Tribune libre

Politiquement correct, l’obscurantisme (Yves Agnès)

Yves Agnès, ancien rédacteur en chef au "Monde", ancien directeur du Centre de formation des journalistes (CFJ). 7 juillet 2018

Extrait de Yves Agnès, "Le poison du politiquement correct" (2017) [1].

"Obscurantisme

Le relativisme cher aux zélateurs du politiquement correct, qui obscurcit la réalité et en voile la compréhension, n’est-il pas un nouvelle facette de l’obscurantisme ? Leur défense des religions et de leurs adeptes au prétexte d’une tolérance sans bornes n’en serait-il pas le signe le plus troublant ?

Galileo Galilei est un imposteur et un renégat ! La Terre n’est pas « en mouvement » et le Soleil n’est pas « au repos », au cachot le savant ! Dieu a créé l’homme, puis la femme, avant de se reposer de son œuvre le 7ème jour. Nous autres, évangélistes et créationnistes d’Amérique et d’ailleurs, connaissons la vérité ! Wallace et Darwin peuvent aller se rhabiller.

Et que tous ceux qui osent profaner la sainte trinité, Allah, Dieu, Yahvé et leurs prophètes, soient punis par la justice… des hommes, c’est plus sûr.

« Ecrasons l’infâme », tonitruait Voltaire ; l’infâme, c’est-à-dire en fait la religion elle-même et son corollaire l’intolérance. L’obscurantisme, c’est le refus des « Lumières », de l’instruction et de la culture, la négation de la science, du savoir et des progrès de la connaissance. Ce n’est pas un hasard si l’Eglise catholique a essayé d’empêcher en la combattant bec et ongles la diffusion de L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.

La seule posture raisonnable pourrait être l’agnosticisme (« je ne sais pas » s’il existe une puissance supérieure au monde qui nous entoure). La croyance en un « grand horloger » semble en effet artificielle. Et l’athéisme se vante d’ignorer cette interrogation fondamentale qui taraude l’être humain : pourquoi, comment l’univers ? Ou si l’on veut en termes plus modernes : quoi avant le Big-Bang ?

Les clergés de toute nature ont malgré tout aujourd’hui quelque difficulté (en dépit de l’engouement contemporain pour le côté obscur) à recruter naïfs et crédules afin d’en faire les esclaves volontaires d’une pensée formatée. Même si certains barbares veulent par exemple réhabiliter la lapidation des femmes adultères, prônée par la Bible et le Coran, l’être humain tente malgré tout depuis des siècles de supprimer ce genre de pratique qui bien qu’ancestrale (les sacrifices humains le sont aussi…) n’en est pas moins ignoble. Les chrétiens ne sont plus obligés de « faire maigre » le vendredi (mais leurs confrères juifs et musulmans restent encore souvent crispés sur le « casher » ou le « hallal »). Chantons avec Alain Souchon : on avance, on avance…

C’est ce qui chagrine hautement tous ceux qui se servent de la religion depuis des millénaires pour asseoir leur pouvoir sur leurs contemporains. Par la force. Par la manipulation des esprits. On ne saurait trop conseiller au clergé du politiquement correct de rendre obligatoire la croyance en un ou plusieurs Dieux. Et tout ce qui va avec."

[1Publié notamment dans la revue "[im]Pertinences" (Académie de l’éthique) : "Le poison du politiquement correct - Catéchisme du savoir vivre et penser" (note du CLR).



Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales