Florence Bergeaud-Blackler, anthropologue, chargée de recherche au CNRS, auteur de "Le Marché halal ou l’invention d’une tradition" (Seuil, 2017). 4 novembre 2021
[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"Une campagne sur Twitter a été lancée ce 28 octobre par le CoE inclusion and anti-discrimination, le compte Twitter de la division antidiscrimination et inclusion du Conseil de l’Europe. Cette campagne sponsorisée par le Conseil de l’Europe et l’Union européenne met en scène des visages de femmes dont la moitié est voilée et l’autre non, et diffuse des illustrations supposées convaincre que le hidjab n’est qu’un vêtement comme un autre.
[...] Deux messages sont ainsi envoyés : le premier consiste à banaliser, « fashioniser » et idéaliser le hidjab comme parure, sans considération du fait que certaines femmes peuvent être violées, vitriolées ou brûlées si leur comportement n’entre pas dans les canons de la modestie musulmane, ce qui est le cas assez couramment dans des pays comme l’Afghanistan, l’Iran ou le Mali, plus rarement, mais tout de même, dans certaines banlieues européennes comme Paris ou Bruxelles.
Le second message est plus subliminal et s’adresse à l’umma. Un musulman prosélyte ou même juste sincère ne sera pas indifférent à ce visage européen à moitié voilé : signe de l’accomplissement de la prophétie califale qui doit assurer la présence de l’islam partout dans le monde. [...]
La contribution de l’Union européenne rappelle de son côté la nécessité de redoubler de vigilance et d’efforts. Elle est l’occasion de mettre en évidence les efforts faits par la Commission européenne pour lutter contre ce mal. L’Union souligne la dimension intersectionnelle de la discrimination, notamment l’« islamophobie genrée » qui concernerait la vulnérabilité particulière des femmes musulmanes victimes de discrimination en raison de leur sexe, de leur origine, de leur origine ethnique, de leur statut social et économique, et en raison de leur foi « si visible à cause de ce qu’elles portent ». Ne citant que les actions de haine attribuées à l’extrême droite (en l’occurrence l’assassinat du député Walter Lübcke qui défendait la cause des migrants, l’attaque antisémite de Halle), l’UE ne fait nulle mention des attentats islamistes réussis ou tentés, qui pourraient expliquer une méfiance légitime accrue vis-à-vis des signes visibles de l’islamisme.
Un passage de sa contribution est cependant particulièrement interpellant.
L’Union rappelle son souhait de lutter par la réglementation et la jurisprudence contre les discours de haine, mais elle reconnaît – honnêtement – qu’elle n’a (toujours) pas adopté de définition officielle de ce qui constitue la haine antimusulmane ou l’islamophobie. Elle précise qu’elle y travaille et cite à l’appui les initiatives de son coordinateur européen de la lutte contre la haine antimusulmane qui a accueilli un séminaire dirigé « par les parties prenantes » afin d’explorer la nécessité et la possibilité de développer une compréhension commune de la haine antimusulmane/islamophobie, pour contribuer aux réponses politiques.
Autrement dit, l’Union européenne reconnaît qu’elle n’est pas en mesure de définir l’islamophobie, même si elle publie des rapports sur l’islamophobie depuis des années, mais qu’elle y travaille avec des « parties prenantes ». La question est donc : qui sont ces parties prenantes qui doivent aider l’UE à définir un problème non encore défini, mais qui donne lieu à des statistiques, des actions et des recommandations ? [...]"
Lire "La propagande pro-hidjab du Conseil de l’Europe est inacceptable".
Voir aussi le communiqué du CLR Le Conseil de l’Europe au service de l’oppression des femmes (CLR, 3 nov. 21), le commentaire de Jacques Lafouge La légitimité du Conseil de l’Europe est nulle (J. Lafouge, 3 nov. 21), dans la Revue de presse le dossier Conseil de l’Europe : campagne pour le foulard islamique (2021) dans Conseil de l’Europe dans Europe (note du CLR).
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