Céline Pina, ex-conseillère régionale (PS) d’Ile-de-France, auteur de "Silence coupable" (Kero). 26 avril 2016
Céline Pina, Silence coupable, éditions Kero, 256 pages, 18,90 €.
"[...] Lorsqu’une association a voulu construire une mosquée dans la ville où j’étais élue, elle a d’abord envoyé trois gugusses sur la liste de gauche et trois autres sur la liste de droite. Ceux qui sont envoyés en première ligne sont de vieux chibanis sympas, pas du tout agressifs. Mais derrière, vous voyez souvent des jeunes, plutôt beaux gosses et sportifs, avec un look à la Tariq Ramadan. Ils ne disent jamais rien tant que les places ne sont pas prises, mais à la fin, vous vous rendez compte que ce sont eux qui tirent les ficelles.
Concrètement, qu’avez-vous observé dans le cas des mosquées ?
D’abord, la mairie accorde un bail emphytéotique (de très longue durée, NDLR), ce qui permet de subventionner sans le dire. Ensuite, les promoteurs de la mosquée vous demandent de construire un parking, en assurant que c’est l’intérêt général puisqu’il servira à tout le monde. Ensuite, on vous explique que ce serait bien de construire la mosquée à côté du lycée, pour que les jeunes puissent y aller au lieu de traîner dans la rue. Ensuite, on vous demande pourquoi on ne la mettrait pas dans le centre-ville. C’est un moyen de montrer sa puissance et de gagner en visibilité. On ne parle jamais de religion dans ces discussions, qui ressemblent plus à des négociations politiques qu’à une revendication légitime de gens qui veulent pratiquer leur religion dans l’enceinte privée. [...]
Mais comment s’adresser aux populations victimes de l’emprise islamiste ?
Il faut commencer par remettre à leur place ceux qui les infusent, en disant aux salafistes qu’ils n’ont pas de place dans cette République. Il faut leur retirer les outils de la puissance : la possibilité d’accueillir des enfants, de donner des cours, d’organiser des rassemblements, de devenir des interlocuteurs de la mairie… Ensuite, un territoire perdu, c’est souvent un territoire abandonné. Les autorités ne doivent pas sous-traiter la politique de la jeunesse, mais s’en occuper elles-mêmes, en y mettant le prix. Aujourd’hui, on fait la promotion du service civique pour tenter de remettre la jeunesse dans une perspective citoyenne, mais on s’aperçoit que l’un de ses opérateurs principaux est la Ligue de l’enseignement, qui a fêté son 150e anniversaire avec l’European Muslim Network, le lobby de Tariq Ramadan… La Ligue des droits de l’homme (LDH) aussi sert de caution de moralité à ces gens, qui ne se trompent pas sur les lieux qu’ils infiltrent.
Aujourd’hui, les lanceurs d’alerte comme vous semblent mieux écoutés…
Oui, quelque chose est en train de changer. On l’a vu le 11 janvier 2015 : on s’est rendu compte qu’il y avait un peuple, que ce peuple avait une conscience du monde commun dans lequel il veut vivre et qu’il était prêt à se lever pour le défendre. Mais les politiques ne veulent pas voir ce changement, par peur d’une remise en cause des rentes de situation dans lesquelles ils se complaisent.
Mais quelqu’un comme Manuel Valls n’hésite pas à donner de la voix. Il s’est encore alarmé récemment de la progression d’une "minorité agissante" salafiste…
Je trouve effectivement qu’il y a un vrai courage chez Manuel Valls. Mais quand il sort du bois contre Jean-Louis Bianco pour défendre Elisabeth Badinter (dans la polémique qui a agité l’Observatoire de la laïcité en janvier, NDLR), il se fait humilier par le président de la République qui veut sauver un copain de 30 ans. L’autre problème, c’est que quand Valls parle de ces sujets-là, le gouvernement baisse les yeux et le PS lui tire dessus à boulets rouges.
Quand Valls estime qu’il faudrait interdire le voile à l’université, vous êtes d’accord avec lui ?
Oui, car le voile dont on parle n’est plus un petit foulard flottant sur des cheveux dénoués. C’est un uniforme total, un linceul. Il ne faut pas se leurrer : aujourd’hui, le voile n’est pas une pièce vestimentaire, c’est une forme de revendication politique. Il dit que des femmes qu’elles sont impures, qu’elles sont des sexes ambulants et qu’elles doivent cacher cela. Il dit surtout qu’elles sont inférieures à l’homme. Et si on introduit l’inégalité en raison du sexe, pourquoi ne pas l’introduire à raison de la couleur de peau ou de la conviction religieuse ?
Alain Juppé m’a particulièrement déçue lorsqu’il a justifié l’autorisation du voile en parlant de sa mère qui portait un foulard à l’église. J’ai envie de lui dire : tu sais Alain, ta mère qui portait un foulard, elle n’emmerdait pas les autres femmes pour qu’elles le portent. Et elle n’avait pas le droit d’avoir un compte en banque ou de travailler sans l’autorisation de son mari, elle n’avait pas la maîtrise de son corps… 70 ans ont passé, donc ne me renvoie pas à ces images-là. J’en ai marre de ces mâles politiques qui trouvent que rogner sur les droits des femmes, finalement, ce n’est pas un problème.
Comment expliquer le problème du Parti socialiste avec la laïcité ?
En un mot : électoralisme. Ce qui m’a fait partir, c’est le refus de clarification idéologique, l’ambiguïté cultivée à dessein et des désignations qui ne dépendent pas des qualités intellectuelles et morales, mais de la capacité à manipuler des paquets de voix. Je l’ai vu aux élections régionales : on invite des gens à devenir élus pour être le représentant de leur particularisme, et pas pour créer et faire vivre le monde commun.
Vous parlez de "guerre des identitaires" entre les islamistes et le Front national. Que voulez-vous dire ?
Je perds souvent mes combats avec les gens qui me disent qu’ils vont voter FN en arguant que la seule qui est claire sur la laïcité, c’est Marine Le Pen. Déjà, quand vous écoutez ce que dit Marion Maréchal-Le Pen, vous réalisez que ce n’est pas exactement le même discours. Ensuite, le FN n’a pas plus de rapport à la vérité que les islamistes. Ce sont des tacticiens purs. Ils voient que la laïcité et la République sont des mots porteurs, donc ils les utilisent. Mais ce discours ne les engage à rien. Quelque part, ils sont aussi absolutistes dans l’identité que les islamistes. Le rêve de ces derniers est un monde immanent et figé. C’est pareil pour le FN, qui a une vision d’une France presque mythifiée, figée dans ses représentations. Pour moi, l’un comme l’autre pue la mort. [...]"
Lire "Céline Pina : "L’islamisme, ce n’est pas une invasion de barbus, c’est beaucoup plus insidieux"".
Lire aussi C. Pina : "J’ai été traitée d’islamophobe et de raciste par ma famille politique" (lepoint.fr , 15 av. 16), C. Pina : "On ne pourra plus traiter d’islamophobes ceux qui dénoncent les islamistes" (marieclaire.fr , 16 nov. 15), C. Pina : « Se taire, quand on est élu, c’est refuser de prendre ses responsabilités » ( nonfiction.fr , 4 nov. 15), "Collisions sociétales chez les socialistes" (E. Conan, Marianne, 16 oct. 15), "L’affaire Céline Pina révélatrice des nouvelles fractures de la gauche" (A. Devecchio, Le Figaro, 23 sept. 15), "Salon de la femme musulmane à Pontoise : le témoignage choc d’une élue PS" (lefigaro.fr , 14 sept. 15) (note du CLR).
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