21 janvier 2020
[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Bernard Rougier, Les Territoires conquis de l’islamisme, PUF, 2019, 412 p., 23 e.
"[…] Sérieux, érudit, mais implacable dans ses constatations, ce livre peut se découper en trois parties. La première, à laquelle ont collaboré plusieurs universitaires spécialisés, s’attache à décrire les phénomènes idéologiques ayant trait à l’islamisme, et notamment l’expansion impressionnante du phénomène salafiste, une forme particulière capable d’opérer un "recodage religieux de la réalité sociale française et européenne" et perçue par de plus en plus de musulmans "comme l’incarnation objective de l’islam". Dans ses chapitres les plus marquants, le livre emmène ensuite le lecteur sur le terrain, dans ces fameux "territoires conquis de l’islamisme" : d’Aubervilliers à Toulouse, en passant par Argenteuil ou Mantes-la-Jolie, ce sont des descriptions saisissantes de précision et de clarté qui sont offertes au lecteur. Un tel travail n’a été rendu possible que par la méthode de rédaction du livre : ce sont les étudiants de Bernard Rougier (professeur à Paris-3 / Sorbonne-Nouvelle), souvent issus des quartiers et maîtrisant l’arabe, qui ont enquêté de longs mois en immersion. L’ouvrage s’achève par deux chapitres là encore marquants, au sein d’un lieu privilégié d’élaboration et de diffusion de l’idéologie islamiste : la prison. […]
Les salafistes condamnent le terrorisme tout en fournissant aux terroristes une partie de leur argumentaire pour passer à l’action. Plus le tissu social d‘un quartier est traversé par les réseaux salafistes, plus il y a de départs pour l’Etat islamique. […]
Les islamistes ne luttent pas contre la laïcité parce qu’elle est dure. Elle est dure parce qu’ils la combattent ! […]
La laïcité n’empêche absolument pas les musulmans d’exercer leur foi : ils peuvent prier dans des mosquées, acheter les livres qu’ils veulent, prier en congrégation ou individuellement, se marier entre musulmans... Le fait communautaire est reconnu par la République, ce qu’elle rejette c’est le communautarisme : quand le groupe et ses valeurs deviennent supérieurs à l’Etat et à la loi, ce qui est blâmable dans une logique d’émancipation individuelle, où chacun doit pouvoir penser ce qu’il veut. Les islamistes veulent détruire la République car ils ne veulent pas d’un islam libéral, possibilité ouverte par le modèle français. […]
Une certaine gauche a un regard totalement méprisant sur les Français de culture musulmane. Elle considère que pour des raisons électorales, ils doivent voter dans le bon sens, et ne le voit qu’à travers un prisme religieux : en pensant que pour satisfaire leurs revendications, il faut construire des mosquées, on ne les considère pas comme des citoyens mais comme des musulmans. C’est une forme de néo-colonialisme. Il est d’ailleurs frappant de constater qu’en faisant systématiquement porter la responsabilité des problèmes à la société française, ce vieux logiciel estime que les populations du Sud ne produisent pas d’histoire. Que leur histoire est seulement réactive, que l’Occident est le moteur de l’histoire. […]
J’étais à la "marche contre l’islamophobie", en tant qu’observateur. A mes yeux, toute une partie de la gauche y a trahi, pour un plat de lentilles électorales, sa mission historique : intégrer, à travers l’appareil syndical, partisan, associatif, les populations immigrées dans le cadre démocratique et républicain. Là, il s’agissait de reconnaître ces populations dans leurs spécificités présumées, et de les enfermer dedans. […]
Il y a de nombreux Français arabes d’origine musulmane qui réussissent très bien et s’intègrent. Ceux-là sont le pire danger pour les islamistes, car ils ont un rapport distancié et individuel avec la religion qui, comme chez les catholiques et les juifs, n’intervient qu’à certains moments de l’existence pour ceux qui sont croyants. Ce rapport individualisé casse l’idée d’un islam comme fait social total qu’est l’islam des islamistes. […]"
Lire "Bernard Rougier : "L’islamisme est une machine à détruire la France"".
Lire aussi "« Radicalisations » et « islamophobie » : le roi est nu" (G. Kepel, B. Rougier, Libération, 15 mars 16), "Non, Olivier Roy, l’islam n’est pas le vernis du terrorisme" (Printemps républicain, 12 av. 16), Déradicalisation : la raison plutôt que l’émotion (K. Slougui), P. Nora : « L’étrange mémoire des attentats de 2015 et 2016 » (lefigaro.fr/vox , 11 nov. 16), "La guéguerre des sociologues" (M. Guerrin, lemonde.fr , 10 nov. 17) (note du CLR).
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