Revue de presse

"Un rapport accablant démonte la politique d’intégration britannique" (lemonde.fr , 23 déc. 16)

24 décembre 2016

"La haute fonctionnaire Louise Casey dévoile les manquements de gouvernements successifs qui ont « ignoré voire cautionné des pratiques religieuses ou culturelles régressives » par peur d’être accusés de racisme ou d’islamophobie.

Le Royaume-Uni aime donner de lui-même l’image d’un pays multiculturel, où la diversité est célébrée et les discriminations sévèrement réprimées. Publié en catimini en décembre, le rapport de Louise Casey, haute fonctionnaire connue pour ses diagnostics sans complaisance sur la pauvreté, l’exclusion sociale et l’immigration, écorne gravement cette image d’Epinal. Les gouvernements successifs ont « ignoré voire cautionné des pratiques religieuses ou culturelles régressives », notamment en matière de droit des femmes, par peur d’être accusés de racisme ou d’islamophobie, dénonce le document de 200 pages.

Certains quartiers, ajoute-t-elle, sont tellement ségrégués que les enfants des écoles pensent que la population britannique est composée entre 50 % et 90 % de personnes asiatiques (indiennes et pakistanaises), à l’image de l’environnement où ils ont toujours vécu. Quant aux tentatives de l’Etat pour promouvoir l’intégration des « minorités ethniques », elles se limitent, selon Louise Casey, à quelques « saris, samoussa et steel-drums (percussions) en guise de bonnes intentions ».

Le constat est considéré avec d’autant plus de sérieux qu’il résulte d’une enquête de terrain d’une année entière, commandée par l’ancien premier ministre conservateur David Cameron. Au début de 2015, Dame Casey (elle a été anoblie en 2008) avait publié une enquête retentissante sur l’exploitation sexuelle d’adolescentes blanches de milieu défavorisé par un réseau de chauffeurs de taxi d’origine pakistanaise à Rotherham (nord-est de l’Angleterre). Elle avait dénoncé la complicité des élus locaux qui, en pleine connaissance de multiples faits de viol, avaient gardé le silence de crainte de perdre les voix des électeurs musulmans.

Cette fois, Louise Casey étend son constat à l’ensemble du pays. Elle pointe d’« inquiétants » faits nouveaux dans certains quartiers, où un haut degré d’isolement économique et social a favorisé des modes de vie « contraires aux valeurs britanniques et parfois à nos lois ». Dans près de 700 districts électoraux, plus de 40 % des habitants étaient des « Britanniques non-blancs », catégorie reconnue par les statistiques officielles. Cette proportion dépasse même 90 % dans 17 quartiers. Ainsi, certains quartiers de Bradford (nord de l’Angleterre) comptent 70 à 85 % de musulmans.

Selon le rapport, le faible nombre de mariages mixtes compromet l’intégration, aboutissant à reproduire « la première génération à chaque génération ». Reconnaissant l’existence de pratiques discriminatoires à l’encontre des noirs dans le fonctionnement du système pénal et à l’encontre des femmes bangladaises sur le marché du travail, Louise Casey dénonce d’autre part un « cercle vicieux » qui fait que les musulmans, se sentant montrés du doigt à cause du terrorisme, se montrent à leur tour hostiles. Elle déplore que la montée de formes d’islam « régressives et conservatrices », « ressentie dans certains quartiers », ne soit « pas débattue ouvertement ». 

« J’ai rencontré beaucoup trop de femmes souffrant des effets de la misogynie et de violences conjugales, de femmes soumises à leur mari et à leur famille étendue », écrit la haute fonctionnaire. Dans certains quartiers, ajoute-t-elle, le recours à des « sharia councils » pour trancher des différends familiaux, notamment des divorces, selon la loi islamique, accroît des discriminations contre les femmes. Certaines de ces instances religieuses acceptent qu’un mari batte sa femme ou ferment les yeux sur des viols commis par des époux.

Le rapport établit que les femmes musulmanes et hindoues sont deux fois plus nombreuses que les hommes de mêmes origines à ne pas parler anglais. D’autres pratiques religieuses sont mises en lumière, comme l’intrusion violente de groupes sikhs lors de mariages mixtes qu’ils réprouvent, où l’éducation sexiste − « le rôle de la femme est de s’occuper des enfants, de nettoyer la maison et de faire la cuisine » − dispensée dans certaines communautés juives orthodoxes.

Parmi les recommandations du rapport, on trouve l’idée de soumettre toute délivrance de visa à la prestation d’un « serment d’intégration », pour encourager les nouveaux arrivants à respecter les valeurs britanniques. Mme Casey enjoint aussi le gouvernement de consacrer davantage de fonds à l’enseignement de l’anglais pour les publics concernés, après avoir constaté que le budget de l’enseignement du gallois était supérieur à celui destiné à diffuser la langue nationale.

Le constat de Louise Casey a été accueilli favorablement par Chuka Umunna, député Labour et responsable d’un groupe parlementaire sur l’intégration. « Le fait que les gens vivent des vies parallèles dans la Grande-Bretagne moderne a été occulté pendant trop longtemps (…), ce qui laisse le champ libre aux extrémistes et aux colporteurs de haine de tous bords », a-t-il estimé. Mais les associations musulmanes ont largement dénoncé son constat alarmant, y voyant une provocation à l’égard de leur religion, un document incendiaire, porteur de divisions, pain béni pour l’extrême droite."

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