Natacha Polony, journaliste, essayiste, directrice de la rédaction de "Marianne", fondatrice de polony.tv 31 janvier 2019
[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"[…] Hélas, comme c’est devenu l’habitude, certains politiciens ont décidé de manier la caricature, voire le mensonge, pour racoler les foules. Et voilà lancées les fake news [1] sur la « vente de l’Alsace et de la Lorraine » ou l’abandon du siège de la France au Conseil de sécurité de l’ONU. Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan, claironnent en chœur. Et la mécanique désormais classique se met en route. Les fact-checkeurs [2] et éditorialistes se récrient, démontent lesdites fake news et se scandalisent des mensonges grossiers de l’extrême droite. Mais à aucun moment ils n’analysent le traité lui-même, en l’inscrivant dans une trajectoire politique. De telle sorte qu’ils se positionnent comme défenseurs purs et simples du système économique et politique en place. Ils s’en désolent, bien sûr, mais, pour autant, il ne leur vient pas une seconde à l’esprit de discuter selon des arguments raisonnables le fond du texte.
Dans Marianne, nous écrivions la semaine dernière que ce traité n’est que la continuation d’une logique à l’œuvre depuis plusieurs décennies : l’acceptation par la France des dogmes économiques allemands, que vient confirmer l’échec des tentatives de réforme portées par Emmanuel Macron. Nous faisions remarquer que ce texte est surtout d’une hypocrisie sans nom quand on se souvient que l’Allemagne a suspendu unilatéralement ses ventes d’armes à l’Arabie saoudite en octobre dernier, comme elle décide unilatéralement d’ouvrir ou de fermer ses frontières, de sortir du nucléaire ou de refuser de taxer les Gafam. De telles analyses nous valent d’être accusés de complotisme, traités de nationalistes et assimilés aux pourvoyeurs de mensonges par les vigies du rappel à l’ordre médiatique. Comme depuis trente ans, quiconque émet une voix divergente est renvoyé à l’extrême droite. Ce qui permettra ensuite de déplorer la progression de ladite extrême droite. Ils n’apprennent donc jamais.
L’épisode du traité d’Aix-la-Chapelle, purement « symbolique », nous dit-on, vient après celui du pacte de Marrakech. Même fake news délirantes - 460 millions d’immigrés débarquant en Europe -, même dénégations sur le thème « ce pacte est non contraignant, il n’a aucune incidence » - du coup, pourquoi le signer ? - et même refus des commentateurs de débattre du fond du texte, de la logique à l’œuvre, celle d’une valorisation obstinée des migrations, notamment à travers des médias dont on exige qu’ils en montrent les aspects « positifs ». Remontons un peu plus avant. La signature du Ceta, le traité de libre-échange avec le Canada ? Même traitement médiatique, avant que des parlementaires wallons ne décident qu’ils avaient pour mandat de protéger l’agriculture belge et que ce traité signé en catimini sans aucune validation démocratique ne leur donnait aucune garantie.
Les détenteurs du bien et du juste qui officient dans certains médias ne semblent pas comprendre que la meilleure réponse aux fake news, au complotisme, à l’extrémisme et à la haine s’appelle le débat démocratique, un exercice qui nécessite de respecter le contradicteur et d’accepter l’idée d’une contradiction."
Comité Laïcité République
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