Président du Comité Laïcité République 2003
Mardi 18 novembre 2003, Conseil d’Etat.
La laïcité n’est pas une opinion, c’est la liberté d’en avoir une…
La laïcité n’est ni dogmatique ni intégriste, elle est le cadre dans lequel un individu est libre de pratiquer ou non une religion ; de critiquer ou non un dogme ; de croire ou non en une vérité révélée…
Clef de voûte de l’édifice républicain, la laïcité est le garant essentiel des libertés individuelles et de l’égalité des droits. Elle constitue, encore aujourd’hui, le fondement indispensable de l’harmonie sociale et de l’unité de la nation.
En défendant le droit absolu à la liberté de conscience, à la liberté d’expression et au libre choix, la laïcité contribue à la construction d’un humanisme moderne qui donne à chaque femme et à chaque homme un accès égal aux connaissances et aux responsabilités ; aux mêmes Droits et aux mêmes Devoirs.
Défenseurs, ici, de la Laïcité - fondement de la République - notre position diffère notoirement de celles de certaines personnalités et organisations que vous avez reçues jusqu’à maintenant et qui s’abritent derrière la laïcité pour défendre, en réalité, une position dogmatique, oecuménique ou communautariste. Nous refusons de réduire le sens de la laïcité, ou de l’école publique, à l’affirmation qu’elles permettent à chaque religion de trouver sa place. Nous élargissons le champ d’action de la laïcité. Elle n’est pas seulement la séparation des Églises et des États. Elle est, au contraire, un principe universel, porteur d’avenir et d’espoir pour tous les hommes, qu’ils soient agnostiques, athées ou croyants, comme ceux qui ne se reconnaissent dans aucune de ces définitions.
Nous disons aussi qu’aujourd’hui, la croyance en un dogme, n’est plus le fait de la majorité…
Notre association est née voilà plus de dix ans sous la présidence de Claude Nicolet, puis, successivement d’Henri Caillavet - dont je présente ici les excuses - de Patrick Kessel et de moi-même.
Le Comité Laïcité République fut créé au moment de la première affaire du voile et regroupe, ou a regroupé, des personnalités aussi différentes que Maurice AGULHON, Louis ASTRE, Pierre BERGÉ, Élisabeth BADINTER, Henri CAILLAVET, Jean- Pierre CHANGEUX, Fanny COTTENÇON, Régis DEBRAY, Manuel De DIEGUEZ, Clément DURAND, Alain FINKIELKRAUT, Yves GALIFRET, Max GALLO, Gisèle HALIMI, Catherine KINTZLER, Albert MEMMI, Samy NAÏR, Claude NICOLET, Henri PENA-RUIZ, Jean-Claude PECKER, Yvette ROUDY, Claude VILLERS.
Le Comité Laïcité République entend défendre et promouvoir la laïcité, ce cadre institutionnel, sans lequel il n’est pas de concorde civile ni de véritable République possibles.
Il est présent en France à travers ses comités locaux, départementaux ou régionaux, une trentaine aujourd’hui, comme dans le monde, au Chili, au Togo ou en Côte d’Ivoire. Inlassablement, nous organisons à travers le pays, des centaines de débats, réunions publiques ou colloques. Nous revendiquons un militantisme laïc en France et dans le monde. Les salles où nous intervenons sont rarement vides : il faut y voir la preuve manifeste de l’intérêt que portent nos concitoyens à la laïcité. Militer pour la laïcité est un acte politique, au sens premier du terme : AGIR AU COEUR DE LA CITÉ. Nous n’avons pas attendu que la Laïcité soit sur le devant de la scène médiatique pour débattre et agir. Nous organisons, en novembre, un colloque international à Bordeaux ; nous remettons un Prix International de la Laïcité ; et à notre initiative, un appel commun “Ni croix, ni voile, ni kippa, ni aucun signe ostentatoire d’appartenance dans le sein de l’école de la République” (2003) a été signé et repris par quatre-vingt partis, syndicats, associations et personnalités.
Ce que nous défendons, c’est une idée neuve et d’avenir : la citoyenneté.
Trois grands périls menacent aujourd’hui la République :
La laïcité est un outil actif d’émancipation et de construction du monde de Demain, et non pas un simple objet de mémoire ou de vénération.
Laïcité et République.
La République ne connaît que des citoyens libres et égaux en droits, quelles que soient leurs origines et leur histoire, quels que soient leurs choix philosophiques, religieux, politiques. Elle ne saurait être l’addition de communautés particulières, soumises à des lois spécifiques.
La République laïque récuse toute religion officielle comme toute orthodoxie d’État. C’est pourquoi, la loi de 1905, instituant la séparation des Églises et de l’État, reste la garantie républicaine, plus actuelle que jamais, de la liberté de conscience pour tous. Elle ne saurait être renégociée ni aménagée, mais au contraire, élargie à l’ensemble du territoire de la République, Alsace-Moselle, Mayotte, Polynésie, Guyane, Antilles…
Laïcité et Europe.
L’avenir communautaire en Europe doit reposer sur des fondations solides, celles d’institutions laïques. Plus les différences se font nombreuses et profondes, plus s’impose la laïcité de la loi commune. L’Intégration de la France aux institutions politiques européennes ne peut et ne doit, en aucun cas, se faire au détriment des fondements laïques de la République.
Nous pensons qu’une Constitution européenne devrait instituer a minima :
Laïcité et société.
La laïcité est une exigence de liberté et de responsabilité, elle concerne tous les champs de la société, tous les problèmes de la vie. Le droit de mourir dans la dignité en est un exemple significatif. Il ne suffit pas de dire que le droit de mourir dans la dignité est un problème de conscience individuelle ; il faut aussi permettre à cette conscience-là de pouvoir s’exprimer librement : seule une loi claire le permettra.
Laïcité et école publique.
La liberté de l’homme s’édifie dès l’enfance. L’éducation, permettant d’accéder à la maîtrise de soi et à la citoyenneté, est un droit inaliénable.
L’école laïque, lieu de formation du citoyen, peut, elle seule, lui donner les moyens de l’émancipation : lui permettre d’acquérir la responsabilité de lui-même dans sa vie personnelle, sociale, civique et de dégager son autonomie et sa liberté, y compris par rapport à son milieu d’origine et à sa famille.
La laïcité : une espérance pour le XXIe siècle.
La laïcité n’est pas tournée vers le passé, mais vers le futur des hommes. Porteuse de l’avenir de la raison, elle oeuvre au progrès de la pensée. Elle se veut libératrice de l’intelligence.
L’humanisme laïque, force vivante de l’Histoire, s’adresse ainsi à toutes les femmes et à tous les hommes, à tous les peuples. Se refusant à tout ethnocentrisme et porteur de l’émancipation de tous, il atteste plus que jamais dans un monde aux dimensions de plus en plus restreintes, de la permanence et de la vocation universelle des valeurs de Liberté, d’Égalité, de Fraternité.
Seul, l’humanisme laïque peut aujourd’hui nourrir et conduire la marche de tous les peuples vers le savoir, le mieux-être, la justice, la paix et la liberté.
1. Création d’un enseignement préalable gratuit, laïque et obligatoire du français pour tout immigrant, assorti de l’enseignement des principes de la République.
2. Plutôt que de focaliser les maigres moyens de formation initiale et continue dans l’enseignement du fait religieux, il nous semble plus à propos de mobiliser la formation sur les valeurs et les principes de la République. La formation dans ce domaine est quasiment inexistante et les enseignants sont désarmés. Les futurs enseignants (IUFM) devraient avoir un module obligatoire d’enseignement de ces valeurs et principes car ils contribuent au fonctionnement d’une institution, pilier de la République. Tous les enseignants devraient suivre en formation continue, un stage : « Principes républicains et Intégration » afin de comprendre les enjeux et la finalité de l’enseignement.
3. Partout en France, ce qui inclut les départements concordataires, nous demandons que l’enseignement des religions soit délivré uniquement sur option et non pas inclus directement dans les programmes.
4. Nous demandons qu’il ne reste pas une ville ou un village de France, d’où l’école de la République soit absente, comme c’est encore le cas.
5. Nous demandons la suppression pure et simple des aumôneries. Pour les écoles, nous comprenons qu’en 1905, l’existence d’une aumônerie pouvait s’admettre comme dans d’autres lieux clos tels que les prisons et les hôpitaux, afin que les croyants puissent pratiquer. Aujourd’hui dans les collèges et lycées où n’existent pas d’internats, les aumôneries doivent disparaître.
6. Nous demandons que l’enseignement des langues régionales par immersion ne soit plus envisageable dans le sein de l’école de la République.
7. Non à la Charte des langues régionales et minoritaires
8. La marchandisation est un cléricalisme financier. Interdiction de toute publicité commerciale à l’école.
9. Non à l’accroissement du financement des édifices religieux sur des fonds publics
10. Cérémonies officielles hors des lieux de culte, fin des messes de célébration…
11. Non aux piscines publiques réservées aux femmes
12. Alimentation/cantine : pas opposé à la diversité des repas (à condition que les moyens suivent : selfs), mais opposé à l’achat par les établissements de viande sacrifiée rituellement, ce qui induit un créneau commercial...
13. Le programme d’Éducation Civique en collège consacre insuffisamment de temps à ces valeurs et principes (2h pour évoquer la laïcité en sixième et 8h en troisième... sur l’année scolaire)
14. Droit de mourir dans la dignité…
15. Application de la Loi 1905
Le poète allemand Klopstock déplorait dans son ode à la Révolution (14/07/1790) que sa Nation n’ait pas « gravi la première les sommets de la Liberté. Exemple rayonnant aux peuples alentours ! Ce fut la France. »
C’est cette grandeur-là que la France doit retrouver. Celle qui fait d’elle une lueur d’espoir pour tous ceux qui , hommes et femmes, se battent, souvent au péril de leur vie, pour la défense des libertés fondamentales. La position que prendra la France, en matière de voile, en particulier, et de laïcité en général, aura, nous insistons sur ce point, un retentissement international.
Pour n’en citer que quelques-uns :
A ces noms, il convient d’ajouter tous les obscurs qui sont torturés, assassinés, lapidés, pendus, dans leur pays. Pourquoi ? Parce qu’ils demandent la simple liberté de vivre comme ils le souhaitent.
Leur regard aujourd’hui se tourne vers la France, terre de laïcité, pays des Droits de l’Homme et de la Liberté. Que diront-ils si nous tous, acteurs de la Laïcité en France, baissons les bras ? Je vous laisse imaginer les conséquences pour leur simple survie si l’exemple de la France donnait raison à leurs tortionnaires…
Nous avons une responsabilité collective. Ne serait-ce que pour eux, je vous invite à bien réfléchir aux conséquences de nos actes et de nos décisions !
[1] Voir Chahdortt Djavann et Fadela Amara, lauréates du Prix de la Laïcité 2003 (note du CLR).
Lire aussi Rapport de la "Commission Stasi" (11 déc. 03) (note du CLR).
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