par Claude Ruche 20 septembre 2014
Stéphane Lavignotte, Les religions sont-elles réactionnaires ? Ed. Textuel, 144 p., 13,90 e.
Autant le dire de suite, Stéphane Lavignotte se définit lui-même comme anarchiste chrétien. Ce détail est très important pour comprendre la démonstration alambiquée qui constitue l’essentiel de son ouvrage.
Il précise, dès les premières pages de son livre, qu’il est aussi de « gôche », c’est-à-dire qu’il aime les pauvres, les étrangers, la nature, les identités (pourvu qu’elles ne soient pas nationales), les oxymores, Léon Tolstoï, le libéralisme, la théorie du genre, dieu et la laïcité.
Mais il n’aime pas le Front National, les homophobes, les islamophobes, la droite, les patrons, le libéralisme (!), l’église catholique et la laïcité qui divise. C’est dire à quel point notre pasteur est rebelle et subversif !
Car Stéphane Lavignotte est pasteur protestant et ardent défenseur de la "laïcité de reconnaissance", si chère à Jean Baubérot et Jean-Paul Willaime, qui, nous précise-t-il, sont tous les deux protestants. C’est dire le potentiel révolutionnaire de sa démarche.
Dès la première page de son livre, il place les défenseurs de la laïcité dans le même sac que la droite et l’extrême droite qui, « à coup de petites phrases, d’anecdotes bidons (le fameux pain au chocolat de Copé) [1], de fait isolés montés en épingles, d’histoires compliquées caricaturées pour la cause (l’affaire de la crèche Baby-loup), [utilisent] le matraquage médiatique [qui] empêche de penser, fait appel à la peur, simplifie la question pour mieux l’instrumentaliser à des fins réactionnaires ».
C’est que, le pasteur Lavignotte a bien compris, lui, ce qu’est la laïcité. C’est une manière efficace de museler la religion catholique, qui, soit dit en passant, l’avait bien mérité. La laïcité, nous explique-t-il, est toute entière tournée contre l’église institutionnalisée (catholique) mais pas contre les croyants. Le protestantisme et l’islam, qui n’ont pas de structures hiérarchisées, ne sont donc pas concernées.
La laïcité, continue-t-il, est avant tout une loi de séparation qui garantit la liberté religieuse. Mais attention, toutes les religions ne peuvent pas être considérées de la même manière. A la question : « Les religions sont-elles réactionnaires ? », il répond par l’affirmative mais uniquement pour la religion catholique qui a tellement imprégné nos cerveaux que nous ne sommes plus conscients que notre positionnement n’est pas laïque mais catho-laïque. Il faut dé-catholiciser la société pour la recentrer sur des religions d’ouverture et de progrès : le protestantisme et l’islam.
S’ensuit une longue démonstration qui a pour objectif de nous faire comprendre que l’histoire de l’église réformée est indissociable de l’évolution des sociétés modernes. Si les protestants n’avaient pas existé, point de libéralisme, d’égalité, de liberté, d’écologie, de mariage homosexuel... Nous n’aurions pas non plus le plaisir de partager l’immense espoir que nous apporte la mondialisation des économies et des croyances. Le progrès serait un vain mot car se sont les protestants qui ont inventé le socialisme et l’ont défendu contre ses ennemis aux rangs desquels le pape Jean-Paul II, héraut de la lutte contre le « socialisme réel », mais aussi ennemi du libéralisme.
Je passerai sous silence, les oublis volontaires, les manipulations historiques, les contre-vérités, les sous-entendus mesquins, les phrases sorties de leur contexte, les citations tronquées que contient cette longue diarrhée historico-philosophique intellectuellement malhonnête, pour ne retenir que sa conclusion.
Elle est on ne peut plus claire : « Pourquoi ne pas laisser […] plus de place aux raisons du cœur, notamment croyantes, aux références aux textes sacrés ? Pourquoi n’auraient-ils pas leur place dans les débats à côté de l’Iliade et l’Odyssée, du Petit Chaperon Rouge ou des envolées lyriques de Jaurès ? ».
Le parti socialiste a abandonné les prolétaires, mais heureusement le pasteur Lavignotte était là. Si le PS veut sortir de la crise qu’il traverse, il n’a pas d’autre choix que de revenir aux fondamentaux du socialisme, c’est-à-dire le protestantisme et la tolérance.
Lorsque j’entends le mot tolérance, je ne peux m’empêcher de penser à Clémenceau qui disait : « La tolérance, il y a des maisons pour ça ! ». D’ailleurs, pour ma part, je fonce dare-dare à la Fnac pour essayer de me faire rembourser ce livre ou l’échanger contre la biographie de Clémenceau de Samuël Tomei (La Documentation française) [2] qui me semble plus en adéquation avec ma conception des fondamentaux.
Claude Ruche
[2] Lire S. Tomeï : Clemenceau au-delà des clichés (Note du CLR).
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