Revue de presse

"Loi séparatisme et scolarisation à 3 ans : le Conseil d’Etat donne des sueurs froides à Macron" (leparisien.fr , 3 déc. 20)

4 décembre 2020

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Ce jeudi, la plus haute instance administrative a longuement mis sur le gril le projet de loi séparatisme. Les juristes doutent de la constitutionnalité de la scolarisation obligatoire à trois ans.

Par Marcelo Wesfreid

S’il est une institution que le pouvoir regarde en ce moment avec appréhension, c’est le Conseil d’Etat. Une maison pourtant austère et sans histoire, où on débat de la légalité des décisions gouvernementales. Mais ce jeudi, était examiné le projet de loi sur le séparatisme, rebaptisé loi « confortant les principes républicains ». C’est le texte le plus sensible de la fin du quinquennat pour Emmanuel Macron. Chargé de conseiller juridiquement l’exécutif, le Conseil d’Etat réuni en assemblée générale devait rédiger un avis très attendu…

Jusqu’à une heure avancée de la soirée, les juristes se seront arraché les cheveux sur la question de la scolarisation obligatoire à trois ans. Une mesure chère à Emmanuel Macron. « J’ai pris une décision, sans doute l’une des plus radicales depuis les lois de 1882 et celles assurant la mixité scolaire entre garçons et filles en 1969 », s’enorgueillissait le chef de l’Etat lors de son fameux discours des Mureaux, le 2 octobre dernier. Aujourd’hui, plus de 50 000 enfants suivent l’instruction à domicile, un chiffre qui augmente chaque année. » Il s’inquiétait que de nombreux enfants « aillent dans des structures, avec des murs, pas de fenêtres, accueillis à 8 heures et jusqu’à 15 heures par des femmes en niqab, où quand on les interroge, ils disent n’apprendre que des prières ».

Dans les faits, certaines familles ont recours à l’école à domicile pour des motivations personnelles, religieuses ou sectaires mais aussi pour des raisons de santé (dans ce cas, des dérogations seront toujours possibles).

Or, dans le projet d’avis soumis aux Conseillers d’Etat, que Le Parisien a pu consulter, la suppression de l’école à domicile a d’abord été jugée inconstitutionnelle. Cette « suppression n’est pas appuyée par des éléments fiables et documentés sur les raisons, les conditions et les résultats de la pratique de l’enseignement au sein de la famille, était-il écrit dans ce texte de travail. Il n’est pas établi, en particulier, que les motifs des parents relèveraient de manière significative d’une volonté de « séparatisme social » ou d’une contestation des valeurs de la République. Dans ces conditions, le passage d’un régime de liberté encadrée et contrôlée à un régime d’interdiction ne paraît pas suffisamment justifié et proportionné ». D’où la proposition de retirer le passage de la loi séparatisme. « Le Conseil d’Etat, par suite, écarte du projet les dispositions relatives à l’instruction au sein de la famille », pouvait-on lire.

Si l’assemblée générale du Conseil d’Etat confirmait cette lecture, ce serait une gifle pour le gouvernement. Cela délesterait le projet de loi séparatisme d’un de ses étendards. Dans tous les cas, le gouvernement n’est pas tenu de suivre les recommandations du Conseil d’Etat. Mais il prendrait alors un risque juridique fort, comme une censure du conseil constitutionnel. Certains articles pourraient aussi être retoqués par le propre Conseil d’Etat, qui a une seconde casquette institutionnelle : c’est l’autorité administrative suprême en France.

Cet automne, les juges administratifs du Conseil d’Etat n’y sont d’ailleurs par allés par quatre chemins. Ils ont annulé un paquet de décisions gouvernementales. Ce qui exaspère certains ministres : « Ce Conseil d’Etat, il met des bâtons dans les roues », dit l’un. Un autre renchérit : « On a pris plus de décisions que jamais, qu’il y ait au milieu de cela quelques merdes… Cela peut arriver. C’est même un coup de bol qu’il n’y en ait pas plus ».

La liste ne cesse de s’allonger. Retoquée, la jauge à 30 fidèles pour les lieux de culte. L’exécutif a dû revoir sa copie. Annulée, la possibilité de faire des visioconférences pour les affaires criminelles. Supprimées, deux dispositions de la réforme de l’assurance chômage. « Edouard Philippe et son directeur de cabinet à Matignon étaient des conseillers d’Etat, analyse un conseiller gouvernemental. On critiquait leur rigidité mais ils connaissaient les codes de l’institution, cela évitait les problèmes ». Avec Jean Castex et son directeur de cabinet Nicolas Revel, place aux membres du corps concurrent : la Cour des comptes.

Chaque jour apporte son lot de référés. Mercredi, les professionnels des bars et des restaurants ont plaidé pour une réouverture rapide de leurs établissements. Hier, un professeur d’université a réclamé que les facs reprennent leur vie d’avant. Les représentants de la montagne sont venus récemment au Palais-Royal demander grâce pour les remontées mécaniques. On joue gros au Conseil d’Etat."

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