable implique que l’accusé comprenne pour quelles raisons il est condamné. Depuis cet arrêt rendu fin 2012, la cour d’assises ne se contente plus d’énoncer une peine après avoir répondu oui à la question de la culpabilité. Le troisième procès d’Agnelet ne lui a pas réussi : l’homme, 76 ans aujourd’hui, s’est vu infliger vingt ans de réclusion.

La France est par ailleurs régulièrement condamnée par les juges de Strasbourg pour l’état de ses prisons, quand les détenus les saisissent pour « conditions inhumaines et dégradantes »."

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