Revue de presse

Fin de vie : Macron dévoile le projet de loi pour une "aide à mourir", sous "conditions strictes" (La Croix, Libération, 11 mars 24)

(La Croix, Libération, 11 mars 24). Entretien. « Avec ce texte, on regarde la mort en face » 10 mars 2024

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Entretien. Soins palliatifs, euthanasie, suicide assisté… Le président de la République Emmanuel Macron a accordé un entretien exclusif à La Croix et Libération (*). Il dévoile le projet de loi sur la fin de vie qui sera débattu avant cet été 2024.

Antoine d’Abbundo, Corinne Laurent (La Croix) – Laure Equy, Nathalie Raulin (Libération)

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Lire "EXCLUSIF. Emmanuel Macron sur la fin de vie : « Avec ce texte, on regarde la mort en face »" ou "Fin de vie : Emmanuel Macron se prononce en faveur d’une « aide à mourir », dans une interview à « Libération »"

La Croix – Libération : Le projet de loi sur la fin de vie va-t-il ouvrir l’accès à l’aide active à mourir et sous quelle forme : euthanasie ou suicide assisté ?

Emmanuel Macron : Les mots ont de l’importance et il faut essayer de bien nommer le réel sans créer d’ambiguïtés. Cette loi, nous l’avons pensée comme une loi de fraternité, une loi qui concilie l’autonomie de l’individu et la solidarité de la nation. En cela, elle ne crée, à proprement parler, ni un droit nouveau ni une liberté, mais elle trace un chemin qui n’existait pas jusqu’alors et qui ouvre la possibilité de demander une aide à mourir sous certaines conditions strictes.

Comment avons-nous procédé pour en arriver là ? Nous nous sommes appuyés sur l’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et sur les travaux de la Convention citoyenne. De manière très pragmatique, nous avons consulté les patients, les familles, les équipes soignantes, la société pour constater que la loi Claeys-Leonetti, qui fixe le cadre légal actuel, avait conduit à beaucoup d’avancées mais ne permettait pas de traiter des situations humainement très difficiles. On peut penser aux cas de patients atteints d’un cancer au stade terminal qui, pour certains, sont obligés d’aller à l’étranger pour être accompagnés. Il fallait donc aller plus loin.

La Croix – Libération : Le texte ne fera donc référence ni à l’euthanasie ni au suicide assisté ?

E. M. : Le terme que nous avons retenu est celui d’aide à mourir parce qu’il est simple et humain et qu’il définit bien ce dont il s’agit. Le terme d’euthanasie désigne le fait de mettre fin aux jours de quelqu’un, avec ou même sans son consentement, ce qui n’est évidemment pas le cas ici. Ce n’est pas non plus un suicide assisté qui correspond au choix libre et inconditionnel d’une personne de disposer de sa vie. Le nouveau cadre propose un chemin possible, dans une situation déterminée, avec des critères précis, où la décision médicale a son rôle à jouer.

La Croix – Libération : Quelles seront les conditions d’accès à cette aide à mourir ?

E. M. : Cet accompagnement sera réservé aux personnes majeures, comme la Convention citoyenne l’avait recommandé. Deuxième condition : les personnes devront être capables d’un discernement plein et entier, ce qui signifie que l’on exclut de cette aide à mourir les patients atteints de maladies psychiatriques ou de maladies neurodégénératives qui altèrent le discernement, comme Alzheimer. Ensuite, il faut avoir une maladie incurable et un pronostic vital engagé à court ou à moyen terme. Enfin, le quatrième critère est celui de souffrances – physiques ou psychologiques, les deux vont souvent ensemble – réfractaires, c’est-à-dire que l’on ne peut pas soulager. Si tous ces critères sont réunis, s’ouvre alors la possibilité pour la personne de demander à pouvoir être aidée afin de mourir. Ensuite, il revient à une équipe médicale de décider, collégialement et en transparence, quelle suite elle donne à cette demande.

La Croix – Libération : Vous excluez le terme de suicide assisté, mais si l’équipe médicale accède à la demande, ce sera bien au patient d’effectuer le geste final, le geste létal ?

E. M. : Je vais vous lire ce qui est écrit dans le projet de loi. « L’administration de la substance létale est effectuée par la personne elle-même ou, lorsque celle-ci n’est pas en mesure d’y procéder physiquement, à sa demande, soit par une personne volontaire qu’elle désigne lorsque aucune contrainte d’ordre technique n’y fait obstacle, soit par le médecin ou l’infirmier qui l’accompagne. »

Je veux préciser que l’équipe médicale qui examine la demande va non seulement s’assurer que les critères d’accès sont réunis, mais peut aussi demander l’avis de spécialistes et consulter les médecins, psychologues, infirmiers ou aides-soignants qui ont l’habitude d’accompagner la personne. C’est également aux professionnels de santé, si l’aide à mourir est décidée, de définir, dans un dialogue avec le patient, les modalités de sa mise en œuvre. Par exemple, de recommander la présence ou non d’un personnel médical ou le lieu plus approprié, étant entendu qu’aucun n’est exclu, domicile, Ehpad ou établissement de soins.

La Croix – Libération : Vous insistez sur la dimension collégiale de la décision médicale et du dialogue qui se noue avec le patient. Mais que se passe-t-il en cas de désaccord ?

E. M. : La collégialité ne veut pas dire l’unanimité et le corps médical sait gérer, déontologiquement, les dissensus. J’ai confiance dans la capacité des personnels médicaux et paramédicaux à faire face, avec humanité, à ces situations. Et si le patient juge qu’il n’a pas été entendu, il aura le droit d’aller voir une autre équipe médicale ou de procéder à des recours. De même, les membres de la famille qui peuvent avoir intérêt à agir pourront faire recours à la demande.

La Croix – Libération : Cette procédure paraît assez complexe. La loi prévoit-elle un délai entre la demande et la réponse ?

E. M. : À partir du moment où la demande est posée, il y a un minimum de deux jours d’attente pour tester la solidité de la détermination. Ensuite, la réponse doit intervenir dans un délai de quinze jours maximum. En cas de réponse favorable, la prescription est valable trois mois, période durant laquelle le patient pourra, bien entendu, se rétracter à tout moment.

La Croix – Libération : L’ensemble de la procédure sera-t-elle pris en charge par l’assurance-maladie ?

E. M. : C’est en effet ce que prévoit le projet de loi parce que, du diagnostic à la mort, c’est une manière d’attester que la société accompagne la personne malade et fragile, en reconnaissant la part de vie complète et absolue qu’il y a jusqu’à la dernière seconde.

La Croix – Libération : Confirmez-vous que le projet de loi mêlera à la fois l’aide à mourir et les soins palliatifs ? À quelle logique cela correspond-il ?

E. M. : Le projet de loi aura une première partie sur les soins d’accompagnement, une deuxième sur le droit des patients et des aidants, et une troisième sur l’aide à mourir. Pourquoi un seul texte et trois volets ? Pour ne pas laisser penser que l’on fait l’aide à mourir parce que la société n’est pas capable de prendre soin. Il est important de réaffirmer que, dès le début de la maladie, on va accompagner les personnes jusqu’au bout, aussi longtemps qu’elles le souhaitent. Et que l’on apportera aussi une réponse aux cas les plus limites qui n’étaient pas encore bien pris en charge. Il ne faut pas opposer les deux approches qui permettent de tenir un tout éthique et effectif pour les patients. [...]

Libération : Depuis des années, les sondages montrent que l’aide active à mourir répond à une demande sociétale importante. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour ouvrir ce nouveau droit ?

E. M. : Je me méfie des sondages ! Lorsqu’on vous demande si vous êtes favorable à un « droit de mourir dans la dignité », il faut être bizarre pour s’y opposer. Je n’ai croisé personne qui veut mourir dans l’indignité. Mais quand on parle aux gens, il y a mille interprétations sur ce que cela peut recouvrir. Je vous rejoins sur un point : les sondages montrent avec constance l’importance de ce sujet. Il fallait accepter de prendre un peu de temps. Je suis très sensible aux oppositions, philosophiques et religieuses, qu’il faut entendre et respecter. Dans les services de soins palliatifs, j’ai aussi perçu une colère rentrée. Il y avait cette idée que, « au fond, vous ouvrez ce chantier car vous ne voulez plus accompagner jusqu’au bout ». Sur ce thème sociétal, prendre le temps est plus que nécessaire, une exigence éthique. [...]

La Croix – Libération : Le projet de loi est-il finalisé ? Quel calendrier prévoyez-vous ?

E. M. : Le texte doit être transmis au Conseil d’État d’ici huit à dix jours. Il arrivera sur la table du conseil des ministres en avril, pour une première lecture en mai. Sur un texte qui emporte de tels enjeux, on ne demande pas l’urgence, il n’y aura pas de procédure accélérée. [...]

La Croix – Libération : Quel pourrait être l’horizon d’adoption ?

E. M. : Je ne veux pas préempter ce calendrier. Nous ferons au mieux dans le parfait respect du temps parlementaire.

La Croix : Vous avez discuté de ce sujet avec le pape et à plusieurs reprises avec les représentants des cultes. Qu’en avez-vous retenu ?

E. M. : J’ai eu des échanges avec les responsables de toutes les religions, mais aussi avec des représentants de toutes les sensibilités philosophiques, avec des acteurs engagés, des associations, des acteurs des soins palliatifs. J’ai retenu de ces échanges cette crainte légitime qu’on assigne une valeur à la vie, qu’on laisse entendre qu’il y aurait des vies devenues inutiles. Non, jamais. Je crois que le texte lève les ambiguïtés, mais c’est aux religions de s’exprimer.

Il y avait aussi cette crainte que le moment de la mort soit quelque chose d’administré, un geste prométhéen, transgressif. J’ai eu de longs débats avec plusieurs représentants de religions, sur la distinction qu’il fallait faire entre une prescription létale et l’arrêt total des traitements qui précède une sédation profonde et continue. Nous sommes restés dans l’épaisseur de cette différence. Mais il peut y avoir des dissensus respectueux s’il n’y a pas de malentendu sur la nature de ce qui est recherché. [...]"



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