Note de lecture

N. Geerts : Euthanasie et suicide assisté, un progrès de la condition humaine (G. Durand)

par Gérard Durand. 27 mai 2020

Nadia Geerts, L’Après-midi sera courte. Plaidoyer pour le droit à l’euthanasie, éd. L’Harmattan, coll. Débats laïques, 2018, 170 p., 18 e.

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Nadia Geerts enseigne en Belgique, elle publié une dizaine d’ouvrages comme Baudouin sans auréole ou Je pense donc je dis qui ne la classent pas parmi les partisans du politiquement correct. Celui-ci a pour sous-titre Plaidoyer pour le droit à l’euthanasie il lui a valu le prix international de la laïcité 2019 décerné par le Comité Laïcité République [1]. Ce dont elle fut assez fière pour mettre cet hommage en bandeau de couverture.

Le texte s’appuie d’abord sur une expérience personnelle, le suicide assisté de sa propre mère dont elle nous décrit les circonstances avec une extrême pudeur. Le moment est à peine triste tant la liberté de choix d’une personne âgée, atteinte d’un cancer non guérissable et souhaitant s’éviter l’inévitable déchéance de la maladie nous apparaît respectable. L’évènement donne au livre un fort niveau d’intérêt, car, le lecteur y retrouve l’expérience vécue par l’auteur. Chacun sachant qu’il peut se trouver un jour ou l’autre dans l’une des situations décrites, pour un proche ou au moment de sa propre mort.

Toute pensée ne peut être comprise que si le sujet traité est clairement défini. L’euthanasie peut être active ou passive, que signifie exactement l’acharnement thérapeutique, que signifie l’aide au suicide, que couvre le terme "soins palliatifs" ? Autant de sujets dont beaucoup ont entendu parler mais qui méritent d’être précisés. L’exercice est délicat car un même terme peut recouvrir des réalités différentes selon les pays.

Le rôle de l’Etat est déterminant. Nadia Geerts précise d’emblée sa propre conception « L’Etat est en quelque sorte agnostique : Il ne sait pas ce qu’il en est de l’existence de Dieu, et de quel Dieu d’ailleurs ? Et, partant, décide de ne pas fonder son organisation sur un indémontré, ce qui reviendrait à imposer un credo à ses concitoyens. Mais il n’a pas davantage à leur imposer un athéisme d’Etat, bien évidemment, son devoir moral est de renvoyer tout ce qui est de l’ordre du convictionnel dans le champ de la liberté de conscience individuelle, et donc, de la sphère privée. C’est bien en ce sens que la Laïcité est la condition de possibilité de la liberté de conscience et non simplement de la liberté religieuse, laquelle exclut trop souvent le droit de ne pas croire. »

L’état des lieux législatif va concerner trois pays, la Suisse, la Belgique et la France, avec quelques incidentes sur les Pays-Bas. L’approche de la notion d’euthanasie n’est jamais permissive et partout le législateur a cherché à se prémunir contre les abus. Dans les pays les plus avancés, l’euthanasie est très encadrée et considérée comme un acte médical soumis à la volonté du patient, que cette volonté soit directement exprimée ou venant de directives antérieures. Acte soumis au contrôle d’au moins deux médecins en Belgique et en Suisse et parfois d’un troisième en cas de désaccord.

Le facteur religieux est partout présent, surtout si l’on passe de l’euthanasie au suicide. Les trois grandes religions monothéistes considérant que la vie est donnée par Dieu et que, celui qui la reçoit n’en étant que le gestionnaire, il ne lui appartient pas d’y mettre un terme. La France a, dès la Révolution, définit sa doctrine par l’article 5 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 [2]. La loi n’a le droit d’interdire que les actions nuisibles à la société, elle n’intervient donc pas dans le cadre individuel. Mais la pression de l’Eglise ne va pas cesser avant 1905, même si le suicide a été dépénalisé en 1810. Chez les protestants, le poids religieux est moindre. Dans une étude récente, portant sur 3 millions de personnes, on notera 39 suicides pour 100 000 habitants chez les personnes sans religion, mais seulement 29 chez les protestants et 20 chez les catholiques. Chez les juifs, ce taux est encore plus bas, alors que les textes sacrés sont plus permissifs.

Le suicide assisté est autorisé dans trois pays européens, la Suisse, les Pays Bas et le Luxembourg. Partout il est fortement encadré et ses mobiles doivent en être définis : pas question de se suicider pour une phase de déprime ou une maladie guérissable. La différence avec l’euthanasie est que le médicament mortel ne peut être administré par un tiers.

D’autres aspects sont traités, notamment pour les cas pouvant donner lieu à interprétation. Les notions de dignité, de discernement, de brève échéance, la clause de conscience des médecins, le cas des mineurs. L’ensemble est traité de façon documentée et avec une recherche remarquable d’objectivité.

Ce livre ne peut qu’enrichir la pensée des défenseurs de la Laïcité et leur permettre de répondre aux arguments fallacieux qui leur sont souvent opposés. Non, l’euthanasie comme le suicide assisté n’ont rien d’une volonté de nuire mais sont au contraire un réel progrès de la condition humaine.

Gérard Durand

[2"La Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas." Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 (note du CLR).


Voir aussi toute la rubrique Culture, le Colloque "Fin de vie, la liberté de choisir" (CLR, Paris, 28 oct. 17), dans la Revue de presse la rubrique Fin de vie (note du CLR).


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