Revue de presse

Sciences-Po Lille : l’extrême gauche multiplie pressions et menaces (lexpress.fr , 7 av. 23)

7 avril 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Le 4 avril dernier, Pierre Mathiot, directeur de Sciences Po Lille, dénonçait les agissements d’étudiants qui se seraient érigés en "police de la pensée" ces dernières semaines. Plongée dans les méthodes de ce groupe d’extrême gauche.

Par Amandine Hirou

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Lire "Chasse aux "droitos", tags : à Sciences Po Lille, la brutalité d’un groupe "d’extrême gauche"".

[...] Pour bon nombre d’enseignants et d’élèves, l’"affaire des tags" est l’action de trop. Les agissements d’un petit groupe d’élèves d’extrême gauche, réunis sous la bannière du collectif IEP de Lille Mobilisé, sèment le trouble. Ce groupe a été créé il y a quelques années et est particulièrement actif depuis le début de la mobilisation contre la réforme des retraites. Reçus par la direction le 4 avril dernier, les membres du collectif auraient nié être les auteurs des faits. "Leur place est très compliquée à définir parce que ce collectif n’a pas vraiment de statut. C’est lui qui organise les assemblées générales, nous informe des manifs, des réunions liées au mouvement contre la réforme des retraites", avance un élève qui souhaite conserver l’anonymat et pour qui "seul un petit noyau dur pose problème".

Ultra minoritaires mais ultra bruyants

Pierre Mathiot confirme et insiste sur le fait que les débordements décrits ne proviennent que d’une toute petite minorité d’étudiants : une vingtaine sur les 1 800 élèves inscrits à Sciences Po Lille. Ultra minoritaires donc mais aussi ultra bruyants et influents. "Le problème est qu’en tant que chef d’établissement, j’ai beaucoup de mal à échanger avec ce collectif qui a une approche particulière, très collective et non incarnée qui signe tous ses messages du nom de "IEP de Lille Mobilisé"", explique-t-il. Avant de poursuivre : "Ce n’est ni un syndicat, ni une branche locale émanant d’un parti politique. Je dirais qu’il s’agit d’un mouvement "gazeux", sans leaders officiels ni revendications très évidentes et qui fonctionne de manière autocentrée". Certains de ces acteurs appartiendraient au syndicat Solidaires. "Mais il serait réducteur de les assimiler à lui car tous les élus de Solidaires ne cautionnent pas leurs agissements. D’autre part, plusieurs d’entre eux ne sont aucunement affiliés à des syndicats", insiste un élève proche de ce fameux collectif.

Quelques heures après la découverte des prénoms tagués en face de l’école, le syndicat Solidaires – qui compte 4 élus au Conseil d’administration et est arrivé en deuxième place aux dernières élections étudiantes - a d’ailleurs très vite condamné cet acte. Tout comme le collectif de gauche Alter Eco, majoritaire à Sciences Po Lille et qui compte également quatre élus. "Même si nous sommes parfois en désaccord avec la liste S’Engager, il nous a paru évident de dénoncer ce mode d’action inacceptable. Nous préférons combattre des idées plutôt que des individus", explique un membre d’Alter Eco qui confirme une certaine montée en tension ces dernières semaines au sein de l’école. Principal point de discorde : la décision de certains de bloquer l’établissement. En interne, les avis sont au départ très partagés. "Nous-mêmes sommes assez partagés. Ce mode d’action nous apparaît utile symboliquement puisqu’il s’inscrit dans un contexte national. En revanche, si cela dure trop et devient systématique, c’est invivable", poursuit ce représentant d’Alter Eco.

"On est censé être formés à la nuance et au débat"

Le 4 avril dernier, Alexandre Agache, fondateur de la liste S’Engager explicitait la position de son organisation : "Lors des blocages de ces dernières semaines, nous avons simplement souhaité rappeler et prôner la liberté de toutes et de tous. A savoir tant la liberté de manifester que celle d’accéder aux locaux pour que tout le monde puisse disposer d’un endroit calme et serein, mais aussi d’une bonne connexion internet, ce dont ne bénéficient pas les étudiants les plus précaires".

Ces derniers jours, à l’approche des examens, la tension est montée d’un cran entre les partisans d’une action plus "radicale" et ceux qui appelaient à maintenir l’ouverture des locaux. Dans les groupes de discussion en ligne, les échanges entre élèves tournent souvent au vinaigre. "Les tensions ne sont pas uniquement imputables à IEP de Lille Mobilisé et viennent de différents bords. Ce qui est très triste dans une école où l’on est censé être formés à la nuance et au débat", avance Martin Lom, étudiant de première année. "Après deux semaines de blocage, les esprits se sont échauffés. Les élèves qui ont commencé à s’élever contre les méthodes ou discours de ce groupe d’extrême gauche ont été traités de fascistes !", dénonce un autre élève inscrit en quatrième année. Dans les toilettes de l’école et de la bibliothèque des tags à caractère parfois violent sont apparus. "T’es au bon endroit pour chier sur la réforme des retraites. Viens en manif sinon", écrivent certains militants. A ceux qui les traitent de "gauche caviar", toujours par message interposé, ils rétorquent : "Une place vous attend en enfer".

Pour Pierre Mathiot, cette ambiance détestable est à mettre essentiellement sur le compte d’étudiants d’extrême gauche aux mesures radicales. "A plusieurs reprises, j’ai rappelé aux auteurs de ces tags que nous étions une école publique payée par les impôts des Français et qu’il était impératif de respecter les biens communs, explique-t-il. Certains m’ont répondu, en substance, que les tags participaient de leur formation d’étudiants à Sciences Po. Ils n’étaient même pas dans la provocation et semblaient convaincus de ce qu’ils disaient !" Les formes d’intimidation vis-à-vis des autres étudiants l’inquiètent davantage encore. Depuis l’affichage de certains prénoms en place publique, les langues se sont déliées. Certains élèves se disent victimes de pressions à bas bruit, de marques d’hostilités sourdes, ce que Pierre Mathiot nomme dans sa note interne "des micro-agressions du quotidien".

Thomas (dont le prénom a été changé) évoque des regards "un peu pesants" ou des "remarques humiliantes". "Ici vous êtes très vite catalogué en fonction de votre look, de votre groupe d’amis ou de vos loisirs. En tant que passionné d’automobile, je sais pertinemment que certains me voient comme un homme de droite puisque c’est considéré comme quelque chose qui pollue, qui coûte cher et qui est m’as-tu-vu", déplore-t-il. "Cette espèce de retour du maoïsme me dépasse un peu, avoue Pierre Mathiot. Et encore, c’est un maoïsme qui s’ignore car je reste persuadé que la plupart d’entre eux n’ont pas ces références historiques. Prenez l’expression "le mur de la honte" : savent-ils seulement que l’expression date de l’époque du mur de Berlin et était employée par les défenseurs de la démocratie pour dénoncer les caciques communistes ?"

Un vote pour exclure les "droitos"

Plusieurs élèves de l’école relatent d’autres procédés édifiants relevés lors des assemblées générales au début du mouvement social, comme le fait de faire voter à main levée l’exclusion de certains élèves soupçonnés de ne pas être du même bord politique qu’eux. Antoine (dont le prénom a été changé) dit en avoir fait les frais, avec un autre de ses camarades, au mois de mars. "L’AG, qui réunissait une trentaine de personnes très actives dans ce mouvement IEP de Lille Mobilisé a commencé puis, au bout d’une vingtaine de minutes, on nous a annoncé qu’un vote allait être organisé pour "exclure les droitos", raconte-t-il. Le jeune homme, soupçonné d’être proche des mouvances d’extrême droite – ce qu’il conteste -, a été exclu de l’AG. "Ils se sont basés sur nos supposées fréquentations ou opinions politiques alors qu’en réalité ils ne nous connaissent pas. Bref, cette décision était purement arbitraire et anti démocratique", s’émeut le jeune homme, qui se dit "plutôt de centre-droit", et lui-même opposé à la réforme des retraites. "En revanche, je n’étais pas favorable au blocage. J’étais venu pour me tenir au courant des décisions qui seraient prises ayant un examen prévu le lendemain", poursuit Antoine.

Un proche du groupe IEP de Lille Mobilisé détaille la démarche du collectif ce jour-là : "Le but de ces AG était d’évoquer les modalités d’action à venir et les points de rendez-vous pour le blocage. Certains camarades avaient peur qu’il y ait des fuites d’une part côté police mais surtout vers des groupes d’extrême droite assez influents à Lille. Exclure ceux qui risquaient de "parler" était une mesure de protection visant à éviter les éventuelles attaques." L’argument est loin de convaincre en interne. "Je considère ces pratiques comme des formes de violence psychologique", s’emporte Pierre Mathiot qui affirme avoir cessé de leur mettre une salle à disposition à partir de ce moment-là. Lui-même a fait l’objet de critiques virulentes de la part d’IEP de Lille Mobilisé. "P. Mathiot s’enfonce dans le ridicule et l’illégalité […] Devant "son" école bloquée, il a vociféré ce matin, accusant les manifestant-e-s d’être les causes de tous les maux. Puis il est parti s’exiler dans la BU où il a pondu un court mais scandaleux mail", écrivaient-ils le 8 mars dernier dans une "lettre ouverte à l’attention de toute la communauté de l’IEP de Lille".

De nombreux élèves dénoncent le "sectarisme" et "l’absence de dialogue et d’ouverture" de certains étudiants d’extrême gauche qui tentent d’imposer leur loi et leurs idées. En remontant le fil de leur compte Facebook, créé en 2018, on apprend qu’IEP de Lille Mobilisé s’est notamment opposé à la venue dans l’école de l’école de l’eurodéputé François-Xavier Bellamy (Les Républicains) qualifié de "personnage homophobe et sexiste", comme il avait critiqué en 2020 l’invitation de Pierre Moscovici, une "figure du néo-libéralisme autoritaire". Contacté, le collectif n’a pas répondu à L’Express. Depuis la diffusion de sa note interne le 4 avril dernier, Pierre Mathiot affirme avoir reçu beaucoup de témoignages de soutien, aussi bien de la part des élèves que des professeurs. Et le directeur de l’école d’insister : "Ma démarche était aussi de rappeler l’importance de se former, de progresser dans l’expression de ses idées en se confrontant à d’autres opinions avec lesquelles on n’est pas forcément en phase." Sera-t-il entendu ?"



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