26 mai 2019
[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"Nul besoin d’être croyant pour s’émouvoir du sort de Vincent Lambert. Mais la mobilisation pour son maintien en vie montre que les groupes de militants catholiques hérités de La Manif pour tous, très actifs sur les réseaux sociaux, sont encore là. Malgré une organisation très floue.
Par Vladimir de Gmeline."
Lire "Derrière Vincent Lambert, des cathos au taquet".
"Alexandre est plutôt du genre placide, préfère lire et réfléchir longuement avant de parler. Père de cinq enfants et catholique fervent, il est peut-être aussi d’un autre temps. Car, chez les « cathos » désormais, on va très vite. On filme, on tweete, on « facebooke », et surtout on « whatsappe ». Enormément. Plus encore depuis que le cas Vincent Lambert a resurgi. « Il y a un vrai problème de communication et de rapport au temps, déplore Alexandre. Ça pose aussi la question de la prise de parole. Qui parle ? Il y a eu en début de semaine une tribune de près de 50 médecins dans Le Monde contre l’arrêt des soins, mais elle sera beaucoup moins écoutée que ce qui s’échange sur les groupes WhatsApp, où on parle à tort et à travers. » On imagine qu’il est, lui aussi, favorable au maintien envie de Vincent Lambert. Il préfère ne pas dévoiler sa conviction sur le sujet et s’agace des raccourcis hâtifs et des anathèmes. Quand certains comparent, par exemple, la situation de Vincent Lambert, si on arrêtait son alimentation et sa nutrition par sonde, en le plaçant en état de sédation profonde, à celle du père Maximilien Kolbe, affamé et assoiffé par les nazis à Auschwitz, puis achevé par injection létale. « On mélange tout. Et les gens qui tiennent ce genre de propos ne sont pas ceux que l’on retrouve vraiment dans les débats sur la bioéthique. » Notamment dans les conférences et rencontres d’Alliance Vita, l’organisation de Tugdual Derville, en pointe dans la lutte contre l’avortement et l’euthanasie, ou de l’archevêque de Paris, Mgr Aupetit, organisateur des Etats généraux de la bioéthique.
Mais d’autres n’ont pas les pudeurs d’Alexandre et ils tiennent à se faire entendre. Ce qui importe, c’est le résultat. Et la reprise des soins de Vincent Lambert le mardi 21 mai est une de ces victoires dont ils n’ont pas l’habitude. François, d’une quarantaine d’années et père de six enfants, est un militant expérimenté. Sur les groupes WhatsApp dont il est membre, on s’échange plus de 300 messages par jour. Ancien pensionnaire d’un établissement de la Fraternité Saint Pie X, organisation intégriste créée par l’évêque schismatique Mgr Lefebvre, il communique beaucoup avec ses anciens condisciples, et aussi avec les scouts qu’il a connus. Pour lui, la réaction de joie le soir du 20 mai au rond-point des Champs-Elysées aune explication simple : « C’est un milieu où on a toujours perdu, depuis 1962. Le concile de Vatican 2, le putsch raté et l’indépendance de l’Algérie, et ces dernières années le Pacs, le mariage pour tous : on ne gagne rien. On vit avec ce sentiment d’être dans une citadelle assiégée. » Un milieu traditionaliste qu’il décrit comme, à la fois, « communautaire et anarchique » : « Il y aune vraie solidarité. Mais, dès qu’il yen a un qui veut être le chef, il se fait dégommer par les autres. » Dans ce contexte, il comprend la réaction sans retenue de Jérôme Triomphe, un des avocats des parents de Vincent Lambert, lui-même ancien pensionnaire de la Fraternité Saint Pie X : « Pour nous, c’était impossible. Cette affaire est devenue un symbole de la lutte contre l’euthanasie. C’est un moment très important. »
Thibaud, qui a connu Vincent Lambert à Saint-Joseph-des-Carmes, près de Carcassonne, un des établissements de « la Frat », comme il l’appelle, raconte lui aussi comment la mobilisation prend et se propage sur les réseaux : « Il y a la page Facebook des anciens, les groupes WhatsApp des jeunes foyers cathos de ma région, où on ne parle que de ce sujet en ce moment, et Twitter, qui s’est développé depuis La Manif pour tous, qui a été le vrai moment de basculement de cette forme de militantisme. » Ce qui ne l’empêche pas de regretter, dans le même temps, que le débat soit devenu « aussi passionné » : « On dit qu’il n’y a que des tradis dans ces défenseurs, mais Alliance Vita, ce ne sont pas des tradis. » Son président, Tugdual Derville, ne veut pas pour autant condamner les réactions excessives du 20 mai au soir : « Je crois qu’elles ont pour point de départ l’injustice initiale, lorsque les parents ont compris, en 2013, qu’on avait arrêté de nourrir et d’hydrater Vincent sans leur en parler depuis vingt et un jours. C’est à partir de ce moment que la famille s’est déchirée. C’est ce qui peut expliquer l’apparente virulence de cette réaction. »
Tous parlent de la ferveur d’une jeune génération qui, d’après eux, pèche peut-être par excès d’enthousiasme, mais s’assagira avec l’âge. Mais il n’y a pas que des jeu nots dans leurs rangs. Ils comptent aussi, reconnaissent certains, des spécialistes aguerris de l’agit-prop, comme l’est notamment le site catho-identitaire Le Salon beige.
A la pointe du combat, on trouve également l’hebdomadaire Valeurs actuelles, qui a diffusé sur son site la vidéo tournée par les parents de Vincent Lambert dans sa chambre d’hôpital, abondamment reprise sur les réseaux sociaux. « On a des journalistes qui suivent l’affaire depuis longtemps, explique Geoffroy Lejeune, le directeur de la rédaction, Mickaël Fonton, Charlotte d’Ornellas, mon frère Bastien. Moi, j’avoue que j’en ai toujours eu rien à foutre, de cette histoire. Ça ne m’intéressait pas. L’euthanasie, c’est compliqué. Et puis on a appris par l’entourage de la famille qu’il y allait avoir une vidéo. » « Quand je l’ai vue, j’ai eu un choc, reprend-il. Il n’y a pas eu de débat, on a décidé de la publier. Ça ne correspondait pas du tout à ce que l’on disait de son état, il réagissait, il n’était pas branché à des appareils. Il fallait montrer la vérité pour essayer de le sauver. On a changé notre pagination, on a décidé d’en faire notre couv. »
Quand il lui est demandé de participer à la marche blanche et de prononcer un discours, il n’hésite pas longtemps : « Même si je prenais le risque de me retrouver avec des mecs de Civitas [une organisation catholique intégriste], mais ce n’était pas l’important, il y avait un truc essentiel qui était une vie à sauver. » Les réactions de joie qui ont pu choquer ? « Je comprends à mort ! Et les réactions de joie, et le choc qu’elles ont suscité. Deux heures avant, il était condamné, on allait tuer un handicapé. » Un coup médiatique pour que le journal s’affirme comme celui des défenseurs de la vie ? « Non, c’est uniquement journalistique. Je ne crois pas qu’on va vendre beaucoup avec un sujet aussi dur, et les articles sur le site étaient en accès libre. » Si Valeurs actuelles était passé à côté, qu’aurait-on dit sur les groupes WhatsApp…"
Voir aussi « Affaire Vincent Lambert » : qui fait la loi en France en matière éthique ?, le Colloque "Fin de vie, la liberté de choisir" (CLR, Paris, 28 oct. 17), le Colloque "Le droit à mourir dans la dignité" (CLR HdF, Lille, 14 av. 18), les communiqués du Comité Laïcité République Droit de mourir dans la dignité : le Comité Laïcité République dénonce le poids exorbitant des morales religieuses (10 oct. 03), Droit de mourir dans la dignité : un droit inaliénable pour tout être humain (15 oct. 04), Henri Caillavet, un siècle de combat républicain (27 fév. 13) ; dans la Revue de presse la rubrique Fin de vie, "Fin de vie : en finir avec l’hypocrisie" (Marianne, 27 av. 18), J.-L. Touraine : « La loi actuelle peut prolonger l’agonie pendant des semaines... » (LCP, 5 mars 18), "Euthanasie : allons plus loin avec une nouvelle loi" (156 députés, Le Monde, 1er mars 18), "PMA, fin de vie... la France débat" (ebdo, n°1, 12 jan. 18) ; l’ADMD (note du CLR).
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