Yves Mamou, ancien journaliste au Monde, auteur de "Le Grand abandon. Les élites françaises et l’islamisme" (éd. Toucan/L’Artilleur). 2 décembre 2018
[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"Le mouvement Attac a été le premier à passer de la lutte des classes à la lutte des races. Mais à l’époque, dans le courant des années 2000, nul n’y a prêté attention. Pourtant cette subversion de l’intérieur d’une association politique de gauche par un mouvement politique totalitaire de type indigéniste mérite que l’on s’y arrête. Attac représente en effet, la matrice d’une subversion qui touche aujourd’hui des pans entiers de la société et des institutions françaises (partis politiques, syndicats, associations, institutions culturelles ou sociétales). Une subversion qui contamine aujourd’hui jusqu’au gouvernement.
Il fut un temps ou Attac (mouvement pour la taxation des transactions financières), créé en 1998 sur une base altermondialiste et néo marxiste, se donnait pour but de mondialiser les luttes sociales pour mieux s’opposer à la mondialisation du capital. Mais en quelques années, influence du Parti des indigènes de la République (PIR) oblige, ce mouvement d’idées est passé de l’altermondialisme au racialisme. En quelques années, Attac est passé de la solidarité entre classes populaires des pays développées et des pays en voie de développement à la supériorité politique et idéologique des personnes de couleur et des musulmans (des pays développés et des pays en développement) sur les Blancs et les non-musulmans (des pays développés).
Denise Mendez, membre encore aujourd’hui d’Attac, attribue cette évolution au fait que les syndicats et les altermondialistes qui ont été aux origines du mouvement, ont accepté d’intégrer au sein d’Attac, des organisations dédiées à la défense d’intérêts particuliers. Cette « horizontalité » ou « intersectionnalité » des luttes a abouti à la neutralisation progressive du concept de lutte des classes et à son remplacement par la notion de « victime ». Très vite, les organisations de victimes se sont multipliées au sein d’Attac et la plus dynamique d’entre elle, le Parti des indigènes de la République, a imposé ses pratiques et son idéologie.
Qu’est-ce que le Parti des Indigènes de la République ? Une organisation de lutte contre le « pouvoir blanc » : un pouvoir qui utiliserait tout un arsenal idéologique -la « laïcité », la « cohésion nationale », « l’identité nationale »- contre les « indigènes », descendants de colonisés, habitants des quartiers populaires qui sont « l’épicentre de la lutte des races sociales ».?
Cette subversion d’Attac par les indigénistes est en passe de se reproduire avec succès au sein de la France Insoumise. Les « victimes » très organisées du Parti des indigènes de la République font aujourd’hui le ménage au sein du mouvement LFI incarné par Jean-Luc Mélenchon et se débarrassent sans vergogne des militants et des cadres laïcs et républicains qui les gênent. À la fin du mois de novembre, le Groupe d’Appui parisien « JR Hébert » de la France insoumise, très engagé dans la défense de la laïcité, a ainsi récemment disparu sans explication de la plateforme numérique du mouvement de Jean-Luc Mélenchon. Il semble que la volonté du Groupe d’Appui JR Hébert d’organiser un débat sur « l’entrisme islamiste » dans le mouvement syndical soit la cause de cette éradication. Presque simultanément, Djordje Kuzmanovic, qui était conseiller aux affaires internationales de Jean-Luc Mélenchon, a été exclu de la liste des Insoumis pour les élections européennes.
Dans une lettre ouverte (« Pourquoi je quitte la France insoumise », Marianne, le 28 novembre 2018) Djordje Kuzmanovic explique son éviction et sa décision de démissionner par le choix d’une ligne politique « insistant sur l’intersectionnalité et la non-hiérarchisation des luttes, c’est-à-dire le refus de faire primer le social sur le sociétal » au sein de la France Insoumise. Djordje Kuzmanovic ne le dit pas aussi clairement que Denis Mendez, mais la primauté de la « victime » au sein de LFI a amené le mouvement à « ne s’appuyer, parmi les classes populaires, que sur « les quartiers », ce qui a « amené la FI à laisser s’installer une approche quasi communautariste (..) profondément contraire au républicanisme français. La complaisance des segments gauchistes de la FI à l’égard des thèses indigénistes, le mépris affiché pour les forces de l’ordre, la négation du problème posé par l’islamisme et le refus de regarder en face les défis posés par l’immigration ont produit des ravages dans notre électorat potentiel, faisant apparaître la FI comme la vieille gauche à peine repeinte, coupable du même angélisme, incapable de réalisme et de fermeté. »
Une récente pétition signée par 80 intellectuels dans Le Point (Le « décolonialisme », une stratégie hégémonique : l’appel de 80 intellectuels, 29 novembre 2018) a aussi récemment mis en lumière le caractère invasif du mouvement indigéniste jusque « dans les plus prestigieux établissements universitaires, salles de spectacle et musées », bien au-delà de la France insoumise et des groupuscules d’extrême gauche. « Tout en se présentant comme progressistes (antiracistes, décolonisateurs, féministes…), ces mouvances (indigénistes) se livrent depuis plusieurs années à un détournement des combats pour l’émancipation individuelle et la liberté, au profit d’objectifs qui leur sont opposés et qui attaquent frontalement l’universalisme républicain : racialisme, différentialisme, ségrégationnisme (selon la couleur de la peau, le sexe, la pratique religieuse). Ils vont ainsi jusqu’à invoquer le féminisme pour légitimer le port du voile, la laïcité pour légitimer leurs revendications religieuses et l’universalisme pour légitimer le communautarisme » disent les intellectuels signataires.
Ces quelques exemples montrent qu’une authentique subversion, de type racial, est à l’œuvre au cœur des institutions de la République. Comme si le personnel de ces mêmes institutions (politiques, universitaires, culturelles, syndicales ou associatives…) avait abdiqué volontairement le discours laïc et républicain qu’il est payé pour tenir au profit du discours et des pratiques politiques d’un ennemi de la République.
Il serait toutefois faux de présenter ces dirigeants politiques, universitaires ou culturels qui abdiquent et se rendent sans combattre, comme des « victimes » naïves ou aveugles. La contamination des institutions de la République par le vocabulaire et les pratiques politiques de l’indigénisme est volontaire et s’affiche même sans vergogne depuis 2015 jusqu’au cœur du pouvoir politique.
Rappelons-nous, Claude Bartolone, candidat socialiste aux élections régionales en Ile-de-France accusant dans l’Obs, son adversaire Valérie Pécresse de défendre : « Versailles, Neuilly et la race blanche ». Une accusation qu’il a réitérée sans vergogne dans un autre média, quelques jours plus tard.
Rappelons-nous, Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions déclarant en mai 2015, « On a une télévision d’hommes blancs de plus de 50 ans, et ça, il va falloir que cela change ». Une déclaration qui, en juin 2018, a reçu le soutien tonitruant de Françoise Nyssen, ministre de la culture à l’époque, s’exclamant : « Delphine, tu as dû te sentir bien seule lorsque tu portais un constat, à la fois évident et courageux. Tu sais : ‘l’homme blanc de plus de 50 ans’. Vous vous en souvenez ? ».
Rappelons-nous aussi, la petite phrase d’Emmanuel Macron, président de la République, rejetant en mai 2018, le plan Borloo sur les banlieues au prétexte que « deux males blancs ne vivant pas dans ces quartiers, s’échangent l’un un rapport et l’autre » ne sauraient rien décider sur ces mêmes banlieues.
Cette désignation du « mâle blanc » comme ennemi se traduit aujourd’hui par la création de nouvelles « no go zones » institutionnelles. Après les universités et les théâtres passés sans coup férir entre les mains des indigénistes, les clés de la politique de la ville ont aussi été remises aux militants associatifs - ou œuvrent de nombreux musulmans - du Conseil présidentiel de la ville créé par Emmanuel Macron au printemps 2018. Comme s’il devenait malséant que des « mâles blancs » s’insèrent dans le processus de décision sur les banlieues, alors que le payeur, ce même mâle Blanc, se revêt aujourd’hui d’un Gilet Jaune pour crier « pouce » et crier qu’il n’en peut plus d’une taxation protéiforme qui attente à sa capacité de survie.
L’indigénisme et l’islamisme à la manœuvre aujourd’hui en France nous révèlent qu’il est possible de subvertir de l’intérieur l’ensemble des institutions de la République, sans tirer un seul coup de feu. N’oublions pas que c’est au bénéfice de la « victime » musulmane, mal à l’aise parait-il dans le cadre de l’Hexagone ou elle a pourtant librement choisi de s’installer, qu’Emmanuel Macron s’apprête aujourd’hui à larguer la loi de 1905 sur la laïcité, à autoriser le financement de mosquées et à faire peut-être salarier les imams par le contribuable tricolore.
C’est au nom de ce même universalisme de la « victime » qu’Emmanuel Macron va signer à Marrrakech ce fameux pacte de l’ONU qui fait du droit à émigrer un nouveau droit de l’homme."
Lire « La France insoumise est sous influence indigéniste ».
Lire aussi "Un groupe de militants radié de la France insoumise pour avoir organisé une réunion sur le communautarisme" (marianne.net , 28 nov. 18), "Le « décolonialisme », une stratégie hégémonique : l’appel de 80 intellectuels" (Le Point, 29 nov. 18), Y. Mamou : « Face à l’islamisme, nos élites ont trahi » (lefigaro.fr/vox , 5 oct. 18), D. Ernotte : "On a une télévision d’hommes blancs de plus de 50 ans" (Europe 1, tvmag.lefigaro.fr , 23 sept. 15) (note du CLR).
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