5 décembre 2013
"Au nom de la laïcité, les élus de cette ville, et plus largement de la région, participent à toutes les cérémonies religieuses. Voilà bien une spécialité lyonnaise que nous ne vous conseillons pas !
[...] Après la laïcité positive, ouverte, de coopération, de gratitude, apaisée [...], etc. voici « la laïcité à la sauce lyonnaise ». Sauce qui ravit les papilles des cléricaux de tous bords, avec quand même une grande préférence pour les papilles catholiques...
Les premières escarmouches ont débuté sous le mandat du maire RPR Michel Noir dans les années 1990 avec le vote par les collectivités locales (ville, communauté urbaine –Courly– département et région Rhône-Alpes) d’une subvention de 90 millions de francs (14 millions d’euros) pour permettre à l’enseignement supérieur catholique, qui utilise abusivement le titre d’université [1], de s’agrandir en acquérant l’ancien quartier général Bissuel idéalement situé proche de la gare de Lyon-Perrache.
Malgré les recours des associations laïques, l’intérêt pour les collectivités de financer fut reconnu par le juge administratif [2]. La Loi de 1905 écartée, l’argent public pouvait financer l’enseignement privé confessionnel au-delà des dérogations pourtant précises prévues par les lois Debré et Guermeur.
Déjà, lors de ce combat, les partis de gauche toutes tendances confondues, non seulement se firent timides, n’apportèrent pas leur soutien aux associations laïques, mais pour certains votèrent même les subventions...
Entre-temps Raymond Barre devient le nouveau maire et, en 2000, à un an de la fin de son mandat, il fit voter une subvention de 1,5 million de francs pour financer l’installation d’un ascenseur à la Basilique de Fourvière, monument privé. Là aussi consensus avec la gauche ! Ce même Raymond Barre s’empressait de participer, chaque année, à la commémoration catholique des « Vœux des échevins » qui a lieu chaque 8 septembre pour remercier la vierge Marie d’avoir « sauvé » la ville de la peste. [...]
Le socialiste Gérard Collomb, qui s’affiche franc-maçon, fraîchement élu, s’empresse de donner un gage à l’archevêché en se rendant à son tour, le 8 septembre 2001, aux « Voeux des Echevins ».
La présence officielle de l’exécutif local à cette manifestation constitue un acte de reconnaissance par la personne publique prohibé par la loi de 1905. Il devait à cette occasion, fait unique en France, affirmer sa conception de la laïcité dans un lieu de culte. Elle était selon lui « une démarche qui loin de chercher à tout niveler, respecte les différences dans lesquelles elle voit une source d’enrichissement. C’est cette laïcité là que je veux promouvoir ». Depuis le maire socialiste de Lyon fait chaque année allégeance auprès du cardinal primat des Gaules... [...]
Les premières faveurs (au moins celles que nous connaissons) : encore la basilique de Fourvière : 1,76 millions d’euros (en 2008). Basilique que Victor Augagneur (maire de 1900 à 1905) qualifiait de citadelle de la superstition et de l’exploitation qui « se dresse sur le point culminant de notre ville comme pour jeter un insolent défi à la démocratie et à la philosophie de la raison et de la vérité ». Par la suite, près d’un million d’euros en 2012 pour sa mise en lumière. Bien entendu au nom du patrimoine et de l’identité lyonnaise !
Viennent ensuite, en 2005, le financement pour 147.000 euros de la maison de Pauline-Marie Jaricot, fondatrice de l’œuvre pour la propagation de la foi (détenue aujourd’hui par les Oeuvres pontificales missionnaires), et, pour la création d’un musée du christianisme, 480.000 euros, musée qui s’annonce comme le musée du catéchisme catholique (2009).
Garantie financière, en 2012, de la ville pour 9 millions d’euros pour permettre, toujours, à l’enseignement supérieur catholique de s’agrandir en rénovant les anciennes prisons Saint-Paul et Saint-Joseph situées au sud de la gare Lyon-Perrache. On n’évoquera même pas les conditions financières octroyées par la ville à l’enseignement catholique qui vont au-delà de ce qu’imposent aux collectivités territoriales certaines lois postérieures à 1905, déjà honteusement favorables à l’enseignement confessionnel.
Lyon devient, désormais, la ville des grands rassemblements cultuels. L’association Communauté de Sant’Egidio (connue pour être un satellite de la diplomatie du Vatican) choisit Lyon en 2005 pour la tenue de ses « Journées internationales » et elle reçoit 200.000 euros (à part égale ville de Lyon et département du Rhône). Les protestants n’en seront pas de reste : 96.000 euros (même répartition) pour la XIIIe conférence des Eglises protestantes d’Europe (KEK).
Ce climat si favorable aux cultes a incité les mormons à délocaliser leur siège de Genève... pour venir s’installer à Lyon. [...]
Devant tant de générosité et de bienveillance, le cardinal Barbarin, en 2008, aux bords de l’épectase déclarait :
« Heureusement des politiques comme Sarkozy et Collomb ont inventé la "laïcité de gratitude" qui remercie les religions pour leur apport à la société... »
La région dirigée par le socialiste Jean-Jack Queyranne, à l’unisson de ce maire si généreux et compréhensif pour les cultes, décidait, en 2010, de voter une subvention de 450.000 euros pour la restauration de la basilique d’Annaba en Algérie. Cette basilique fait partie d’un ensemble de bâtiments construits à la fin du XIXe siècle, comme le Sacré Cœur, dédiés à la vierge Marie pour avoir sauvé la France de la peste « rouge ». [...]
Les jetons verts, les jetons jaunes
Les autres cultes ne sont pas oubliés pour autant, avec notamment les « accommodements raisonnés » qui permettent de différencier dans les cantines scolaires les enfants selon leur confession. Le point d’orgue étant la ville socialiste de Villeurbanne dont les cantines distribuent des jetons jaunes et verts. Même si ça ne paraît pas pensable, on vous laisse deviner la couleur des confessions destinataires !
On relève aussi la mise à disposition de locaux scolaires lors de fêtes religieuses musulmanes en particulier la fête de l’Aïd [3].
Outre la dimension « espèces sonnantes et trébuchantes », nos édiles n’oublient pas la dimension symbolique. Au nom de la laïcité, ils participent à toutes les cérémonies religieuses. Le maire de Lyon fait le plus preuve de zèle en ce domaine. Il a accueilli plusieurs fois les représentants du culte musulman à l’hôtel de ville, haut symbole républicain, à l’occasion de la rupture du jeûne.
Il se félicitait, tout récemment, lors de l’inauguration, en février 2013, à Villeurbanne, des nouveaux locaux du CRCM [Conseil régional du culte musulman] en affirmant qu’il était heureux que « les recherches de locaux se soient concrétisées ici, à Villeurbanne, une ville pluriculturelle et pluricultuelle ». Dans la foulée, il faisait voter par le conseil municipal de Lyon, sans débat, une subvention de 16.000 euros assurant le financement de cette nouvelle installation. Pour la petite histoire, seuls deux élus se sont abstenus, lourd de sens sur ce qui se passe dans cette ville.
On pourrait encore multiplier les exemples, mais pour en terminer, on citera le maire communiste Bernard Genin, de Vaulx-en-Velin, qui a cru obtenir la paix dans sa commune en pactisant avec les religions. Il devait déclarer lors de l’inauguration de la nouvelle église Saint-Thomas que « Vaulx-en-Velin est la ville qui a le plus construit d’édifices religieux, de la synagogue au temple protestant et demain à la mosquée. Les religions ont droit de cité. Elles peuvent servir au vivre ensemble ».
La nouvelle mosquée en cours de construction a bénéficié d’une subvention par le biais d’une vente d’un terrain à une valeur inférieure à sa valeur vénale. [...]
La région Rhône-Alpes est ainsi devenue, depuis deux décennies, le laboratoire de ce que sera, sans aucune réaction des citoyens, la France de demain dans ses rapports avec les religions.
Il n’y a qu’à observer le comportement de l’actuel ministre de l’Intérieur [chargé des cultes] qui, sans dire, lui, que le curé est plus important que l’instituteur, pratique néanmoins la politique de l’oxymore. Il s’affirme laïque tout en reconnaissant les cultes en se rendant en tant que ministre de la République à la rupture du jeûne du ramadan. Il semble voir fait sienne la laïcité à la sauce lyonnaise. [...]"
[1] Le Conseil d’Etat dans son arrêt du 9 juillet 2010 sur les accords « Kouchner-Vatican » concernant la délivrance de diplômes rappelle « qu’aux termes de l’article L. 731-14 du de l’éducation : “Les établissements d’enseignement supérieur privés ne peuvent en aucun cas prendre le titre d’université. Les certificats d’études qu’ils jugent à propos de décerner aux élèves ne peuvent porter les titres de baccalauréat, de licence ou de doctorat... Le fait, pour le responsable d’un établissement, de donner à celui-ci le titre d’université ou de faire décerner des certificats portant le titre de baccalauréat, de licence ou de doctorat, est puni de 30.000 euros d’amende.” ».
[2] Le juge reprenant la définition restrictive du « cultuel » pour conclure que l’enseignement confessionnel de l’Institut catholique de Lyon ne peut être considéré comme un exercice cultuel. Ce qui n’empêchait pas le recteur de cet institut Monseigneur Tricard de plaider pour une identité catholique et défendre son label confessionnel selon lui trop souvent dénigré. Lyon Capitale du 28/3 au 3/4/2001.
[3] La mairie du 1er arrondissement de Lyon, la commune de Décines en ont fait de même cette année. Ce jour-là les enfants furent interdits d’activités sportives...
Lire aussi "Laïcité : que reste-t-il de la loi de 1905 ?" (F. Braize et J. Petrilli, slate.fr , 21 nov. 13), "Non au financement public du communautarisme à Lyon !" (Collectif laïque, 30 mai 13), Lyon attribue une subvention de 16 000 euros au Conseil du culte musulman (20minutes.fr , 16 mai 13), La subvention de Lyon au Conseil du culte musulman constituerait une atteinte à la laïcité (Cercle Maurice Allard, 15 mai 13), Cantines : à Villeurbanne, jetons verts pour les "sans-viande", jaunes pour les "sans-porc" (lepoint.fr , 1er nov. 12), "L’Association diocésaine d’Annaba ne percevra aucun centime !" (Libre Pensée, 12 av. 12), “La loi de 1905 devant le Conseil d’Etat. La menace d’une dénaturation grave” (Libre Pensée, 7 juil. 11), “La Région Rhône-Alpes doit-elle financer une basilique en Algérie ?” (Le Progrès, 11 jan. 11), "La Région Rhône-Alpes déboutée : La Diocésaine d’Algérie privée de 450 000 € de subvention" (Libre Pensée, 20 mars 13), “Le Conseil d’État précise l’interprétation et les conditions d’application de la Loi du 9 décembre 1905” (Conseil d’Etat, 19 juil. 11), “En 2011 aussi, la loi de 1905 permet aux Eglises et à l’Etat de faire bon ménage” (AFP, lexpress.fr , 19 juil.11), “Les décisions du Conseil d’État conduisent à la remise en cause de la loi 1905” (GODF, 12 sept. 11), Gérard Collomb : avec 3.000 euros par mois, on "se trouve dans une situation extrêmement difficile" (Public Sénat, 5 fév. 13, AFP, midilibre.fr , 6 fév. 13) (note du CLR).
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