9 mai 2015
Le Comité Laïcité République s’est prononcé depuis longtemps et à de multiples reprises contre toute forme de fichage et de statistiques entho-raciales ou religieuses. Il ne peut que condamner avec la plus grande énergie l’entreprise menée par le maire d’extrême droite de Béziers, M. Ménard, qui a révélé avoir procédé au "recensement" des élèves des écoles de sa ville selon leur appartenance religieuse supposée.
La loi du 6 janvier 1978 dite "informatique et liberté" et une décision du Conseil constitutionnel de 2007 interdisent clairement ce type de pratiques et c’est sur cette base qu’une enquête judiciaire a été ouverte à l’encontre de M. Ménard.
Rappelons qu’un des plus gros bailleurs sociaux d’Ile-de-France avait été condamné en mai 2014 pour avoir établi un "fichage ethnique " de ses locataires sans susciter autant d’émoi.
Au terme de la loi, "il est interdit de traiter des données à caractère personnel qui font apparaitre, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les options philosophiques, politiques ou religieuses ou l’appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci".
En 2009, pourtant, l’Institut national d’études démographiques avait obtenu une dérogation de la part de la CNIL et plusieurs initiatives ont été prises de façon plus ou moins artisanale pour procéder à de tels recensements ethno-religeux, par exemple par un institut de sondage ou encore un quotidien national pour les "besoins" d’une enquête.
Au-delà de l’extrême droite, certains courants de gauche sont en effet très attachés à définir les personnes selon leurs origines ou leur confession religieuse. C’est ainsi qu’en 2011 la très distinguée Fondation Terra Nova avait préconisé l’instauration d’une "citoyenneté musulmane" en France.
L’initiative prise par un maire d’extrême droite compte de nombreux adeptes dans quasiment tout le champ politique et il est singulier d’entendre aujourd’hui des cris d’orfraie vis-à-vis d’une pratique défendue à droite comme à gauche.
On se souvient ainsi comment le président Sarkozy, en nommant commissaire à la diversité M. Yazid Sabeg en 2008, avait imaginé pouvoir officialiser les statistiques ethno-raciales.
Un rapport élaboré par une commission présidée par Mme Simone Veil avait alors mis un terme à ces velleités.
Fin 2014, un rapport sénatorial co-rédigé par Mme Benbassa (EELV) et M. Lecerf (UMP) préconisait clairement l’instauration de statistiques ethno-raciales.
Lors de la remise d’un rapport du Sénat sur les réseaux djihadistes il y a quelques semaines, plusieurs sénateurs UMP s’étaient à nouveau clairement engagés pour la mise en oeuvre de telles statistiques. Plusieurs responsables du PS se sont aussi déclarés partisans de mesures analogues, défendues de manière massive par Les Verts.
Il y a donc une immense hypocrisie à voir M. Ménard condamné pour des initiatives défendues par beaucoup, au-delà de l’extrême droite. Le 5 février dernier, interrogé sur ces débats ressurgis après les assassinats barbares de janvier 2015 et portés de manière récurrente par le quotidien "Libération", le président de la République avait clairement affirmé son opposition à de telles initiatives.
Etablir des statistiques ethno-raciales ou ethno-religieuses, quelles que soient les méthodes retenues, procède d’une vision racialiste de la société, qui mèle quasi-inévitablement le biologique et le politique. Il ne s’agit pas seulement d’une lecture communautariste de la société, mais bien d’une approche différentialiste, car ces statistiques ont toujours pour but d’identifier des catégories de personnes à raison de leur naissance ou de leurs convictions religieuses pour leur appliquer des droits particuliers.
Elle postule que les êtres humains sont définis par leurs caractéristiques biologiques ou par leur naissance et procède donc par définition d’une conception réactionnaire de l’humaine condition. Ces pratiques doivent être bannies sans réserve et le Comité Laïcité République espère que l’épisode révélé par le maire d’extrême droite de Béziers mettra un terme à ce débat en France.
Au-delà des questions de principe, des considérations juridiques énoncées clairement dans la loi de 1978, rappelons aussi que la dernière entreprise massive de recensement ethno-religieuse en France remonte à l’Occupation.
Comité Laïcité République
le 9 mai 2015.
Comité Laïcité République
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