par Patrick Kessel, président du CLR 4 janvier 2012
2012 sera une année décisive à plus d’un égard. Election présidentielle, crise financière, déchirure sociale, montée des populismes en Europe vont rythmer les prochains mois. La Laïcité constituera également un enjeu majeur.
Depuis des années, de laïcité nouvelle en laïcité ouverte, certains se sont activés à détricoter une laïcité qui n’a pas besoin de qualificatif. Derrière les mots, il s’agissait principalement de revenir sur les deux premiers articles de la Loi de 1905 qui fondent la laïcité en France. Le principe en est simple : « la République garantit la liberté de conscience et de pratiquer une religion. Elle ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte ». Tout était dit dans ces quelques mots qu’il ne faut surtout pas modifier.
Au fil des ans, depuis la Libération, les autorités ecclésiastiques ont obtenu du pouvoir politique que les écoles privées disposent de plus en plus de moyens publics. Le plus souvent avec la droite comme avec la loi Guermeur. Parfois avec la gauche comme dans les accords Lang-Cloupet.
Depuis l’arrivée à l’Elysée de Nicolas Sarkozy, la dégradation de la laïcité s’est accélérée. Le Président s’est mis en tête de développer une « laïcité positive » - expression qu’il partage avec Benoit XVI - qui dans les faits signifie le contraire de la laïcité. Bilan franchement inquiétant : discours de Latran comparant les mérites du prêtre et de l’instituteur, tentative de réécriture du préambule de la Constitution pour y inscrire un droit à la différence en lieu et place de l’universalisme républicain, vote de la loi Carle instaurant la parité entre public et privé en matière de financement public de l’enseignement, mise en place de commissions départementales de la liberté religieuse... Les avis du Conseil d’Etat ont fait le reste pour permettre aux pouvoirs locaux de contourner la loi de 1905, favorisant ainsi la montée des communautarismes.
Profitant des dégâts occasionnés en profondeur par une pensée libéral-libertaire pour qui toute critique de l’islamisme équivaut à de l’islamophobie, l’extrême-droite, toujours en embuscade, a tenté un hold-up sur la laïcité destiné à stigmatiser les musulmans. Et l’UMP, courant derrière les voix de l’électorat populaire, a instrumentalisé le débat sur l’identité nationale. La peur n’est jamais bonne conseillère.
L’année a également été marquée par le retour des fondamentalismes religieux qui voudraient limiter la liberté d’expression et interdire le « blasphème », sous prétexte de dénoncer l’islamophobie, et, nouveau venu, la christianophobie ! Manifs violentes contre deux théâtres parisiens, contre une exposition de photos en Avignon, une autre de sculptures, menaces de mort contre des caricaturistes, incendie de Charlie Hebdo : le constat est inquiétant pour ceux qui connaissent la fin tragique du chevalier de La Barre… Même si l’on peut ne pas partager en toutes circonstances toutes les formes d’humour, l’impertinence de la critique doit demeurer un droit imprescriptible. Mais c’est curieusement contre celui-ci que se tourne la bienpensance.
Il faudrait encadrer le droit de rire, demander à la loi d’écrire l’Histoire, aux religions de dire la morale, à la laïcité de mettre de l’eau dans son vin, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de vin, comme disait Jules Renard.
La gauche pour sa part n’a pas encore réglé ses propres contradictions sur la question du communautarisme. Des élus locaux – il en est de même à droite - ont voté des subventions importantes à des écoles confessionnelles, à des édifices religieux, à des associations culturelles, faux-nez d’associations cultuelles. Ils ont ainsi favorisé le droit à la différence contre l’égalité des droits, le communautarisme contre la laïcité. Parfois avec le souci de mettre en place des dispositions sociales préférentielles. Parfois en imaginant que le marketing communautaire peut avoir des retombées électorales favorables !
Tout cela est à courte vue. Il n’y a pourtant pas de « laïquement correct ». Il n’y a pas de problème de l’islam, pas plus qu’il n’y a de question juive ou catholique. Le seul problème réside dans l’absence de volonté politique pour faire appliquer la loi. La laïcité s’applique à tous, quelles que soient les origines et les appartenances. C’est la condition d’un véritable vivre ensemble, et non côte-à-côte, voire communauté contre communauté. C’est bien pourquoi, comme disaient les Anciens, la République doit-être à la fois Sociale et Laïque.
L’actualité de l’année témoigne de la montée des périls. Heureusement, il y a des raisons d’être optimistes, par exemple dans la jurisprudence ouverte dans l’affaire de la crèche Baby Loup. François Hollande également a marqué une étape importante dans le sursaut laïque auquel nous appelons, en se déclarant favorable à l’introduction dans la Constitution des principes de la loi de séparation des églises et de l’Etat. Le comité Laïcité République, avec d’autres, réclamait une telle disposition depuis longtemps. Certes, il conviendra d’en préciser les modalités mais pour le moment, c’est un geste fort, de nature à mettre un terme aux dérives du Conseil d’Etat qui aboutissent à vider la laïcité de son contenu. Encore faudra-t-il, au-delà, clarifier les positions de la gauche face aux « accommodements », aux politiques de « discrimination positive » … du communautarisme en général, pour convaincre l’électorat de la gauche laïque qui a pu faire défaut lors d’un précédent scrutin présidentiel.
La conjonction de nos efforts, associations et militants laïques, dans le respect de nos diversités, ne sera pas de trop pour défendre et promouvoir la laïcité.
En cette aube de 2012, meilleurs vœux républicains et laïques à nos amis qui se battent afin que le printemps arabe ne cède pas à un hiver islamiste, aux militants, aux citoyens, à vous tous chers amis pour qui la laïcité est garante de paix sociale, de liberté, d’égalité et de fraternité.
L’année 2012 pourrait bien être décisive. Le CLR sera présent.
Patrick Kessel
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
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