Revue de presse

Traité d’Aix-la-Chapelle : "l’Allemagne mène la danse" (C. Delaume, Marianne, 18 jan. 19)

22 janvier 2019

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"[…] « La relation que les Français ont nouée avec l’Allemagne […] est vraiment étrange. Ils tiennent absolument à l’épouser », écrivait récemment Pierre Manent, pour observer ensuite que notre pays faisait souvent office d’amoureux éconduit. Le philosophe faisait remonter l’affaire assez loin : « Les Allemands sont très courtois, mais ils nous avaient signifié très clairement, dès le lendemain de la signature du traité de l’Elysée, qu’ils n’étaient pas intéressés par ce mariage. »

Le traité de l’Elysée ? N’est-ce pas ce texte qu’on nous présente depuis toujours comme ayant acté la réconciliation franco-allemande ? Ce que l’on omet systématiquement de dire à son sujet, c’est que le Bundestag y avait ajouté un préambule unilatéral, fait unique dans l’histoire de la diplomatie. Dans ce préambule, les députés allemands proclamaient leur attachement à l’Otan ainsi qu’à ce qui existait déjà d’acquis communautaire supranational, repoussant ainsi les ambitions gaulliennes d’Europe politique, intergouvernementale, et d’indépendance européenne en matière de défense. Bref, à peine signé, le traité de l’Elysée était « castré politiquement », pour reprendre la formule de l’historien Hans-Peter Schwarz.

Un nouveau traité à Aix-la-Chapelle

Aujourd’hui, pourtant, rien ne semble plus urgent à nos gouvernants que de mettre sur les rails… un nouveau traité de l’Elysée ! Intitulé « traité de coopération et d’intégration franco-allemand », le document (qui, non, ne vendra pas l’Alsace et la Lorraine à l’Allemagne, comme une rumeur le laisse croire sur Internet ) sera signé le 22 janvier à Aix-la-Chapelle. Le lieu est symbolique, non pas tant parce que Charlemagne avait choisi cette ville pour capitale, mais parce qu’elle fut le lieu de couronnement des empereurs du Saint Empire romain germanique, depuis Othon le Grand jusqu’à Ferdinand de Habsbourg. Quant au contenu du texte, et même s’il est jugé « peu ambitieux » par les maastrichtiens de tout poil, il aurait mérité d’être porté à la connaissance du public et débattu. Le champ couvert est large.

Il est, par exemple, prévu de donner aux eurodisctricts (grandes entités administratives européennes) des « compétences appropriées » et des « ressources dédiées », ce qui constitue un pas de plus vers la « landerisation » de certains territoires transfrontaliers. Sont également prévus la création d’un « conseil franco-allemand d’experts économiques » (comme si l’Europe manquait de comités d’experts) et plus d’intégration économique, ce qui signifie la poursuite de l’austérité en France tant que Berlin refuse tout fédéralisme budgétaire. Enfin, une coopération étroite est programmée en matière de défense, qui va jusqu’à la mention d’une « clause de défense mutuelle » en cas d’agression (ce qui existe déjà dans le cadre de l’Otan), en passant par l’intensification de la coopération en matière de fabrication ou d’exportations d’armement. Voilà qui ne manque pas de sel quand on se souvient que l’Allemagne a suspendu unilatéralement ses exportations d’armes à l’Arabie saoudite en octobre dernier. En revanche, et même s’il est envisagé une concertation très étroite en matière de travail onusien, le vice-chancelier Scholz sera déçu : le partage du siège permanent de la France au Conseil de sécurité qu’il a proposé n’est pas au menu. On est presque surpris tant il est vrai que la formule « Je ne partage pas ce qui est à moi, mais je prends ce qui est à toi » semble devenue la devise du couple franco-allemand."

Lire "Nouveau traité de l’Elysée à Aix-la-Chapelle : l’Allemagne mène la danse".


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