Philippe Tournier, secrétaire général du Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale (SNPDEN). 26 décembre 2013
"Les chefs d’établissement se retrouvent dans une situation intenable, s’inquiète le syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale (SNPDEN). Son secrétaire général, Philippe Tournier, en appelle au législateur.
Le Figaro. - Après l’avis ambigu du Conseil d’État, vous attendez-vous à un afflux de plaintes ?
Philippe Tournier. - Le Conseil d’État renvoie en quelque sorte aux directions des établissements le soin de se prononcer à sa place. Dans la pratique, ce n’est pas tenable. Le cas par cas au niveau local risque d’entraîner la multiplication à l’infini de controverses et de contentieux. C’est un retour à la situation qui prévalait avant la loi de 2004 (qui a interdit aux élèves le port de signes et les tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse dans les écoles publiques, NDLR). Kippa, voile, tee-shirt à message… : la polémique sur le port des signes religieux a fait rage dans les années 1980 jusqu’au vote de la loi au début des années 2000.
Que craignez-vous concrètement ?
La question est de savoir si le principe de neutralité est mis en cause par le comportement des collaborateurs temporaires et bénévoles du service public. Si la circulaire Chatel de 2012 s’applique toujours, elle ne constitue plus un point d’appui juridique suffisant. Dans ce contexte, comment voulez-vous que des chefs d’établissement soient en mesure de prendre des décisions et de les faire appliquer ? N’importe quel choix peut être remis en question. Des parents accompagnateurs « interdits » de sortie pourraient par exemple porter l’affaire en justice pour discrimination. Un climat de méfiance généralisée, peu propice à la politique d’intégration, risque de s’installer. Au pire, des directeurs pourraient même décider d’arrêter les sorties par principe de précaution.
Seule une loi peut clarifier la situation ?
Si la plus haute instance en matière de droit public dit qu’elle n’est pas à même de trancher, seule la loi le peut. Dans un pays régi par 64 codes et 400.000 normes, on devrait être capable d’avoir un texte pour répondre à une question fondamentale de liberté et de neutralité des services publics ! D’ailleurs, près de dix ans après la loi de 2004 sur le port de signes religieux, on se rend compte que le texte a été appliqué sans difficulté. [...]"
Lire "Voile : « Une situation intenable » pour les chefs d’établissement".
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