Tribune libre

Sur la laïcité, le P.S. doit retrouver ses esprits... (J. Glavany)

Député PS des Hautes-Pyrénées, ancien ministre. Motion au congrès du PS. 15 avril 2015

Motion au congrès du PS.

La droite populiste et l’extrême-droite ont lancé une énorme offensive idéologique visant à s’accaparer le thème de la laïcité alors que, d’une part, ils ont toujours combattu celle-ci dans l’histoire, aux côtés des intégristes religieux, et que, d’autre part, ils détournent la laïcité de son sens en l’instrumentalisant dans leur combat contre une religion et une seule, l’islam. Avec les relents nauséabonds que l’on devine… Face à cette offensive, la Gauche est trop souvent désemparée et donc inefficace, car elle n’est pas sûre de ses valeurs, qu’elle n’a pas les idées toujours claires et qu’elle est soumise à des courants internes contradictoires qu’elle n’a pas su arbitrer.

L’offensive idéologique, on la voit venant du Front National qui parle de laïcité matin, midi et soir, comme le font le bloc identitaire et ce groupuscule intitulé « Riposte laïque » qui instrumentalisent la laïcité, la détournant de son sens pour mieux servir les valeurs chrétiennes et organiser les apéritifs « saucisson-pinard ».

Leur seule cible : l’Islam.

C’est simple et bête comme chou : le problème central de la société française serait l’immigration et le Front fait son miel en cultivant la peur. La peur de l’autre, de l’immigré, du musulman. La laïcité, valeur de rassemblement et de la paix, dénaturée par Mme Le Pen pour attiser les peurs : un comble !

Chez Sarkozy et une bonne partie de l’UMP, les choses sont à peine moins simplistes : en courant derrière le FN, il se prend les pieds dans le tapis.

Ainsi, Sarko, l’ignare et le balourd, avec le maire inexpérimenté de Châlons-sur-Saône fait-il cette proposition ahurissante de supprimer les repas dits « de substitution » dans les cantines scolaires !

Ignare : il ne sait pas que les cantines ne sont pas de la responsabilité de l’Education nationale mais des communes qui, le plus souvent, préparent les repas dans les cuisines centrales avec ceux des maisons de retraite ou des personnels municipaux…

Allez-vous débrouiller avec cette différenciation !!

Doublement ignare : il ajoute avec balourdise qu’il ne peut pas y avoir plusieurs menus dans les cantines de la République laïque. Stupide : personne ne le propose…

La République laïque ne peut pas accepter que l’on serve des menus hallal ou kacher. Mais qu’elle serve un peu plus de légumes pour ceux qui ne mangent pas de viande en général et de porc en particulier, ça n’est en rien une entorse à la Laïcité. En rien…

Comme il est ignare et balourd et a une fâcheuse tendance à prendre les gens pour des imbéciles, Sarko propose encore d’interdire le port du voile à l’université (pas le port de « signes religieux ostensibles » ! non « du voile » !) avec cet argument massue : « Expliquez-moi pourquoi le voile serait interdit dans les lycées et, un an après, le bac passé, autorisé à l’université. Pourquoi cette différence ? » ajoute-t-il.

Stupide encore…

Ne sait-il pas, ce monsieur, que la première des différences c’est qu’au lycée, l’immense majorité des élèves sont mineurs et à l’Université, l’immense majorité des étudiants sont majeurs ?

Ne sait-il pas, ce monsieur, que l’Université française bénéficie d’un statut particulièrement protecteur de libertés qui s’appelle la « franchise universitaire » d’ailleurs protégé par l’article L 712-2 du code de l’Education ? Ignare…[Nota : Nous reviendrons plus loin sur le débat.]

Plutôt que ces propositions à l’emporte-pièce et teintées d’idéologie bien peu républicaine, on aurait bien aimé entendre ce soi-disant laïque défendre le Haut Conseil à l’Intégration quand celui-ci décrivait et dénonçait il y a déjà plusieurs années certaines pratiques et dérives intégristes dans l’enseignement supérieur. On aurait bien aimé le voir défendre le courageux directeur de l’IUT de Saint Denis quand celui-ci s’est opposé concrètement à certaines de ces pratiques intégristes et sectaires et qu’il s’en est trouvé directement menacé.

Face à cette offensive idéologique visant à « dérober » la laïcité pour la détourner, la Gauche en général est inopérante. Et le Parti Socialiste en particulier, est ballotté, hésitant, gêné et cafouilleux.

N’entrons pas dans un procès en dénonciation mais enfin…

En quelques mois, on a entendu un haut responsable socialiste, président de l’Observatoire de la Laïcité, créé par François Hollande à la grande satisfaction du monde laïque qui le réclamait depuis des années, déclarer qu’ « il n’y a pas de problème de laïcité en France » - aveuglement ? - ou bien que « la laïcité ne doit pas être antireligieuse » - comme si elle pouvait l’être, sauf à accréditer la thèse de ceux qui dénoncent cette invention pour mieux combattre la laïcité. On a vu un ministre de la République déclarer que la « laïcité ne devait pas exclure » - là encore, comme si elle le pouvait !...

On a vu notre Parti publier le dernier numéro de sa revue de recherche et l’intituler « La République, les religions, la laïcité » comme Sarko avait intitulé son livre « La République, les religions, l’espérance », fâcheux rapprochement sur le terrain sarkozyen où, au mieux, l’on signifie que la Laïcité ne serait pas une valeur mais une espérance et, au pire, on met les religions au cœur du débat politique républicain ...

Et, enfin, cerise sur le gâteau de l’invraisemblable, on a même lu un communiqué d’un Secrétaire national du parti proposant que l’Etat « forme les imams » et « encourage » le développement de l’enseignement privé confessionnel musulman sous contrat », tournant le dos à plus d’un siècle de combat des socialistes pour la séparation des églises et de l’Etat, contre le communautarisme, et pour la défense et la promotion de l’Ecole publique, gratuite et laïque ! « Vous êtes musulman ? Mettez vos enfants à l’école musulmane ! ». La théorie de l’assignation… Allez donc réunir tous les enfants de la République dans l’école publique avec ça !

Tant de dérives méritent, vraiment, que le P.S. se ressaisisse et retrouve ses esprits. Et pour cela, qu’il débatte. Que partout, dans ses sections et fédérations, les militants puissent parler de la laïcité, de son histoire, de ses fondements et de sa traduction concrète dans la société française d’aujourd’hui.

Bref que les militants socialistes puissent se réarmer idéologiquement pour faire face à l’offensive idéologique de la Droite-extrême et de l’Extrême-Droite en matière de Laïcité.
Tel est l’objet de ce texte.

* * *

Et, pour commencer ce réarmement idéologique, commençons par mettre les points sur les « i » pour que le débat s’engage sur des idées claires.

Ça n’est pas simple car la laïcité n’a pas de définition univoque !

Contentons-nous de revenir à l’article 1 et à la première phrase de l’article 2 de la loi de 1905, celle qui « porte », juridiquement, l’essentiel de la Laïcité (même si elle ne cite jamais ce mot !).

« Art. 1 La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.
Art. 2 (alinéa 1) La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. En conséquence … »

Lisons, relisons, imprégnons-nous de ces mots.
Ils éclaircissent bien des débats inutiles.
Ils évoquent « la liberté de conscience » qui est le droit de croire ET de ne pas croire, plus ambitieuse que cette « liberté religieuse » qui n’est que le droit de croire et qui exclut des millions de citoyens non croyants.
Ils évoquent « le libre exercice des cultes sous les seules limites … de l’ordre public ». De tous les cultes, ceux existant à l’époque … et ceux apparus depuis.
Ils éclairent les relations de l’Etat avec les cultes qui définissent sa neutralité.

C’est à partir de ces mots que l’on peut mettre des points sur les « i » :

NON, il n’est pas nécessaire de modifier la loi 1905 ! Celle-ci est suffisamment libérale pour faire face aux questions surgies depuis. Y compris à la question de la construction des lieux de culte ! De mosquées en particulier pour être clairs : on en a construit plus de 1000 ces dernières années, 350 sont en chantier, et « l’Islam des caves » comme les prières de rue ont pratiquement disparu. Avec la loi de 1905 ! Alors pourquoi vouloir modifier celle-ci ? Pourquoi prendre le risque de briser un équilibre ?

Oui, il y a des problèmes de laïcité en France. Le dire ici nettement et clairement, n’est pas histoire de polémiquer avec telle personnalité qui a dit le contraire. Ceci ne doit pas compter. C’est surtout parce qu’il faut dire les choses, les nommer et ni les nier ni les cacher.
« Ne pas nommer les choses c’est ajouter à la misère du monde » disait Camus.
Et si nous ne les nommons pas, ces problèmes si nous les nions, on se met en situation d’infériorité dans le débat idéologique qui nous oppose à l’extrême-Droite et qui fait commerce de l’exploitation malhonnête des ces problèmes. Car les Français savent bien qu’il y a des problèmes de laïcité en France !
Et si le FN – ou Sarkozy – sont les seuls à les reconnaître, on laisse le champ libre à leurs solutions !

Oui il y a des problèmes de laïcité qui viennent de l’offensive des intégristes religieux en général. Et d’un intégrisme religieux en particulier, l’intégrisme islamique, qui a déclaré la guerre à notre République. Et ça n’est pas être islamophobe que de le dire. Bien au contraire, c’est rendre service à l’Islam en refusant l’amalgame entre l’immense majorité des Français de confession musulmane qui sont des citoyens républicains et laïques, acceptant de placer leur foi sous l’égide des lois de la République, et une infime minorité d’intégriste qui ne l’acceptent pas.

Non ça n’est pas être islamophobe que de dire la vérité sur l’islamisme radical ! C’est y voir clair et aider l’Islam de France. Soyons clairs : ce débat sur l’islamophobie, cette réplique systématique érigée en argument d’autorité face à toute critique de l’islam est une insulte à la démocratie.

NON, la laïcité n’est pas anti-religieuse. Elle ne l’est pas, elle ne peut pas l’être, elle ne doit pas l’être puisqu’elle protège et garantit le libre exercice des cultes. Elle aurait pu l’être ! Si les législateurs de 1905 avait suivi le petit père Combes qui voulait « régler son compte » à la religion catholique. Mais Combes et ses amis ont perdu et ça n’est pas leur thèse qui l’a emporté en 1905 ! C’est celle d’Aristide Briand, de Jaurès, de Ferdinand Buisson qui ont imposé cette loi libérale. Cette loi qui énonce, on l’a vu, ces concepts de « liberté de conscience » et de « libre exercice des cultes ».
Alors, il faut y voir clair.
Tous ceux qui rabâchent sans cesse que la laïcité serait anti-religieuse – ou, guère mieux, ceux qui évoquent l’idée qu’elle pourrait l’être ce qui accréditent maladroitement la thèse des premiers – ne connaissent pas l’histoire ni la réalité juridique de la loi de 1905. Pourquoi le font-ils ? Pour discréditer la laïcité bien sûr … Ne nous y trompons pas.

Mais non, aucune religion, comme aucune idéologie n’est à l’abri, en France, de la critique. C’est l’héritage naturel de la philosophie des Lumières qui nous a enseigné l’esprit-critique. Comme aucune église, ni aucune idéologie, n’est à l’abri de la caricature qui est une vraie tradition française, celle de l’exagération-critique dans les limites du droit. Les caricatures ne sont pas la voix de la France, l’expression officielle de l’Etat ; elles sont le fruit naturel d’une liberté qui nous est chère, la liberté d’expression dans les seules limites que sont nos lois sur le racisme, l’antisémitisme, la diffamation.

Oui, la séparation des églises et de l’Etat conjuguée avec la parfaite neutralité de l’Etat est une règle d’or de l’organisation de la République. Elle a été conçue pour empêcher une église alors dominante de « dicter sa loi » à la République et s’étend naturellement à tous les cultes, toutes les églises. Mais qui dit séparation dit aussi interdiction pour l’Etat de s’immiscer dans le fonctionnement interne des cultes ! Sarkozy a enfreint cette règle (et avec quel succès !) quand il a voulu organiser lui-même le Conseil Français du Culte Musulman se prenant pour Napoléon organisant, il y a deux siècles, la religion juive. Ne marchons pas dans ses pas !

NON, ce n’est pas à la République de former les imans ! A-t-elle jamais formé les prêtes, les pasteurs ou les rabbins ??
Certes elle peut et elle doit le faire pour les clercs des publics dits « captifs » (au sens de la loi de 1905), par exemple ceux qui servent dans les prisons, parce qu’elle les rémunère ! Mais pas ceux qui servent leur culte dans les mosquées. A l’inverse, l’Etat doit veiller scrupuleusement au respect, par ceux-ci, des lois de la République. La moindre incitation à la haine, à la violence, à la discrimination, doit être sanctionnée y compris par l’expulsion du territoire français.

Oui, l’école de la République, l’école laïque, publique, gratuite et obligatoire a toujours été, et reste plus que jamais le lieu où sont formés les citoyens libres et émancipés. Et ça n’est pas parce que la loi Debré en 1959 a institué, reconnu et protégé un double système éducatif qui reste, quoi qu’on dise et même si personne ne propose plus de revenir dessus, un système de concurrence déloyale à l’école publique, que les socialistes, laïques depuis l’origine, ont accepté tous les reculs subis depuis, qu’ils soient officiels –comme la néfaste Loi Carle qu’on devrait quand même abolir ou, pour le moins, amender –ou officieux comme la pratique des « enveloppes académiques » dont l’enseignement privé dispose à sa guise en infraction au Code de l’Education.

Oui, il est plus que jamais d’actualité pour les socialistes de défendre et de promouvoir l’école publique, laïque, gratuite et obligatoire dans sa mission essentielle.
Cela signifie, bien entendu, que le développement de l’enseignement privé confessionnel, quel qu’il soit, ne peut pas, ne doit pas être notre objectif. Sauf à considérer que les socialistes ont rompu avec la République pour emprunter la voie du communautarisme, ce qui n’est pas notre choix.

Oui, l’enseignement privé, en France, bénéficie de privilèges qui vont bien au-delà des frontières établies par la loi Debré. Et ces privilèges qu’il serait facile d’énumérer provoquent une concurrence scandaleusement déloyale à l’école de la République. Et ceux qui ne veulent pas le voir nous dirigent doucement vers le choix cornélien suivant : le jour où l’enseignement privé musulman réclamera les mêmes « privilèges » (on parle bien des « privilèges » pas des « droits » définis par la loi) que l’enseignement catholique, la République n’aura plus le choix que de l’accepter et de s’engager sur la voie du communautarisme, ou de le refuser et de créer injustice et frustration.

Oui, la Laïcité, lorsqu’elle est perçue, conçue, énoncée, défendue clairement, fermement, sereinement, se suffit à elle-même. Elle est la laïcité, point.
Souvenons-nous de Sarko et de sa satanée « laïcité positive » !! Nous avons combattu avec force cette expression qui laissait entendre que la Laïcité pouvait être « négative » - on retrouvait là, l’attitude classique des anti-laïcs dénoncée plus haut -, et nous avons bien fait.
Et voilà qu’à Gauche, dans nos rangs mêmes, certains se font aujourd’hui les adeptes d’une soi-disant « laïcité d’inclusion » ! Comme si il pouvait y avoir une laïcité d’exclusion !! Qu’est-ce donc que cette « laïcité d’inclusion » si ce n’est la même chose que la « laïcité positive » de Sarko, c’est-à-dire un concept fabriqué par certains qui au mieux n’ont pas les idées claires sur la laïcité, au pire en sont les ennemis déclarés ??

NON, il n’y a pas plus de laïcité d’inclusion qu’il n’y a de laïcité positive.
Il y a la laïcité, point.

Oui, la traduction spatiale de la laïcité est complexe et les militants socialistes, formés et engagés, le savent bien. La laïcité se décline d’une façon spatiale différenciée : de l’espace privé – le domicile - où la liberté d’expression religieuse et de comportement n’a pas d’autres limites que le respect des droits des personnes pour peu que celles-ci les expriment et les défendent, elle passe par l’espace public (la rue) où la liberté d’expression n’a d’autre limite que le respect de l’ordre public - d’où l’interdiction justifiée des prières de rue -, puis les services publics où les fonctionnaires (et pas les usagers !) sont tenus à un très strict devoir de neutralité, jusqu’à l’école publique, sanctuaire particulier où la liberté de conscience des élèves et la stricte neutralité de leur environnement sont particulièrement surveillés.
Pourquoi disons-nous cela ? Pourquoi insister sur cette « laïcité à traduction spatialement variable » ? Parce que, naturellement, se posent régulièrement des « conflits frontaliers » : Peut-on rendre plus stricte l’application du principe de laïcité dans les crèches privés financées sur fonds publics comme Baby Loup ? Accepter qu’une entreprise privée comme Vibra-Paprec négocie avec ses partenaires sociaux une « charte de la laïcité » ? Autoriser ou non le port de signes religieux ostentatoires par les mères accompagnatrices de sorties scolaires ? Etendre aux universités pour les étudiants l’interdiction faite aux élèves du primaire et du secondaire de porter des signes religieux ostentatoires ? etc…

Toutes ces questions sont légitimes et elles peuvent diviser les socialistes ; Elles les divisent.
Alors, autant les aborder sereinement.
Avec, tout d’abord un préalable : élargir le champ d’application (spatial) de la laïcité n’est pas anti-laïque par essence ! Faire progresser la laïcité n’est pas aller contre elle ! Ou alors les socialistes décrèteraient que la laïcité est destinée à disparaitre à terme puisque la Droite la rétrécit pas à pas lorsqu’elle est au pouvoir, les socialistes s’interdisant de reconquérir des espaces de laïcité quand ils sont au pouvoir…
Eh quoi ! La loi Carle serait gravée dans le marbre ? Il serait interdit de revenir dessus ? On ferait bien, d’ailleurs, d’y penser avant la fin de cette législature.

NON, nous le disons clairement, il n’est pas interdit au Parlement de légiférer en matière de laïcité, y compris pour faire progresser celle-ci.
Les signataires de ce texte livrent leurs propositions au débat des socialistes :

Oui, il faut légiférer pour étendre le principe de laïcité et, donc, de neutralité des structures et de leurs personnels aux crèches privées vivant de subventions publiques. Parce que les consciences des tout-petits doivent être plus protégées que la moyenne et que ces crèches sont quasi-publiques, exerçant de fait même si ça n’est pas en droit, des quasi-missions de service public. La Cour de Cassation l’a dit. Donnons force de loi à l’ébauche de cette jurisprudence et le combat de Baby Loup aura été gagnant.

NON, il n’est pas nécessaire de légiférer sur le port de signes religieux par les parents qui accompagnent des sorties scolaires. Car celles-ci sont, d’abord et avant tout, des activités qui s’inscrivent dans une démarche pédagogique sous l’autorité de l’enseignant. Et c’est à celui-ci et à lui seul de choisir librement qui peut ou ne peut pas accompagner la sortie. S’il constate quelque prosélytisme que ce soit, il l’empêchera bien entendu. Mais sinon ? Ce serait le port d’un voile qui déterminerait la capacité d’accompagner ? Soyons sérieux : regardez Madame Talifa Ibd Ziaten, mère d’un soldat de Montauban assassiné par Merah. Avec son voile sur la tête, elle parcourt la France pour plaider la laïcité et les valeurs de la République. Et on lui interdirait d’accompagner une sortie scolaire ? A l’inverse, souvenons-nous de cet enfant qui, à Angers il y a 2 ans, avait tendu une banane à Christine Taubira en criant « C’est pour qui la banane ? C’est pour la guenon ! ». Sa mère qui l’avait amené là n’était pas voilée… et on l’autoriserait à accompagner une sortie scolaire ??

Et Non, enfin, il n’est pas utile ni nécessaire de légiférer pour interdire le port de signes religieux ostentatoires - et donc le voile, soyons honnêtes - dans les universités. Pour les raisons exprimées plus haut et qui tiennent à la particularité de l’espace universitaire, espace public de liberté s’il en est.

* * *

Mais oui, il faut plus et mieux pour lutter contre les comportements intégristes religieux dans l’enseignement supérieur et soutenir les personnels qui le font avec fermeté, courage, avec le sens des valeurs républicaines qu’il convient.

Il est, enfin, un débat que les socialistes doivent avoir : il touche à un vieux clivage qui traverse la Gauche en matière de laïcité.
La Gauche en général, le Parti Socialiste en particulier, a toujours connu deux courants de pensées : l’un plus « multi culturaliste » qui fait du Respect des différences – qui ne sont pas que religieuses ou philosophiques - le fondement de la laïcité. Ceux-là, au fond, font de l’antiracisme et de la lutte contre les discriminations l’alpha et l’oméga du combat laïque. Ils ont bien raison ! Comment être républicain, laïc, et ne pas lutter franchement contre le racisme et les discriminations ? Mais ils n’ont que partiellement raison. Car respecter les différences est nécessaire… mais pas suffisant. La République laïque nous amène aussi à savoir dépasser nos différences, à rechercher ce qui nous est commun (« construire le commun » !), ce qui nous rassemble.
L’autre école de la gauche, qu’on qualifiera de plus « républicaine » met plus l’accent sur cet aspect de la laïcité.
Et ce débat entre les deux écoles de la Gauche dure depuis des décennies ! Les uns, avec leurs excès sous la pression de l’extrême gauche et d’une bonne partie des écologistes, accusant les seconds, en privilégiant le « commun » de s’engager sur la voie de « l’assimilation » ; les autres, avec leurs excès sous la pression par exemple des libres-penseurs, reprochant aux premiers, en insistant sur le droit à la différence, de s’engager sur la voie de la différence des droits.
Eh bien, le Parti Socialiste et le socialisme ont toujours été et doivent rester une synthèse de ces deux écoles. Rien ne serait pire que de vouloir la victoire de l’une ou de l’autre. Ce serait l’appauvrissement idéologique de notre Parti qui est Républicain avant d’être socialiste ;
Car la République c’est la diversité ET l’unité, les droits ET les devoirs, le respect des différences ET leur dépassement, le différentialisme ET l’universalisme.
Sommes-nous toujours désireux de faire vivre cette synthèse ?
C’est la volonté, en tout cas, des signataires de ce texte.



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