Comité Laïcité République Drôme Ardèche

Jean-Louis Touraine à Valence (27 mai 24) : « Quand vous n’avez pas l’esprit laïque, vous n’avez pas à choisir. Les dogmes et dictats s’imposent à vous »

Jean-Louis Touraine, professeur émérite de médecine, membre du comité d’honneur de l’ADMD, ancien député du Rhône. 20 juin 2024

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140 participants à la conférence de Jean-Louis TOURAINE dont plusieurs élus locaux de la Drôme et de l’Ardèche.

Sujet d’actualité, avant la dissolution de l’assemblée Nationale, le projet de loi du gouvernement qui est entré depuis le 13 mai dans le circuit des débats parlementaires par l’examen des amendements proposés par les députés était l’ordre du jour, ce même jour, à l’Assemblée nationale pour deux semaines.

Il suffit de lire les titres et les articles de la presse nationale, ce matin, pour comprendre que les débats qui vont probablement être fortement médiatisés seront vifs sur ce sujet attendu par une grande partie de la population.

"Assemblée, sur la fin de vie un débat vital" (Libération)
"Les députés face aux ambiguïtés de l’aide à mourir" (L’Opinion)
"Fin de vie l’ultime liberté" (L’Humanité)
"Fin de vie, les députés entre convictions et pragmatisme" (La Croix)
"Fin de vie : une bataille à risque" (Le Figaro) [1].

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Un sondage de l’IFOP mené du 26 avril au 2 mai dernier indique que 92 % des Français se déclarent favorables à l’euthanasie lorsque le patient, atteint d’une maladie insupportable et incurable, en formule la demande.

Les débats parlementaires qui débutent sur la capacité du libre choix de sa fin de vie fait, pour nous, membres du Comité laïcité République, écho à l’article 1 de la loi du 9 décembre 1905 : « La République assure la liberté de conscience »

Cette phrase répond, pour nous, au respect de la dignité humaine qui passe par le respect, notamment, de ce que nous voulons faire de notre fin de vie en toute conscience. Aujourd’hui encore sur ce sujet les débats s’appuient sur des fondements qui sont souvent le produit de dogmes et des morales religieuses. Après nombreuses années d’hésitations et en dehors de la Convention citoyenne qui s’est tenue de décembre 2022 à avril 2023, les échanges réguliers entre le plus sommet de l’État et les autorités religieuses ces derniers mois nous l’ont démontré.

Les dogmes et les morales religieuses peuvent librement s’exprimer sur leur conception de la fin vie et cela sans enlever à leurs adeptes la possibilité de continuer à s’imposer leurs règles, leurs dictats. Mais elles n’ont, pour nous, aucune légitimité à vouloir les imposer à celles et ceux qui ne le souhaitent pas pour eux-mêmes.

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Les questions abordées pendant la conférence touchent au plus intime de chacun de nous. Elles concernent ce qu’il y a d’essentiel, au moment d’achever le temps de notre existence, à savoir les conditions dans lesquelles, en ce moment ultime, il est possible pour chacun de nous de s’affirmer comme être libre, ayant le droit de disposer librement de sa vie, c’est-à-dire de s’affirmer comme souverain.

Les laïques que nous sommes mettent au premier plan de leurs convictions l’idée que ce qui est la caractéristique majeure de l’espèce humaine c’est l’existence en chacun de nous d’une capacité d’auto-détermination, d’une capacité de définir ce qui est le bien et le mal par le débat collectif pour ce qui est de la vie commune pour faire société par la réflexion personnelle pour ce qui est des comportements individuels en toute liberté de conscience.

Cette capacité – que nous nommons raison - nous permet de faire les choix qui sont ceux de notre vie en tant qu’être humain. Elle doit pouvoir s’exercer pleinement pour ce qui est le moment ultime de notre existence. La décision de mourir relève de la liberté de l’être rationnel. Elle ne doit relever d’aucune autre décision que celle du sujet libre qui a le droit de demander qu’on l’aide à mourir s’il juge que l’heure est venue pour lui de quitter cette existence parce que vivre n’est plus qu’une longue souffrance sans espoir de rémission.

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Ce débat ne doit pas opposer les soins palliatifs à un nouveau droit sur une aide à mourir. Les soins palliatifs sont évidemment nécessaires pour l’accompagnement des personnes en fin de vie qui souhaitent en bénéficier et il faut les développer sur tout le territoire. Parallèlement une nécessité pédagogique s’impose par une réelle formation des médecins et du personnel médical, actuellement insuffisante, doit être développée qu’ils soient en capacité, dans le respect des directives anticipées, d’accompagner, d’aider à mourir celui qui souffre sans espoir raisonnable de guérison si il a décidé de cesser de souffrir. Cela répond à un devoir d’humanité.

L’évolution de nos sociétés conduit à ce que de nouveaux droits soient régulièrement ajoutés. Être aidé à mourir est un droit nouveau qui doit aujourd’hui s’ajouter à la liste de ces droits.

Notre corps nous appartient, notre mort doit nous appartenir. Chaque français doit pouvoir choisir en pleine liberté et dignité les conditions de sa fin de vie conformément à ses convictions.

A la lumière de son expérience de médecin, Jean-Louis Touraine a toujours été engagé sur les sujets de bioéthique. Député du Rhône, président du groupe d’études de l’Assemblée nationale sur la fin de vie de février 2018 à juin 2022, il a été été rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique de juillet 2019 à août 2021. Membre du comité d’honneur de l’Association au Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD), son engagement s’inscrit dans celui du Sénateur Henri Caillavet, qui avait proposé un projet de loi en avril 1978 sur le droit à mourir (loi qui verra le jour 27 ans plus tard par la loi Léonetti en 2005). 

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Les quelques phrases qui suivent, notamment celle de son livre Donner la vie, choisir sa mort (Éditions Erès – 2019) illustrent le sens de son engagement depuis de nombreuses années et illustrent le sens de son engagement ainsi que l’éclairage qu’il a apporté lors de cette conférence sur une possible future loi de liberté ultime.

  • « Le temps est révolu où le paternalisme d’une société de médecins, d’autorités civiles et ecclésiastiques décidait de ce qui est satisfaisant pour chaque moribond. Le soigné n’est plus sous la domination du soignant ».
  • « Tout l’art, dans la bioéthique de demain, consistera à conjuguer des valeurs humanistes communes avec des points de vue divers, des choix de vie différents, mutuellement respectés ».

Hervé Garnier

[1Voir dans la Revue de presse la rubrique Fin de vie (note de la rédaction CLR).



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