Françoise Laborde, présidente du jury du Prix de la Laïcité 2018. 6 novembre 2018
Françoise Laborde, journaliste, ancien membre du CSA.
Bonsoir,
Bonsoir madame la Maire de Paris, chère Anne Hidalgo,
Bonsoir cher Jean-Pierre Sakoun,
Bonsoir cher Patrick Kessel,
Bonsoir aux élus, aux dignitaires aux amis et aux militants présents dans la salle.
Ca fait chaud au cœur d’être ici ce soir…
D’abord parce que je suis très honorée d’avoir été choisie pour présider ce jury... Et avoir dû sélectionner avec les membres du Comité Laïcité République ces lauréates et lauréats tous formidables et impressionnants...
Ensuite parce que j’ai le sentiment ce soir que nous avions besoin de nous retrouver, de nous réunir… et tout cas, moi j’en avais besoin. Parce qu’il faut protéger aussi cette famille laïque, dont l’existence est parfois fragile et dont les convictions sont tellement remise en cause.
Mes sentiments aujourd’hui, c’est l’inquiétude et parfois même la peur.
L’inquiétude parce qu’il me semble que la violence, l’intolérance n’ont jamais été aussi fort : antisémitisme, homophobie, racisme, sexisme, mysogynie.
L’inquiétude aussi parce que cette laïcité française, cette expression du génie français, qui comme l’universalisme, met l’individu au centre de tout est aujourd’hui régulièrement battue en brèche dans notre pays.
Emmanuel Kant nous dit : « L’usage public de notre raison doit toujours être libre et lui seul peut finir par amener la lumière parmi les Hommes. »
Et moi qui me définit comme une féministe, laïque et universaliste, je me désespère parfois de voir que ces acquis, ces valeurs, sont remises en cause par ceux-là même qui en bénéficient dans nos démocraties occidentales.
L’universalisme auquel je suis si attachée, c’est l’idée que par-delà les cultures les plus diverses il existe un fond commun de principes, de valeurs ou d’idées qui peut et doit être partagé par tous les humains, du seul fait qu’ils sont humains.
Ils peuvent donc se comprendre et partager leurs expériences malgré leurs différences de cultures et d’origine.
Pourquoi j’insiste sur l’universalisme ? c’est parce que c’est le socle de la laïcité…
Elle s’applique à toutes et tous…
La laïcité n’a pas besoin d’être définie , précisée par un adjectif ! La laïcité n’a pas être "inclusive" ou "différente" ou du Nord ou du Sud.
Non, la laïcité est universelle.
Mais l’idéologie racialiste apparue sur les campus américains au tournant des années 1970-1980 fait aujourd’hui des ravages en France. Cette « dévastation intellectuelle » (pour reprendre une expression) est portée hélas par l’extrême gauche, mais aussi par des groupes et des individus s’estimant les porte-paroles exclusifs de « minorités » de couleurs, de genres, d’obédiences spirituelles, etc.
Il ne faut pas que cette idéologie racialiste mère de ce « désastre culturel » devienne dominante en France et c’est ça qui m’inquiète.
Faut-il rappeler le discours sur l’assimilation du révolutionnaire Stanislas de Clermont-Tonnerre, prononcé le 23 décembre 1789 et qui exprime bien la conception française de la Nation ? Il disait : tous les individus, quelle que soit leur profession ou leur religion, sont des citoyens égaux. Aucune nation particulière ne peut se constituer au sein de la grande Nation. Dès lors qu’une religion, une communauté brigue une influence ou veut peser sur la conception de la loi, la volonté n’est plus générale, le peuple n’est plus libre. Il ne peut y avoir une nation dans une nation… « Il faut tout refuser aux Juifs comme nation ; il faut tout leur accorder comme individus. »
Ce soir nous allons récompenser des lauréates et des lauréats qui auraient pu signer cette phrase. Ce soit nous allons récompenser des lauréats, qui dans des régions ou la démocratie n’a pas cours, se battent pour défendre ce droit à la laicité…
Je suis fière que la France, à travers le Comité Laïcité et République, puisse reconnaître leur mérite.
Je sais que la France est regardée dans le monde en raison justement de ces valeurs fondamentales qu’elle défend
Je sais que chacun de vous, les lauréats, au-delà de la récompense personnelle, saura porter ce discours qui est celui de la tolérance et défendre partout et pour tous la liberté de penser et de croire… c’est à dire la laïcité.
Voir aussi tous les discours à la cérémonie de remise des Prix de la Laïcité 2018 dans la rubrique Prix de la Laïcité 2018, la note de lecture F. Laborde, M. Créoff : Les enfants maltraités, oubliés de la République (P. Kessel)
M. Lilla, L. Bouvet : « La France résistera-t-elle au multiculturalisme américain ? » (Le Figaro Magazine, 19 oct. 18), M. Lilla, E. Fassin : "La gauche "identitaire", une démission ?" (Le Monde, 2 oct. 18), "Politiquement correct : la grande contagion" (J. Waintraub, Le Figaro Magazine, 12 oct. 18) (note du CLR).
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