Revue de presse

"Multiculturalisme : au Conseil d’État, la nomination de Thierry Tuot fait des vagues" (Le Figaro, 8 mars 23)

8 mars 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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"[...] La pensée de Thierry Tuot a déboulé hors les murs du Palais-Royal en 2013, à l’occasion de son rapport « La grande nation pour une société inclusive » remis à Jean-Marc Ayrault, alors premier ministre de François Hollande. Tous deux se sont dépêchés d’enterrer le document, tant il gênait à tous les étages de la République. Le conseiller d’État proposait alors de refonder les politiques d’intégration en s’attaquant à un « laïcisme de combat, furibond et moralisateur », en incitant à « assumer la dimension “arabe orientale” » de la France et en proposant de « créer (…) un statut de tolérance permettant (…) une régularisation programmée au terme de cinq ans ». Des thèmes déjà abordés en 2000 dans Les Indésirables, son essai écrit sous pseudo. « L’arrivée de Thierry Tuot à cette présidence, c’est la reconnaissance de la conversion des membres du Conseil d’État au multiculturalisme », tempête Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit constitutionnel émérite. Certes il est reconnu comme un « esprit brillant, très créatif et extrêmement imaginatif en matière de droit » même par ses détracteurs, qui décrivent « un homme chaleureux » dont la liberté de ton, y compris vis-à-vis de l’institution, détonne dans le monde feutré du Conseil d’État, capable de dissoudre les personnalités de ces hauts fonctionnaires dans la discipline de fer de la collégialité. [...]

L’opinion publique pèse au trébuchet chaque décision de cette Cour suprême, surtout en matière d’immigration et de laïcité. Or, « l’institution défend depuis la fin des années 1970 une longue tradition d’accueil et de générosité, notamment à travers la Cour nationale du droit d’asile, qui est un peu la projection des associations. Sans compter cette propension à aller très au-delà de ce que le droit européen impose », rappelle ce bon connaisseur des questions migratoires. « Chacun sait que se retrouver devant le Conseil d’État, notamment en ce qui concerne les questions de laïcité, cela revient parfois à ouvrir la boîte de Pandore et prendre un risque », souligne un avocat au Conseil.

Un risque pas toujours facile à calculer, comme en témoignent les décisions sur le burkini, que le Conseil d’État a autorisé en 2016 sur les plages de la Côte d’Azur, mais interdit en 2022 dans les piscines de Grenoble. Alors que la cour administrative d’appel de Paris vient d’annuler la subvention accordée par la mairie de Paris à l’association de sauvetage de migrants SOS Méditerranée et que celle de Bordeaux vient au contraire de valider une opération similaire, qu’en sera-t-il si l’un de ces dossiers arrive demain devant le Conseil d’État ? [...]

« Au tableau du Conseil d’État, Thierry Tuot, qui était déjà vice-président de cette section, est légitime en grade, à l’ancienneté et, à quelques années près, en âge. Pour autant cela ne veut pas dire qu’il était le seul candidat légitime. Mais Sylvie Hubac, la présidente sortante et ancienne directrice de cabinet de François Hollande, a pesé de tout son poids pour imposer son candidat auprès du bureau du Conseil d’État, et l’a emporté », souligne un de ses pairs. Un bureau composé de Didier Tabuteau, vice-président du Conseil d’État, de Christophe Chantepy, le puissant président du contentieux et de tous les présidents de section. Par tradition, ce dernier propose trois noms à l’exécutif, étant bien entendu que celui figurant en haut de l’affiche signe la préférence du Palais-Royal, et a donc vocation à s’imposer, les deux autres valant souvent simple prise de date pour l’avenir.

Au sein du Conseil d’État, on jure que trois noms ont bien été proposés. Le vote pour avis de la Commission supérieure - composée de personnalités qualifiées et de représentants du Conseil d’État - n’a pas été rendu public. Cette dernière valide symboliquement le choix de l’Élysée, généralement sans coup férir. Or, des votes d’abstention - voire négatifs - auraient accompagné celui du nouveau président de la section de l’intérieur. « Il y a, au sein du Conseil d’État, la croyance tenace et sans doute naïve que ceux qui ont sacrifié au militantisme ou au travail en cabinets ministériels ressortent, quelques années plus tard, purifiés de leur engagement, par la force du collectif qui impose un regard pluriel pour chaque décision, et par la diversité des missions qui leur sont confiées », souligne ce fin connaisseur. « Thierry Tuot n’a jamais été en cabinet et n’a pas traité que des questions migratoires, défend-on justement au sommet de la juridiction. Il a remis des travaux sur les résidences d’artistes, et sur l’architecture ; il s’est aussi intéressé au droit à l’erreur en 2017 (en matière administrative, NDLR), au service national universel en 2018 et a participé à la réécriture du code minier. »

Rarement mis en cause pour dérive idéologique, le Conseil d’État est dans la lumière ces derniers temps. En 2022, il lui avait été reproché, pour former l’ensemble de ses personnels aux questions d’égalité et de discriminations, d’avoir voulu passer un contrat avec Egae, l’association de Caroline De Haas, militante radicale de la cause féministe, maniant à outrance la culpabilisation. L’irrégularité du marché public interministériel a sauvé in extremis l’institution d’une redoutable cure de flagellation. [...]"

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