Revue de presse / tribune

Droit de mourir dans la dignité : "Un combat humaniste, laïque et juste" (collectif, L’Express, 8 déc. 22)

Par 52 personnalités. 8 décembre 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire "Droit de mourir dans la dignité : "Un combat humaniste, laïque et juste"".

"Les combats laïques sont multiples et touchent à la fois à la liberté des individus et à l’égalité des citoyens. Ils trouvent racine dans l’idéal d’émancipation humaine, collective comme individuelle, et se nourrissent de l’autodétermination. Nulle conscience enfermée dans les affres des déterminismes, cadenassée par un chemin imposé dès l’enfance ou étouffée par des pressions communautaires n’est libre et ne peut réaliser de véritables choix. Outre une simple séparation organique des Eglises et de l’Etat, le principe de laïcité, qualifiant notre cadre républicain français dès l’article premier de notre Constitution, s’inscrit aussi et surtout dans un processus antérieur à la loi de 1905. Il remonte à la logique de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Le long processus de laïcisation du droit qui en découle agit ainsi en France, au moins symboliquement, comme une sorte d’effet cliquet sur de nouveaux droits modifiant certaines normes dont le seul fondement était d’essence morale religieuse. De l’égalité du droit de vote à la légalisation de l’avortement, de celle du divorce au mariage pour tous, de la liberté des funérailles au choix du patient de refuser un traitement dans les étapes les plus importantes de sa vie privée, un processus de laïcisation s’est opéré au profit du choix de la personne. La multiplication des libertés dans la vie personnelle du citoyen s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui sans rien enlever à ceux qui décident légitimement de continuer à s’imposer des règles religieuses tout aussi personnelles. Ces ’respirations laïques’ n’ont pas de tabou et doivent bénéficier au citoyen jusqu’à son dernier souffle. C’est ainsi que nous nous engageons pour le droit de mourir dans la dignité car il est un combat laïque.

Combat laïque d’abord, car il s’agit de permettre à chacun, en fin de vie et en grande souffrance, de faire un choix qui suppose une conscience libre et éclairée. La question ne devient intime que lorsque ce choix est possible et qu’il est encadré par la loi. Elle est donc d’abord une question publique avant de devenir une question personnelle. Même dans la mort, aucun objecteur de conscience, quelle que soit la nature de son refus, n’a légitimité pour assujettir l’ensemble des consciences à un dogme qu’il jugerait vrai, indérogeable et inviolable. Si la République laïque doit assurer la liberté de conscience de chacun, elle doit assurer cette liberté de la conscience humaine sans paternalisme.

Aucune croyance n’a légitimité à entraver la reconnaissance d’une liberté individuelle nouvelle

Combat laïque ensuite, car les visions de la mort dans notre société, si elles sont le résultat d’une histoire très complexe, aussi universelle que singulière, doivent beaucoup aux représentations qu’en ont fait les cultes. Depuis des mois d’ailleurs, différents responsables religieux font entendre leur voix sur ce sujet. Qu’ils expriment la position de leur Eglise dans notre démocratie pluraliste est leur droit le plus légitime, mais qu’ils se prévalent de leurs croyances pour tenter d’empêcher ce débat, d’interdire l’échange à coup d’anathèmes et de menacer nos institutions au nom de leur foi, est inacceptable. La seule ligne rouge du législateur en la matière est fixée par notre bloc de constitutionnalité, seul verrou qui permet de dire que la volonté des représentants du peuple aurait pu franchir une ligne infranchissable. Aucune croyance n’a ici légitimité à entraver la reconnaissance d’une liberté individuelle nouvelle.

Combat laïque enfin, car il respectera la conscience de chacun, patient comme médecin. Tout comme le combat pour l’IVG, une telle pratique ne pourra être imposée à quiconque. Ni au soignant qui bénéficie d’une clause de conscience, encore moins à l’individu lui-même qui ne peut faire un tel choix qu’en fonction de sa volonté. Le double visage de la dignité est ainsi préservé par une telle avancée. La dignité subjective qui permet à l’individu de fixer ce qui est digne pour lui-même selon sa conscience ; la dignité objective qui fondera les critères d’accès à ce droit et qui en réservera la jouissance aux personnes en fin de vie.

Signataires de ce texte, la diversité que nous représentons dans le champ de la question purement laïque ne manquera pas d’être soulignée. Pourtant, dans ces controverses entre différentes sensibilités qui se réclament de ce principe républicain, l’espace d’un instant, il nous apparaît décisif de nous unir pour un combat que nous estimons éminemment humaniste, laïque et juste : le droit de mourir dans la dignité.

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Les principaux signataires :

Pierre Juston (Doctorant en droit public, initiateur de cet appel, et Administrateur de l’ADMD)

Gilbert Abergel (Président du Comité Laïcité république)

Charles Arambourou (Magistrat financier retraité, UFAL)

Élisabeth Badinter (Philosophe)

Tristane Banon (Essayiste)

Daniel Bénichou (Président de l’Association Le chevalier de la Barre)

Marine Brenier (Ancienne député LR)

Marika Bret (Essayiste et ex-R.H. de Charlie-Hebdo)

Gérald Bronner (Professeur de sociologie)

Martine Cerf (Secrétaire Générale d’EGALE)

Charles Conte (Chargé de mission laïcité de la Ligue de l’enseignement)

Jean-François Chanet (Historien et V.-P. laïcité de la ligue de l’enseignement)

Jacqueline Costa-Lascoux (Sociologue)

Bernard Dekoker-Suarez (Grand Maître de la Grande Loge Mixte Universelle)

Gérard Delfau (Sénateur honoraire et Directeur de la collection Débats Laïques)

Jonathan Denis (Président de l’ADMD)

Louise El Yafi (Avocate et essayiste)

Raphaël Enthoven (Philosophe et éditorialiste)

Caroline Fourest (Essayiste et éditorialiste)

Philippe Foussier (Vice-Président d’Unité Laïque)

Christian Gaudray (Président de l’UFAL)

Jean Glavany (Ancien Ministre)

Patrick Kessel (Journaliste et essayiste)

Eddy Khaldi (Président des DDEN)

Rachel Khan (Essayiste)

Catherine Kintzler (Philosophe)

Guy Konopnicki (Journaliste)

Laurent Kupferman (Essayiste)

Françoise Laborde (Journaliste)

Françoise Laborde (Ancienne Sénatrice et Présidente d’EGALE)

Marie-Pierre de La Gontrie (Sénatrice socialiste)

Martine Lombard (Professeure émérite de droit public)

Catherine Liautey (Grande Maîtresse de la Grande Loge Féminine de France)

Isabelle de Mecquenem (Philosophe)

Michel Miaille (Professeur émérite à la faculté de droit de Montpellier)

Patrick Pelloux (Médecin urgentiste, écrivain)

Henri Peña-Ruiz (Philosophe)

Damien Pernet (Secrétaire Général de l’UFAL)

Amande Pichegru (Grand Maître du Droit Humain)

Nicolas Pomies (Bureau national de l’UFAL)

Iannis Roder (Professeur d’histoire et essayiste)

Jean-Luc Romero-Michel (Président d’honneur de l’ADMD)

Jean-Pierre Sakoun (Président d’Unité laïque)

Jean-Marc Schiappa (Historien et Président de l’IRELP)

Ari Sebag (Secrétaire Général de la LICRA)

Georges Sérignac (Grand Maître du Grand Orient De France)

Remy-Charles Sirvent (Secrétaire Général du CNAL)

Françoise Sturbaut (Présidente de la ligue de l’Enseignement)

Laurence Taillade (Essayiste et éditorialiste)

Jean-Louis Touraine (Professeur de médecine et député honoraire)

Virginie Tournay (Chercheur)

Christiane Vienne (Grand Maître de la Grande Loge Mixte de France)"



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