13 avril 2012
"Lorgner du côté des Etats-Unis et du community organizing ("organisation communautaire") pour repenser la politique de la ville en France. Voilà l’idée forte du rapport "Banlieues et quartiers populaires : repenser la politique de la ville" de Terra Nova, le think-tank proche du PS, que s’est procuré Le Monde.
Le sociologue Jacques Donzelot, à la tête de l’étude, préconise "d’agir sur les gens là où ils vivent". Il suggère de s’appuyer sur les communautés locales et les initiatives des habitants des quartiers pauvres plutôt que de compter sur la seule intervention de l’Etat pour y améliorer les conditions de vie. La démarche est réclamée depuis longtemps par nombre d’acteurs de la politique de la ville en France, mais ne va pas sans poser un certain nombre de questions.
Le rapport de Terra Nova se penche sur trente ans de politique publique à destination des quartiers populaires et fait le constat d’un demi-échec. Si en matière de sécurité et d’éducation, les banlieues suivent la tendance nationale, la situation de l’emploi y est, en revanche, médiocre. En cause, selon les auteurs du rapport, la gestion trop verticale, trop rigide, trop uniforme des banlieues par l’Etat français.
Pour y remédier, les auteurs suggèrent de remettre les habitants des quartiers au centre du processus de décision et de cesser les consultations de façade sans réelle portée politique. Ces consultations"ne produisent, au mieux, que des aménagements marginaux de programmes déjà établis pour l’essentiel", note le rapport.
"Trop souvent les porteurs de projets viennent avec leurs idées toutes faites et les habitants n’ont presque plus de marge de manœuvre, juge Yacine Djaziri, auteur du volet économique du rapport. L’idée du community organizing est de mettre tout le monde autour de la table pour discuter. Trop souvent, il y a beaucoup d’acteurs mais ils ne se coordonnent pas."
Le rapport suggère de créer des conseils d’habitants disposant d’un vrai pouvoir de décision. "Il existe déjà des conseils, mais on y retrouve toujours les mêmes personnes", souligne Anne Wyvekens, chercheuse au CNRS, chargée de la partie sécurité. Terra Nova invite a créer des conseils réellement représentatifs ne comprenant pas que les "habitants méritants aux yeux du personnel de la mairie" mais sélectionnés en fonction de leur pays d’origine, de leur genre, de leur âge...
Et c’est là que le bât blesse. Quels critères retenir pour définir la communauté ? Géographique, ethnique, religieux ? Pour Réda Didi, président de l’association Graines de France qui s’est rendu à Chicago en 2008 pour y observer le community organizing, il ne peut y avoir qu’un"critère géographique, celui du quartier" : "Mais c’est vrai que cela pose question lorsqu’un quartier est habité majoritairement par une communauté d’immigrés."
D’où la peur de certains politiques d’un glissement de la communauté au communautarisme. La confusion entre les deux termes opère encore comme un repoussoir. Maurice Leroy, le ministre de la ville, affirme dans son livre Parole d’affranchi ne pas croire "à l’intégration sur un modèle communautariste" sans préciser le contenu du terme.
Aux Etats-Unis, en cinquante ans d’existence, le community organizing est loin d’avoir résolu tous les maux des ghettos. Il reste, toutefois, l’un des principaux moyens d’action pour y endiguer la pauvreté. Plusieurs politiques de premiers rangs s’y sont frottés dans leur jeunesse. Barack Obama a été community organizer dans les quartiers sud de Chicago après ses études et Hillary Clinton a rédigé sa thèse de doctorat sur Saul Alinsky, le créateur du concept d’organisation communautaire."
Lire aussi "Terra Nova propose une gouvernance “à l’américaine” pour les quartiers" (AFP, lagazette.fr , 12 av. 12) (note du CLR).
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