Comité Laïcité République - La laïcité n’est pas une opinion, c’est la liberté d’en avoir une

Les temps dits « modernes », à bien des égards conservateurs, donnent parfois à penser que la liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité seraient acquises et leur histoire achevée. Plus besoin des Lumières dès lors qu’elles rayonneraient !

Chacun sent bien qu’en fait ces principes universels, fondateurs de la République, ouverts à toutes les femmes et à tous les hommes, quels que soient leurs origines, leur couleur, leur culture sont menacés de par le monde. Ce qu’on croyait acquis, gravé dans le marbre, nécessite un combat de tous les instants pour repousser les assauts obscurantistes aux visages multiples.

Les héritiers des philosophes des Lumières ont vocation à porter le flambeau d’une humanité en quête de son émancipation permanente A l’arborer fièrement, sans culpabilité mais avec responsabilité, sachant que la folie des hommes peut les conduire au pire en détournant le progrès et la raison à des fins mercantiles et doctrinaires. Les Lumières qui éclairent - et non la Lumière qui aveugle - c’est l’homme, la femme, s’élargissant des peurs originelles, des dangers, de la faim, de la nature, de la maladie, de l’ignorance, des préjugés, des injustices, des souffrances, de toutes les servitudes, de ce qui aliène sa capacité à choisir sa vie, à assumer pleinement sa mort. C’est la connaissance du monde et de soi, le libre examen, c’est le respect des autres et de soi-même, l’égalité des droits et des devoirs entre tous les êtres humains, la justice sociale sans laquelle les valeurs éthiques demeurent des vœux pieux. C’est la langue de la Fraternité

L’actualité atteste s’il en était besoin du retour macabre des intolérances, des injustices, des visions obscurantistes et sectaires, communautaristes et totalitaires. Tous les jours des articles de presse témoignent de cas de femmes battues, lapidées, enfermées, « engrillagées », de minorités réprimées, d’homosexuels stigmatisés, d’intellectuels laïques éliminés. Toutes les semaines ce sont, ici ou là, des campagnes officielles contre l’usage des préservatifs (quitte à condamner des populations, comme sur le Continent Noir, largement séropositives ), des déclarations contre l’IVG (même dans le cas d’une jeune brésilienne violée alors que les médecins ayant procédé à l’interruption de grossesse sont eux excommuniés !!), contre l’instruction des jeunes filles, contre l’homosexualité présentée comme une maladie, contre la théorie darwinienne de l’évolution dont l’enseignement recule au profit du créationnisme, contre les formidables découvertes de la biologie et de la génétique.

Mais toutes les menaces ne viennent pas que des forces du passé. Les hommes ont besoin de conquérir les nouveaux continents de la connaissance, d’en assurer la maîtrise technique mais aussi éthique, afin de bâtir une Cité des Hommes plus juste et plus éclairée, fondée sur l’éthique des Lumières. Cela signifie un engagement sans faille en faveur d’une laïcité sans qualificatif, pas uniquement défensive mais résolument tournée vers l’avenir, au service de femmes et d’hommes libres, égaux et responsables.

La maitrise de l’idée de mort, sujet tabou par excellence, marque une étape d’envergure sur ce chemin d’émancipation. L’homme des temps les plus anciens devint homme en enterrant ses compagnons, en découvrant qu’il est mortel et en inventant les dieux qui faisaient sens face à l’angoisse de sa propre finitude. L’homme d’aujourd’hui envisage un nouveau seuil de conscience, de liberté et de dignité. Même s’il a toujours besoin de mythes et qu’il en sera heureusement toujours ainsi, il sait désormais que sa mort lui appartient en propre et que nul dieu ne peut lui interdire d’en être le décideur s’il le souhaite.

Mais de l’idée au droit il y a encore un pas important à franchir. Tel est l’enjeu d’une loi permettant à chaque femme et à chaque homme, en conscience, de décider des conditions de sa fin de vie, de la même façon que nous voulons que chaque être humain puisse librement décider de sa propre existence, dans la seule limite du respect de la liberté des autres.

C’est un combat d’avenir que mène l’Association pour le Droit de mourir dans la dignité, combat qui s’inscrit dans le cadre plus large d’une République laïque et sociale, auquel nous apportons un soutien sans partage.

Patrick Kessel

Président du Comité Laïcité République