28 novembre 2017
« Racisme d’Etat » : difficile de trouver expression plus maladroite, plus trompeuse et, au bout du compte, plus outrageante pour tous ces fonctionnaires, de l’enseignement, de l’administration nationale ou territoriale, de la justice ou de la police qui s’efforcent, même s’ils n’y parviennent pas toujours, de traiter sur un pied de stricte égalité les citoyens, quelle que soit leur origine.
Défaillant dans certains domaines ou dans certains cas, trahi dans ses règles par certains de ses agents (qui encourent alors la sanction), l’Etat français combat néanmoins le racisme, par la loi, par l’action impartiale ou, quand il s’agit de la justice, par l’application de condamnations en bonne et due forme.
On a beau convoquer toutes les subtilités de l’analyse sociologique - fort légitime au demeurant dans le champ du savoir -, on est certain en l’employant de susciter un grave malentendu. Quand on en fait la généalogie, on remonte jusqu’à Michel Foucault. Mais - remarque éclairante - le philosophe du pouvoir désignait avant tout l’Etat nazi ou bien soviétique. Ranger dans la même catégorie la République d’aujourd’hui peut difficilement être pris autrement que comme une insulte par ses serviteurs de bonne foi.
Même maladresse, même confusion quand on organise des ateliers de discussion réservés aux personnes « racisées », selon l’expression en cours. On comprend que la parole est dans ce cas plus libre et plus facile. Mais comment écarter d’un revers de main un peu méprisant la remarque qui vient aussitôt à l’esprit : c’est malgré tout employer la même catégorisation raciale que les pires ennemis des personnes qu’on prétend défendre. Effet pervers garanti…
Ces remarques n’empêchent pas la réflexion critique sur le fonctionnement concret de l’Etat. Il est parfaitement exact que des mécanismes étatiques, souvent inconscients ou involontaires, frappent de discrimination certaines minorités. Les « contrôles au faciès », qu’on est censé proscrire, n’en sont pas moins une réalité quotidienne pour des milliers de citoyens. Officiellement, légalement, personne ne les préconise. Pourtant ils existent… C’est l’exemple le plus criant. Il y en a d’autres.
Autrement dit, il n’y a pas de « racisme d’Etat » mais il y a un racisme dans l’Etat, né de certains phénomènes structurels. C’est le seul mérite de l’expression provocatrice employée par un petit groupe de militants : elle permet d’ouvrir un débat public, au-delà des invectives et de la bonne conscience.
Laurent Joffrin"
Lire "Confusion".
Lire aussi "La guerre des antiracismes" (Libération, 25 nov. 17), "Racisme d’Etat" : « Blanquer a eu raison de porter plainte » (M. Wieviorka, Libération, 25 nov. 17), la rubrique Stage "racisé" de Sud Education (2017), "Ces visages contestés de l’antiracisme" (Libération, 4 av. 16), "Plongée chez les nouveaux antiracistes" (Libération, 4 av. 16) (note du CLR).
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