Revue de presse

Iannis Roder : « Depuis l’avènement de la République, jamais l’école n’a connu une telle crise » (Le Figaro, 31 août 22)

Iannis Roder, agrégé d’histoire, enseignant en réseau d’éducation prioritaire (REP, ex-ZEP), directeur de l’Observatoire de l’éducation de la Fondation Jean Jaurès. 3 septembre 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Iannis Roder, La Jeunesse française, l’école et la République, éd. L’Observatoire, 31 août 22, 224 p.

"Toute une partie de la jeunesse - attirée par l’islamisme ou par le multiculturalisme importé des États-Unis - est désormais en rupture avec notre modèle laïque et républicain. Pour l’école, le défi est d’autant plus immense que le corps enseignant apparaît mal formé pour y répondre et miné de l’intérieur par une minorité agissante militante et idéologue, explique le professeur."

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"[...] Depuis l’avènement de la République, jamais l’école n’a connu la crise que nous vivons aujourd’hui. (…) Ces difficultés, il y a quarante ans, étaient déjà considérables. Toutefois, à l’époque, s’il était question de « climat fortement dégradé », il n’y avait rien qui concernât une remise en cause des fondements de la République ni des enseignements que dispense l’école. Or, c’est le fait nouveau de notre temps. Une part de la jeunesse française semble prendre ses distances avec la République, sa philosophie et ses institutions. 41 % des 18-24 ans se sont abstenus lors du premier tour de l’élection présidentielle d’avril 2022 et 69 % au premier tour des législatives de juin. Ce qui, à première vue, ressemble à un désintérêt pour la vie publique se double d’une attirance certaine pour le mode de vie anglo-saxon diffusé par le soft power américain qui, après le cinéma et la télévision, a envahi les plateformes de streaming.

Une part importante de la jeunesse ne semble plus se reconnaître dans le modèle républicain tel qu’il a été pensé. Cette jeunesse n’est pas univoque et si une partie est séduite par le modèle anglo-saxon, une autre est très attachée à la question religieuse et pense davantage en termes communautaires qu’en termes d’intérêt général. Mais les deux se rejoignent, le modèle anglo-saxon de la citoyenneté étant bien plus favorable à l’expression religieuse et communautaire que le modèle français. L’affirmation de l’individualisme, voire de l’hyper-individualisme, semble rendre caduc notre modèle républicain à leurs yeux et ils n’en comprennent plus ni l’utilité, ni l’intérêt, ni le fonctionnement. Visiblement, quelque chose ne fonctionne plus car l’école ne semble pas en mesure de faire comprendre la République. Il ne s’agit pas ici de faire un état des lieux de l’école, de ce qu’elle fait de bien et de moins bien. Évidemment, nombre de jeunes s’en sortent grâce à l’école. Mais la question n’est pas là et il serait temps d’accepter le réel tel qu’il est au lieu de refuser de voir ce que tout le monde constate : une partie de la jeunesse fait doucement, mais sûrement, sécession… [...]

Certains élèves sont incapables d’entendre - simplement entendre - un discours autre que celui auquel ils croient et dans lequel ils ont probablement grandi. Ce refus d’autres représentations en dit long sur l’impossibilité de ces élèves de transiger pour partager un monde commun. Le monde ne peut être que le leur et pas autre chose. Cette intransigeance pose également une autre question car elle sous-entend que pour une partie des jeunes, comme pour les milieux dans lesquels ils évoluent, la loi de Dieu passe avant celle de la République, ce qui signifie qu’une partie de la population s’arroge la possibilité d’obéir à d’autres lois qu’à celles de la République. [...]

Les affaires concernant des professeurs s’opposant à la loi de 2004 (interdisant le port ostensible de signes religieux à l’école publique, NDLR) ne semblent plus être exceptionnelles et il est évident qu’une minorité agissante de fonctionnaires, non pour des raisons religieuses, mais pour des considérations politiques et idéologiques, cherche à faire de la lutte contre la loi de 2004 un cheval de bataille contre le « racisme systémique » que véhiculerait la République française. [...]

Éric Maurin, directeur d’études à l’Ehess et professeur à l’École d’économie de Paris, a ainsi démontré dans un ouvrage concis et efficace, que depuis la circulaire Bayrou de 1994 et la loi du 15 mars 2004, les jeunes filles d’origine ou de culture musulmane ont profité de la possibilité d’émancipation que leur offraient ces dispositions pour élever leur niveau scolaire et leur niveau d’études : « Elles sont mieux diplômées mais également beaucoup plus souvent mariées à des personnes du groupe non musulman » nous dit-il. [...]

La République a besoin d’enseignants convaincus qu’ils œuvrent à l’émancipation des élèves, et non de fonctionnaires qui confondent leur engagement personnel et leur vie professionnelle, ni d’idéologues qui, quand la réalité contredit l’idéologie, considèrent que c’est la réalité qui a tort. Être enseignant, c’est s’engager dans une mission d’intérêt général, c’est s’engager à faire en sorte que nos élèves, quels qu’ils soient, puissent accéder au meilleur et, quand cela est nécessaire, sortir de leurs conditions. [...]"

Lire "Les extraits du livre choc de Iannis Roder sur le séparatisme à l’école".



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