Edito du président

Trente ans après (J.-P. Sakoun, 14 sep. 19)

par Jean-Pierre Sakoun, président du Comité Laïcité République. 14 septembre 2019

Trente ans… En septembre 1989, celui qui était ministre de l’Éducation nationale, futur Premier ministre, futur candidat à l’élection présidentielle, a commis une faute politique qui a plongé la France dans le malaise culturel et créé une fracture qu’il nous faudra encore au moins une génération pour réduire. Il a depuis regretté sa décision.

Dès ce moment, les plus conscients des laïques, déjà préoccupés par l’échec du « grand service public de l’école » et l’orientation communautariste des politiques mises en œuvre depuis 1983, se sont mobilisés. C’est de cette mobilisation qu’est né le Comité Laïcité République.

En cette rentrée scolaire de 1989, M. Jospin refusa d’exercer l’autorité républicaine et de se rendre à l’évidence. Par son abstention sur la question du port des signes religieux et en particulier du voile intégriste islamiste par les élèves du secondaire, il ouvrit la boîte de Pandore [1]. Grâce à la pusillanimité du ministre, les islamistes, dont le premier mouvement, lorsqu’il ciblent un pays et veulent y imposer leur loi rétrograde, consiste à voiler les femmes et les jeunes filles pour affirmer leur contrôle sur les musulmans, pour marquer la séparation entre pies et impies et pour affirmer la présence du religieux dans l’espace public, avec ce coup d’essai réussirent un coup de maître qui les galvanisa et les encouragea à poursuivre « radicalement » leurs agissements. Il aurait pourtant suffi de si peu, comme le démontre l’Histoire…

Car l’affaire du « voile de Creil » n’était pas la première. Un événement strictement similaire avait déjà eu lieu en 1985 ; le ministre de l’Éducation nationale de l’époque, M. Chevènement, avait réglé la question en un coup de téléphone : c’était non. On a vu cette année M. Blanquer colmater instantanément la brèche que l’Observatoire de la Laïcité (oxymore s’il en est) a tenté d’ouvrir en s’arrogeant le droit de dire la règle ; son président et son rapporteur ont annoncé par voie de presse qu’ils étaient – ce qui ne surprendra personne – favorables au port des signes religieux ostensibles dans le cadre du Service national universel [2]. Le ministre de l’Éducation nationale, chargé de ce dossier, a lui aussi dit non. Que diable Lionel Jospin alla-t-il faire dans cette galère, permettant ainsi au Conseil d’État, dont on sait depuis longtemps le penchant fort peu laïque, de s’affirmer comme le « détricoteur » de la laïcité française…

Certes, quinze ans après, quinze années perdues, la loi régla enfin la question [3]. Mais quelle catastrophe que cette démission et ces quinze années de polémique ! Nous connaissons aujourd’hui la même situation à propos du port des signes religieux par les parents accompagnant une classe en sortie scolaire [4]. Une fois de plus, la décision n’a pas été prise et a été laissée aux seuls chefs d’établissement qui n’en peuvent mais. Entre-temps, le Conseil d’État et l’Observatoire Oxymorique ont pris les devants, confortés par les trente années qui nous séparent de 1989, pour brouiller encore la compréhension de la question et rendre plus difficile l’application générale de l’évidence laïque, l’obligation de neutralité des accompagnants.

On pourrait énumérer, depuis cette date funeste – il faudrait un livre pour cela – les actes des intégristes de toutes chapelles et en particulier des islamistes, galvanisés par ce recul historique, pour tenter de liquider la laïcité et de la remplacer par une communautarisme régressif et obscurantiste. Nous ne le ferons pas dans cet éditorial. Contentons-nous d’affirmer que depuis les effroyables attentats qui atteignirent leur acmé en 2015 et 2016, les Français de toutes origines se sont mobilisés et affirment avec la plus grande clarté leur attachement massif à une laïcité pleine et entière et à la sécularisation de la société.

En cette rentrée 2019, ce qui serait passé « comme une lettre à la poste » avant Merah, Charlie, le Bataclan, Nice, est désormais contesté fermement par l’immense majorité du pays. Du port de la burqa de bain dans les piscines [5] à l’ahurissante réunion de la Ligue islamique mondiale à Paris, dans un œcuménisme de mauvais aloi, qui devait être selon les annonces, ouverte et clôturée par le président de la République et par le Premier ministre qui y ont renoncé devant le scandale qui se profilait [6]. Citons encore l’extraordinaire dessin de presse qui ridiculise ce M. Ramadan qui veut qu’on le prenne, avec la perversion qu’on lui connait, pour Alfred Dreyfus.

Mais même si aujourd’hui, comme le CLR depuis 1989, les Français et les associations laïques sont plus vigilants que jamais, la bataille reste indécise. Non seulement nous devons combattre la pression « soft » des cultes historiques et celle plus rude, voire sanglante des cultes radicaux, mais nous devons aussi alerter les citoyens à propos des associations laïques qui sont tentées par le communautarisme, l’intersectionnalité, l’indigénisme et autres billevesées désormais sanctifiées par une partie de l’université française et leur signaler les organes d’État ou les instances européennes qui jouent contre les principes qui nous gouvernent.

N’a-t-on pas vu ces jours derniers « l’Observatoire Oxymorique » se préoccuper de modifier en masse les fiches Wikipédia d’un grand nombre d’associations et de personnalités laïques et d’atténuer les critiques sourcées faites sur l’encyclopédie en ligne à des associations communautaristes voire à l’Observatoire lui-même, en contravention avec toutes les règles de Wikipédia ? [7]

N’a-t-on pas vu Mme Mogherini, haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, tenter avant son départ et dans un domaine qui ne la concerne ni de près ni de loin, de lancer un « Erasmus des religions », farouchement antilaïque, contre lequel il va falloir lutter pied à pied [8] ?

Alors, en cette rentrée 2019, souvenons-nous que la France est profondément laïque et que nous devons sans cesse nous appuyer sur tous nos concitoyens et les prendre à témoin, pour rétablir une laïcité pleine et entière, émancipatrice, libératrice, optimiste. Le combat continue et nous le mènerons jusqu’à son terme.

Le 5 novembre prochain, venez soutenir la grande famille laïque en participant à la cérémonie de remise des prix de la Laïcité du CLR, à l’Hôtel de Ville de Paris [9] !

Jean-Pierre Sakoun


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