8 février 2021
[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"Alors que la crise du Covid a remis la question de la fin de vie sur le devant de la scène, des députés et sénateurs poussent pour autoriser « l’aide active à mourir ». Un sujet politiquement inflammable pour la majorité.
Par Quentin Laurent
Alors que le Covid-19 continue de faucher les âmes, des parlementaires souhaitent remettre le droit de mourir à l’ordre du jour législatif. A l’Assemblée comme au Sénat, plusieurs propositions de loi ont été récemment déposées afin de débattre des conditions de la fin de vie des Français, et de rendre possible, dans des cas très précis, « l’aide active à mourir » ou - le terme est plus sensible - l’euthanasie.
« La crise du Covid a rendu cet enjeu (NDLR : de la fin de vie) visible aux yeux de tous », plaide le député (LREM) du Rhône, Jean-Louis Touraine. Cet ancien médecin vient de déposer une proposition de loi à l’Assemblée, cosignée par 118 députés marcheurs, pour ouvrir le droit « d’assistance médicalisée à mourir » aux personnes « majeures et capables, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, provoquant une douleur physique ou une souffrance psychique insupportable ». Une série de mesures qui viendraient compléter la législation actuelle, afin de mettre un terme à l’adage selon lequel « on meurt mal en France », selon Touraine, qui avait déjà tenté, sans succès, de pousser le sujet sous Hollande, et au début du quinquennat Macron.
Les lois Leonetti (2005) et Claeys-Leonetti (2016) avaient déjà permis de mettre fin à « l’acharnement thérapeutique » puis d’accompagner le patient vers la mort grâce à une « sédation profonde et continue » jusqu’au décès. Les défenseurs de l’euthanasie estiment que le patient devrait avoir le droit d’être aidé à mourir médicalement, plutôt qu’un simple arrêt de traitements, qui, même ajouté à la sédation, n’empêcherait pas la souffrance du patient jusqu’à son dernier souffle.
« La situation n’est ni digne pour le patient, ni acceptable pour la famille », défend Marine Brenier, députée (LR) de Nice, qui raconte avoir vu son grand-père « rétrécir à vue d’œil » pendant les dix jours qu’a duré la phase d’arrêt des soins. Membre du groupe d’étude parlementaire sur la fin de vie, présidé par Jean-Louis Touraine, elle a aussi déposé récemment une proposition de loi sur le sujet, cosignée par une quinzaine de ses collègues de droite. « Les gens veulent avoir le choix de la façon dont ils vont partir », poursuit Brenier.
Au Sénat, le sujet est porté par la socialiste Marie-Pierre De La Gontrie, qui a aussi déposé un texte cet hiver. De son côté, le président de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), Jean-Luc Romero, doit adresser la semaine prochaine une lettre ouverte au Président sur le sujet.
Tous s’appuient sur un sondage Ipsos publié en mars 2019, attestant que 96 % des Français se déclarent en faveur de l’euthanasie. Le même institut pointait déjà « le décalage entre l’opinion et la législation » en… 1999, alors que 79 % des interrogés se disaient pour. En décembre, c’est l’Espagne qui a franchi le pas en l’autorisant, devenant ainsi le sixième pays du monde à le faire. « Cela répond à une demande de la société », défend aussi le député (LREM) de Paris Benjamin Griveaux, proche du Président, qui dénonce, lui, « une hypocrisie » sur le sujet, alors que dans les faits, l’aide à mourir « se pratique déjà sous le manteau en France ». En 2012, l’Institut national d’études démographiques (INED) estimait que cela concernait entre 2000 et 4000 personnes par an.
« On ne va pas légiférer parce que quelques-uns veulent contrôler le pouvoir de donner la mort ! », oppose fermement Xavier Breton, député (LR) de l’Ain, qui voit là « une offensive des militants de l’euthanasie », « une demande minoritaire ». Lui estime qu’il faut déjà faire pleinement appliquer la loi de 2016, et rendre l’accès aux soins palliatifs pour tous sur le territoire – ce que réclament aussi Touraine et consorts.
Interrogé sur le sujet en 2017, Jean Leonetti défendait lui, contre la « liberté » de donner la mort, la « solidarité » que devait la société à toute personne mourante, estimant que l’important est de l’accompagner au mieux. Ce « conflit de valeurs » comme le pointait Leonetti ne manquerait pas d’enflammer les débats. Même si l’opinion publique, elle, semble avoir fait son choix.
Mais une telle loi peut-elle, déjà, être mise à l’agenda parlementaire avant la présidentielle ? Si le patron des députés LREM Christophe Castaner y est personnellement favorable, il n’y aurait « pas complètement consensus », évacue-t-on au groupe. Trop brûlant, un an avant la présidentielle ? L’embouteillage législatif actuel n’aide, certes, pas non plus.
En mars 2017, le candidat Emmanuel Macron s’était déclaré pour un débat « apaisé » sur le sujet, disant à titre personnel souhaiter « choisir [sa] fin de vie ». Beaucoup aimeraient déjà le voir s’emparer du sujet avant la fin de son quinquennat."
Lire "Euthanasie : ces parlementaires qui veulent relancer le débat".
Voir aussi dans la Revue de presse la rubrique Fin de vie ;
le Colloque "Fin de vie, la liberté de choisir" (CLR, Paris, 28 oct. 17), les communiqués du CLR Droit de mourir dans la dignité : le Comité Laïcité République dénonce le poids exorbitant des morales religieuses (10 oct. 03), Droit de mourir dans la dignité : un droit inaliénable pour tout être humain (15 oct. 04), l’édito Le droit à mourir dans la dignité : un combat laïque (P. Kessel, 18 mars 10),
dans les Initiatives proches ADMD et dans les Liens Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD).
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