par Jean-Pierre Sakoun, président du Comité Laïcité République. 17 mai 2018
En référence à la chanson de Michel Delpech « Inventaire 66 ».
En quelques jours viennent de se télescoper des événements qui en disent long sur l’état d’irritation de la société française, en l’absence d’une réponse forte, démocratique et républicaine aux attaques qui se succèdent contre la laïcité, ce génie de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.
Devant le flottement qui s’est instauré sur l’avenir, que certains voudraient concordataire, de l’organisation du culte musulman en France, les entrepreneurs de division et de haine, menés par celui qui a repris le flambeau des mains de Tariq Ramadan, se sont engouffrés dans la brèche. Voilà qu’ils proposent une « consultation des musulmans de France », dont on sait à l’avance qu’elle sera manipulée par les groupes les plus extrémistes et les plus hostiles à la République.
Au même moment, un syndicat étudiant historique à la dérive, après avoir passé des accords avec un syndicat étudiant confessionnel intégriste, élit à la tête de l’AGE de la Sorbonne, une étudiante voilée. Celle-ci illustre le remplacement du précepte émancipateur de Karl Marx – la religion est l’opium du peuple - par le symbole de la soumission des femmes. Aucun de ses soutiens ne semble comprendre que la liberté individuelle trouve sa limite lorsqu’elle bafoue la dignité humaine. Il est interdit de se vendre comme esclave. Il est interdit de se faire « lancer » lorsque l’on est un nain, même consentant. La liberté individuelle et la liberté absolue de conscience sont vidées de leur sens lorsqu’elles sont utilisées, sous l’injonction d’un intégrisme religieux, pour marquer l’abaissement d’une partie de l’humanité.
Bien plus grave encore, ce 12 mai, cinq hommes et femmes ont été égorgés - et l’un d’entre eux est mort - par un fanatique intégriste islamiste âgé de 21 ans, généreusement accueilli et naturalisé français en 2010. Il criait Allah Akhbar au nom de sa vision monstrueuse de la religion, la même qui veut soumettre les femmes et séparer nos concitoyens musulmans du reste du corps social.
« En même temps », on lit qu’un sondage YouGov mené à travers l’Europe en avril 2018 fait apparaître qu’en Grande-Bretagne, en France, en Allemagne, en Grèce, en Scandinavie, les deux principaux sujets de préoccupation des citoyens sont l’immigration et le terrorisme. « En même temps », le sondage commandé par Le Printemps républicain et publié le 11 mai 2018 par Marianne illustre l’inquiétude de l’opinion devant la montée du communautarisme islamiste. Il indique que 68 % des Français réclament un durcissement de la loi de 1905 pour combattre l’intégrisme…
Cet inventaire, qui n’est pas à la Prévert parce qu’il n’a rien d’hétéroclite, est bien plus triste et préoccupant que celui que chantait Michel Delpech en 1966. Souvenons-nous que le refrain Ô combien visionnaire, particulièrement en cette année de commémoration de mai 68, disait « Et toujours le même président ».
Loin de nous l’idée d’appliquer la même remarque à un jeune président de la République élu il y a un an, que celle que la jeunesse lançait à un très vieux président en place depuis huit ans. Mais l’absence d’une parole ferme et rassembleuse rassurant l’immense majorité des Français sur la pérennité indiscutée et indiscutable de la séparation du politique et du religieux et sur le maintien de toutes les conséquences bienfaisantes de celle-ci, en particulier la liberté, l’émancipation, l’égalité entre femmes et hommes et la dignité de citoyen, devient aujourd’hui préoccupante.
Monsieur le président, entendez le message insistant des citoyens français qui, de sondages en enquêtes, réaffirment leur attachement indéfectible à la laïcité. Dans le pays où la politique est reine et où il suffit parfois du verbe pour agir, il est plus que temps que vous affirmiez sans ambiguïté et sans concession votre fidélité à la laïcité et votre passion à la défendre.
Jean-Pierre Sakoun,
président du Comité Laïcité République.
Voir aussi Unef, Burqa : dignité contre liberté ? Le précédent juridique du lancer de nains (liberation.fr , 18 déc. 09), Attaque du 12 mai 2018 (Paris 2e), J.-P. Sakoun : "L’idéal laïque des élus s’est affaibli" (lexpress.fr , 10 mai 18), Ph. Foussier : "Cette neutralité qu’on exige des fonctionnaires, il faut qu’elle retrouve du sens au plus haut niveau de l’Etat" (GODF, 1er mai 18), Un président de la République a pour devoir de ne reconnaître aucun culte (CLR, 10 av. 18), J.-P. Sakoun : « Je regrette que M. Macron ait donné le sentiment de s’adresser à l’Eglise en croyant » (LCI, 10 av. 18), le discours de Macron aux évêques (9 av. 18) : “Le lien entre l’Eglise et l’Etat s’est abîmé, il nous importe à vous comme à moi de le réparer” (la-croix.com , 10 av. 18), Macron chez les évêques de France (9 avril 2018), E. Macron : le politique n’aura pas "une prééminence" sur les religieux (AFP, lemonde.fr , 22 sep. 17), "Devant les chefs religieux, Emmanuel Macron dénonce une "radicalisation de la laïcité"" (AFP, nouvelobs.com , 22 déc. 17) (note du CLR).
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