Revue de presse / tribune

M. Savignac (MGEN) : « Pourquoi nous soutenons la légalisation de l’aide active à mourir » (la-croix.com , 16 sept. 22)

Matthias Savignac, président de la MGEN. 19 septembre 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Après un texte publié par La Croix questionnant le soutien de plusieurs mutuelles dont la MGEN à la légalisation de l’euthanasie, son président, Matthias Savignac, répond. Selon lui, ce sont des témoignages d’adhérents et une cohérence par rapport à ses combats historiques qui fondent cette position de la MGEN.

Matthias Savignac

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« Ma sœur a été diagnostiquée comme étant atteinte de la maladie de Charcot (…), elle a donc décidé de se rendre rapidement en Suisse pour suivre la procédure de suicide médical assisté, pratique interdite en France (…), déjà très affaiblie. Elle n’est plus autonome. Elle éprouve des difficultés à lever les bras… voire même occasionnellement à respirer », nous écrit le frère de Floriane [1].

« Mon mari âgé de 90 ans est en soins à domicile depuis le mois de mars en raison d’une insuffisance rénale sévère. (…) Le généraliste est à l’écoute mais, malgré ses demandes répétées, ne peut pas l’aider à mourir en raison d’absence de loi l’autorisant. (…) Il souffre physiquement et moralement (…) Quand la loi va-t-elle enfin évoluer ? », nous écrit Sylvie [2].

Ce sont là des témoignages d’adhérents de notre mutuelle, la MGEN, démunis face aux parcours de fin de vie de leurs proches. Depuis soixante-quinze ans, notre mutuelle est à leurs côtés. Elle protège aujourd’hui plus de 4 millions de personnes. La légitimité de la MGEN à parler de la fin de vie est issue de son histoire, faite de combats sociétaux pour le respect de la personne humaine, et des témoignages dont nos adhérents, comme le frère de Sylvie ou Floriane, nous font part.

Elle est aussi issue d’une année de débats souhaités par notre collectif mutualiste et organisés au sein de nos 102 sections locales et de nos établissements de santé MGEN, nourris à la fois de l’expérience de nos professionnels de santé intervenant en fin de vie, dans nos Ehpad et centres de soins, de la contribution de 6 000 militants et adhérents ainsi que des résultats d’une enquête menée par l’Ifop auprès de 4 000 Français.

Fruit de cette concertation, notre manifeste vise à rendre effectifs le droit au respect et à la dignité jusqu’à la fin ainsi que l’égalité de droits face à la fin de vie et à permettre une plus grande liberté de choix. Quels que soient son lieu de résidence, son âge, son niveau de revenu… chacun doit pouvoir faire des choix éclairés concernant sa fin de vie.

Rester chez soi, avec ou sans soins, vivre en Ehpad, être hospitalisé, avoir recours à des soins palliatifs… l’égalité d’accès aux soins n’est aujourd’hui pas effective : les dispositifs légaux, les moyens alloués et leur maillage territorial restent insuffisants.

Porteurs d’une vision humaniste, fraternelle et solidaire de la société, nous souhaitons que la loi française permette effectivement d’être soulagé et accompagné jusqu’au terme de sa vie, de vivre ses derniers instants de manière apaisée, avec le moins de douleur possible et entouré de l’amour des siens. Au-delà de ce qui existe déjà, 92 % des Français et 97 % des adhérents MGEN [3] souhaitent la légalisation de l’aide active à mourir juste pour se dire qu’ils pourront un jour – s’ils le décident et s’ils sont éligibles au regard de leur situation médicale – demander à être aidés à partir. Nous nous devons d’entendre leurs inquiétudes, voire leurs souffrances.

Certains ne conçoivent pas d’être aidé à mourir et c’est leur droit le plus strict. Nous respectons leur avis parce que nous sommes attachés au débat d’idées, a fortiori quand il touche à la santé, à l’intime et aux convictions personnelles de chacun.

Nous entendons des soignants affirmer que leur métier consiste à « soigner, pas tuer ». Le geste final ne sera, bien sûr, jamais évident, aussi nous respectons la clause de conscience du corps médical. Mais peut-on se satisfaire aujourd’hui que l’ultime soin soit la sédation profonde et continue ? Qui peut affirmer qu’on ne souffre pas dans cet état, sans alimentation ni hydratation ? Que dire de ces personnes qui souffrent de maladies dégénératives incurables et qui souhaitent en finir sans subir les effets terribles de la maladie ? Que dire de nos concitoyens qui se rendent en Belgique ou en Suisse pour avoir recours à l’aide active à mourir ? Quelle place faire aux familles et à l’entourage ? Comment mieux les accompagner ? Libérer de ses souffrances une personne malade et sans guérison possible, qui en conscience et de manière répétée le demande, semble la réponse la plus humaine et la plus solidaire à apporter.

Pour autant, l’aide active à mourir ne doit pas remplacer le soin palliatif, elle doit le compléter. Une voie éthique existe – comme le prône le CCNE – et implique l’allocation de moyens suffisants au système de soins, à la recherche médicale et à la formation des soignants.

Nous attendons avec sérénité que la convention citoyenne et le travail parlementaire s’ouvrent. Nous sommes prêts à participer aux débats qui seront organisés dans les espaces éthiques régionaux. Nous défendrons le développement des moyens alloués aux soins palliatifs, le respect et l’application des dispositifs existants – trop peu de Français connaissent et ont rédigé leurs directives anticipées –, ainsi que la nécessité de légaliser l’aide active à mourir. Si son principe semble proche du consensus, ses modalités restent à fixer. Bien encadré, ce nouveau droit pourrait avoir pour effet de libérer la parole autour de la mort et du deuil, d’aider à la détection de l’isolement, du renoncement aux soins, des dépressions graves voire des risques de suicide. La démocratie en santé se construit ensemble, en mettant en commun les expertises, en écoutant les soignants mais aussi les patients et les citoyens, en dépassant les couleurs comme les clivages politiques, les croyances comme les situations personnelles.

Avec cette position, la MGEN est fidèle à des années de combat pour la conquête de droits sociaux en faveur de l’émancipation, de la liberté, de l’égalité et de la laïcité. Établissements mutualistes, déploiement des soins à domicile, téléconsultation… nous explorons et innovons sur les territoires pour la santé de toutes et tous. Nous prendrons notre part dans le débat public avec l’ambition de contribuer à construire une société plus humaine et vivante que jamais."

[1Les prénoms ont été modifiés.

[2Les prénoms ont été modifiés.

[3Enquête Ifop, juin 2022 (les résultats de ces enquêtes restent très dépendants de la manière dont la question est posée, voir notre article à ce sujet, NDLR).



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