9 novembre 2014
Le Sénat doit se prononcer le 12 novembre prochain sur l’adoption d’un rapport sur les discriminations, dont les auteurs sont Esther Benbassa (Verts) et Jean-René Lecerf (UMP). Lors de son examen par la commission des lois, le 5 novembre, plus de deux heures de débat ont mis en lumière le caractère profondément polémique de plusieurs mesures contenues dans ce rapport et, au-delà, de la philosophie qui le sous-tend.
Les membres de la commission sénatoriale des lois se sont notamment affrontés sur la proposition du renforcement de l’enseignement du fait religieux à l’école, sur les recours collectifs en justice par les personnes s’estimant discriminées, sur l’instauration de statistiques ethno-raciales ou sur la question des carrés musulmans dans les cimetières, entre autres sujets.
La philosophie de ce document, qui s’inscrit dans une filiation très claire avec les fameux 5 rapports publiés sur le site du Premier ministre en novembre 2013, lesquels avaient été écartés par Jean-Marc Ayrault, relève d’une logique communautariste. Non seulement elle prend acte d’une communautarisation croissante de la société mais elle l’encourage par des mesures qui mettent de manière permanente en exergue les origines ethniques et religieuses des personnes.
Après la très vive polémique qui avait entouré la publication de ces 5 rapports, une nouvelle "feuille de route" sur la politique d’intégration avait été rendue publique le 11 février dernier sous l’autorité de Jean-Marc Ayrault avec le concours actif du ministre de l’Intérieur d’alors, Manuel Valls, qui comportait 28 mesures concrètes dont un nombre significatif concernaient les discriminations et la manière de les combattre. "Il ne s’agit pas de créer du droit spécifique pour différentes catégories de citoyens mais de permettre à tous d’accéder au droit commun", soulignait Jean-Marc Ayrault le 11 février 2014. Le 16 septembre dernier, dans son discours de politique générale, Manuel Valls évoquait aussi ces questions : "Si certains font le choix du repli, c’est aussi parce que la République n’a pas su tenir ses promesses. C’est parce que trente ans de politique d’intégration, en faisant le choix de se diriger vers des populations en fonction de leurs origines, ont fait en grande partie fausse route".
C’est en effet en faisant le choix d’une politique de lutte contre les discriminations qui unit et non qui incite à la défiance mutuelle, que la France luttera le plus efficacement contre les discriminations. La cohésion sociale est fragile, les tensions sont parfois vives entre certaines catégories de la population, les extrémismes politiques et religieux croissent de manière spectaculaire depuis plusieurs années. Dans ce contexte-là, c’est de rassemblement et non de division dont notre pays a besoin. C’est la raison pour laquelle les sénateurs doivent imaginer des mesures de lutte contre les discriminations qui s’inscrivent dans la tradition républicaine et non dans la filiation d’une philosophie communautariste de juxtaposition de groupes sociaux selon leurs origines ethniques ou religieuses. En particulier, l’instauration de statistiques ethno-raciales aurait pour effet d’institutionnaliser les origines des membres de la communauté nationale et enclencherait un engrenage porteur de beaucoup de dangers et de tensions.
Pour toutes ces raisons, le Comité Laïcité République attend des sénateurs qu’ils n’approuvent pas le contenu ni les préconisations de ce rapport.
Comité Laïcité République
le 9 novembre 2014.
Comité Laïcité République
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