Note de lecture

S. Mayol - L’histoire de la laïcité en France et les enjeux d’aujourd’hui (E. Marquis)

par Eric Marquis 1er mars 2024

[Les échos "Culture" sont publiés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Samuel Mayol, Laïcité, la République jusqu’au bout, préface de Patrick Kessel, postface de Gilbert Abergel, éd L’Harmattan, 16 nov. 23, 178 p., 20 €.

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« Le socialisme, c’est la République jusqu’au bout », clamait Jaurès. Samuel Mayol a décliné : « Laïcité, la République jusqu’au bout ».

L’auteur est enseignant ; le principal mérite de son livre est la pédagogie. En quelques dizaines de pages non seulement très accessibles mais aussi stimulantes, il brosse l’histoire de la laïcité en France et passe en revue les principaux problèmes et enjeux d’aujourd’hui.

L’École est le terrain numéro un de l’offensive contre la liberté de conscience, la liberté d’expression, l’égalité des droits, notamment femmes-hommes, etc. Bataille dont les morts au champ d’honneur sont notamment Samuel Paty et Dominique Bernard. Et dont désormais nous avons des échos tous les jours.

Samuel Mayol a été en quelque sorte, bien malgré lui, un pionnier dans cette lutte. Car les ressorts de cette publication, rappelle dans la postface Gilbert Abergel, ancien Grand maître du Grand Orient de France, sont à rechercher « probablement du côté du traumatisme qu’il a subi en 2016, alors qu’il dirigeait un établissement d’enseignement supérieur. Il y fut confronté, à la fois, à des menées séparatistes mais aussi à la complaisance, voire la complicité de ceux qui auraient dû prendre son parti ».

Samuel Mayol est de gauche. La laïcité, c’est un « engagement porté par la gauche depuis des dizaines d’années », rappelle-t-il. Aussi ne cache-t-il pas sa déception voire sa colère devant le divorce entre la gauche (une certaine gauche) et la laïcité. « En abandonnant la laïcité à la droite, voire à l’extrême droite qui dénature totalement ce concept républicain, une certaine gauche s’est finalement engouffrée dans un piège dont elle va avoir du mal à sortir : celui de prôner le différencialisme et le communautarisme. » Ainsi, elle « favorise, voire développe le racisme ».

A cet égard, François Hollande porte une lourde responsabilité. En campagne, il avait pris des engagements décisifs, sur l’inscription dans la Constitution des articles principiels de la Loi de 1905, sur l’extinction progressive du concordat d’Alsace-Moselle... Mais, une fois élu, il les a glissés sous le tapis. Pire, il a nommé à la tête de l’« Observatoire de la laïcité » Jean-Louis Bianco, selon lequel « la France n’a pas de problème avec sa laïcité ».

Le principal obstacle que rencontrent aujourd’hui les militants laïques, c’est que « le mot même de laïcité fait référence à différentes notions selon ceux qui l’emploient, selon leur parcours, leur milieu ou leur génération », écrit Samuel Mayol.

Par exemple, beaucoup prétendent que c’est l’État qui est laïque, pas la société. Or, si l’autorité publique, spécifiquement, est neutre, la liberté de conscience et l’égalité des droits s’appliquent à tout le monde.

Récemment, le Grand Orient de France a lui-même interrogé ses loges : « Défendre la laïcité ne serait-il pas contradictoire avec la tolérance ? » Imagine-t-on la question « Défendre la liberté n’est-il pas contradictoire avec la tolérance ? » ?

Aussi la priorité est à la clarification et à la formation. Les organisations qui défendent la laïcité gagneraient à s’éloigner de l’entre-soi des colloques et autres « tenues blanches » auxquels n’assistent que les déjà convaincus, pour aller à la rencontre des adversaires, des sceptiques, ou, à tout le moins, des indécis et des indifférents.

Patrick Kessel, lui aussi ancien Grand maître du Grand Orient de France, qui dès 2012, avait tiré la sonnette d’alarme dans son livre Ils ont volé la laïcité (éd. Jean-Claude Gawsewitch), souligne dans la préface : « Lorsque le cap semble perdu, que la confusion s’est installée dans les têtes, il importe de se ressourcer aux fondamentaux, ces principes qui irriguent la République, la liberté de conscience, l’égalité de droit et de devoir entre tous les citoyens, telle est la tâche que s’est assignée Samuel Mayol ».

Au-delà du diagnostic, celui-ci invite à mettre l’accent sur le troisième terme de la devise républicaine, la fraternité, citant la phrase de Saint-Exupéry « Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser tu m’enrichis. »

Éric Marquis



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