Remise des Prix de la laïcité 2014

Prix de la laïcité 2014. Discours de bienvenue, par Patrick Kessel (Paris, 27 oct. 14)

Président du Comité Laïcité République 27 octobre 2014

Mes premiers mots s’adressent au Maire de Paris, Anne Hidalgo, pour la remercier d’accueillir la 9e édition de la cérémonie de remise des prix de la Laïcité, organisée par le Comité Laïcité République.

Il y a un an, nous formulions des voeux. Aujourd’hui, c’est chose faite. Anne est maire de Paris, maire de la capitale de la République laïque. Ce fut pour nous une grande joie. C’est aussi un grand espoir pour les principes et les valeurs que nous partageons. C’est grâce à Anne Hidalgo que nous nous retrouvons à nouveau dans cette somptueuse salle des fêtes de l’Hôtel de Ville de Paris pour cette manifestation qui constitue désormais un rendez-vous quasi-institutionnel de tous les laïques.

Patrick Kessel

Nous nous connaissons depuis longtemps. Je sais que tu as toujours été une amie de la laïcité, de la liberté de conscience, de l’égalité des droits. En témoigne le patronage laïque mis en place sous ta responsabilité dans le XVe arrondissement avec notre ami disparu cette année, le président de la Libre Pensée, Marc Blondel, auquel je souhaite rendre un hommage empreint d’émotion.

Je souhaite également saluer la présence de Patrick Klugman, Adjoint à la Mairie de Paris, chargé des relations internationales et de la Francophonie, Bruno Julliard, Adjoint à la mairie de Paris, chargé de la culture et de Pierre Bergé, membre fondateur du CLR, toujours fidèle dans son engagement.

Je souhaite également remercier Jean Glavany, député, ancien ministre, ancien chef de cabinet du président Mitterrand, défenseur de la laïcité dans un contexte pas toujours facile, qui a accepté cette année de présider le Jury du Prix de la Laïcité.

A vous tous, chers amis, bienvenue.

Vous êtes 587 à vous être inscrits, parfois venus de loin, de nos régions métropolitaines et d’Outre-mer, de Belgique, d’Italie, d’Espagne, du Portugal, de Suisse, de Turquie, d’Algérie, de Tunisie, du Maroc, du Congo, du Gabon, du Benin, du Québec, d’Haïti et même d’Afghanistan.
Ce qui témoigne s’il en était besoin que la laïcité n’est pas franco-française, qu’elle est porteuse de valeurs universelles, même si elle peut prendre des formes juridiques diverses dans chaque pays.
Votre présence massive et diverse montre également que la France demeure de ce point de vue, non pas l’exemple que nous voudrions imposer, mais la référence éthique qui a nourri les grands mouvements d’indépendance et se pose aujourd’hui en alternative à la barbarie qui se développe sous nos yeux. Qui menace d’engager l’humanité dans une terrible régression obscurantiste. Une barbarie nourrie de haine, pétrie d’obscurantisme qui désigne l’autre, l’alter - la femme en premier lieu - comme l’ennemi à humilier, à souiller, à avilir, à torturer, à exterminer. Une barbarie en légitimant une autre, il n’est cette fois pas exagéré de citer Brecht et de dire que "le ventre est encore fécond d’où est sortie la bête immonde".

De nombreux élus sont présents ou excusés : Bariza Khiari, vice-présidente du Sénat ; Christian Bataille, député, président de la Fraternelle parlementaire ; Françoise Laborde, sénatrice ; Odile Saugues, députée ; Gérard Delfau, ancien sénateur ; André Bellon, ancien député ; Michel Hannoun, ancien député.

Plusieurs anciens ministres sont également parmi nous ou nous ont adressé un message de solidarité : Jean-Michel Baylet, Alain Vivien, Guy Lengagne, André Henry, Michel Charasse, Anicet Le Pors, Yvette Roudy, Dominique Nimi-Madingou, ancien ministre du Congo, Prudent Victor Topanou, ancien Garde des Sceaux, Porte-parole du gouvernement du Bénin, Anne-Marie Lizin, ancienne Présidente du Sénat de Belgique et ancien ministre, et Jacques Toubon, ancien ministre, Défenseur des Droits à qui nous souhaitons bonne chance pour ses nouvelles et importantes responsabilités.

Parmi vous ou excusés, plusieurs préfets et sous-préfets, recteurs et anciens recteurs, membres de cabinets ministériels, conseillers du Président de la République, du Premier ministre et du Président de l’Assemblée Nationale.

Je souhaite également la bienvenue à
Daniel Keller, Grand Maître du GODF, accompagné de Christophe Habas, Premier Grand Maître adjoint chargé de la laïcité, et d’une importante délégation du Conseil de l’Ordre du GODF, et d’anciens conseillers ; des anciens Grands Maîtres du GODF Gilbert Abergel, Guy Arcizet, Bernard Brandmeyer, Philippe Gugliemi, Jacques Lafouge, Jean-Robert Ragache, Jean-Michel Quillardet, Bernard Brandmeyer et José Gulino ; Pierre-Henri Gouttière, ancien Premier Grand Maître adjoint ; Jean Pierre Cordier et Jean-Pierre Catala qui président respectivement le Grand Collège des Rites et le Grand Chapitre de France ; Michel Meley, Président du Droit Humain ; Catherine Jeannin-Naltet, Grande Maîtresse de la Grande Loge Féminine de France, accompagnée de Denise Oberlin, ancienne présidente ; de Jean Verdun, ancien Grand Maître de la Grande Loge de France ; et aux représentants de nombreuses autres obédiences maçonniques impliquées dans la défense de la laïcité que je ne peux toutes citer : la Grande Loge Mixte de France, la Grande Loge Mixte Universelle, le Grand Orient latino-américain, le Grand Orient et Loges réunies du Congo, la Grande Loge de Turquie, le Grand Orient du Portugal.

Parmi vous également, de nombreux responsables et militants des associations laïques et syndicales. Sont ainsi représentés : les 25 associations laïques du Collectif des associations laïques ; la CNPL ; SOS Racisme ; Ni putes, ni soumises ; la Ligue de l’Enseignement ; l’association Egales ; Regards de femmes ; Laïcité-Libertés ; Libres Mariannes ; la Ligue du droit international des femmes ; l’Observatoire international de la laïcité contre les dérives communautaires ; le Comité 1905 ; le CAEDEL ; la Licra ; l’Unsa ; Force ouvrière ; le Comité d’action laïque de Belgique ; la Libre Pensée ; l’UFAL ; le CNAFAL ; Solidarité laïque ; l’Association des Libres Penseurs de France ; la Clef, coordination française pour le lobby européen des femmes ; l’association égalité-justice ; Europe et Laïcité ; Agir pour l’Afrique ; République sociale ; le Cercle Ramadier ; le Centre d’action laïque de Bruxelles ; l’association Fontenay-Laïcité ; le réseau féministe Ruptures ; l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD)...

Je souhaite enfin saluer ou présenter les excuses d’amis engagés sur nos chantiers communs : Louis Astre, Elisabeth Badinter, George-Marc Benamou, Abdenour Bidar, Roland Castro, Charb, Eddy Khaldi, Guillaume Lecointre, Samuel Mayol, Bernard Pignerol, Jean-Paul Scot, Malka Markovitch, Richard Malka, Albert Memmi, Gilles Schilnecht, Malika Sorel, Alain Simon, Maya Surduts, Claude Vaillant, Linda Weil-Curiel.

Enfin, je souhaite tout particulièrement la bienvenue à trois grands comédiens : Jean-Claude Drouot, Pierre Santini et Florence Roche, qui interprètent une formidable pièce de Bruno Fuligni Clemenceau-Jaurès, qui pose la question "Quelle République voulons-nous ?" que je vous invite à visionner le lundi 10 novembre à 20h30 sur la chaine parlementaire (LCP) [1].

Enfin, en votre nom à tous, je souhaite saluer celle à qui, voilà deux ans, nous décernions le Prix national de la laïcité, la courageuse directrice de la crèche Baby-Loup, Natalia Baleato.

L’an dernier, à cette tribune, Manuel Valls - devenu depuis Premier ministre - avait expliqué en quoi le destin de Baby Loup constitue un symbole déterminant pour la laïcité. Après avoir emporté une première victoire juridique, partielle mais réelle, avec la décision de la Cour d’appel de Paris, cet été, la bataille s’est déplacée sur le plan politique puisque, vous le savez, la crèche laïque est désormais menacée financièrement, dès lors que la nouvelle municipalité de Conflans-Saint-Honorine ne couvre pas les engagements pris par la précédente. Une réunion importante aura lieu jeudi mais je lance à tous un nouvel appel à la solidarité financière pour permettre à Natalia et à son équipe de faire vivre Baby Loup.

Il y un deux ans, ici même, nous faisions le triste constat d’une laïcité malmenée, vilipendée, détournée. Et ce, au moment où le pays en a le plus besoin.
Nous avions mis en garde contre la montée des communautarismes qui, disions-nous, fragilisent la paix civile. La volonté de quelques-uns, cet été, d’importer en France la guerre entre le Hamas et Israël, la banalisation de l’antisémitisme et du racisme, montrent, s’il en était besoin, que nos inquiétudes étaient fondées.
Ce sont les principes de la citoyenneté républicaine qui sont attaqués et en tout premier lieu celui, fondateur, qui affirme que toutes les femmes et tous les hommes, quels que soient leur origines, la couleur de leur peau, leurs appartenances philosophiques, politiques, religieuses, sexuelles sont des citoyens libres et égaux en droits. Parler de laïcité au coeur d’un certain tohu-bohu relève tout simplement de salubrité publique.

Il y a un an, nous dénoncions la très inquiétante tentative de hold-up de l’extrême-droite sur la laïcité [2]. Nous avions peut-être tort d’avoir raison trop tôt. L’actualité de l’année nous a malheureusement donné raison. Le Front national est désormais le premier parti de France et se donne comme le meilleur défenseur de la citoyenneté et de la laïcité ! Ceci prêterait à rire si les choses n’étaient aussi graves.
Cela a été rendu possible parce que les républicains des deux rives ne se sont pas donnés les moyens de défendre ces principes qui font la République, la laïcité en premier lieu. Parce que nous avons laissé s’installer la confusion dans les têtes.
Nous constations le lourd bilan du quinquennat précédent en matière de laïcité : le discours de Latran qui plaçait l’instituteur en-dessous du prêtre, la loi Carle mettant en place la parité du financement public entre écoles publiques et confessionnelles, quand il y a encore 500 communes en France sans école publique, les tentatives de révision de la loi de 1905... Arrêtons-la ce triste florilège.

L’an dernier, nous nous sommes félicités de la campagne présidentielle de François Hollande et de son discours du Bourget, célébrant les retrouvailles de la gauche et de la Laïcité, alors que depuis des années, une partie de la gauche avait fait preuve d’atermoiements coupables à l’égard du communautarisme et de peu d’intérêt pour une Laïcité pourtant inscrite dans son histoire et sa culture.

Depuis, le président n’a pas manqué d’affirmer à plusieurs reprises son attachement à la laïcité. Des étapes importantes ont été franchies avec le "mariage pour tous", la révision des lois bioéthiques, la réalisation d’une charte de la laïcité à l’école publique - qui mérite d’être confortée -, la mise en place de l’Observatoire de la laïcité qui, je l’espère, montera en puissance pour proposer des remèdes aux problèmes qui se posent à la laïcité en France.

Beaucoup reste à faire. D’abord pour s’assurer que la laïcité est réellement appliquée dans le service public, les écoles, les hôpitaux, la police...

Ensuite, il faut prendre la mesure des risques que la montée des communautarismes religieux dans les entreprises privées fait peser sur la paix civile. La loi ne prévoit pas que la laïcité doive s’y appliquer. Peut-on, parce que le sujet est délicat, refuser de le poser et mettre la cendre sous le tapis au risque de l’enflammer ? Des entreprises, telle Paprec, dont je salue le président, Jean-Luc Petithuguenin, ont pris des initiatives comme une charte de la laïcité, votée à l’unanimité des collaborateurs.
Pour autant, cette méthode tiendrait-elle juridiquement si elle était attaquée ? Pas certain. Faut-il dès lors légiférer ou à tout le moins adapter le code du travail ? Le débat doit être ouvert, sauf à laisser une nouvelle fois l’extrême droite se nourrir des hésitations des républicains et mettre en place des syndicats "jaunes" comme ce fut le cas dans les années 1960.
Aussi le Comité Laïcité République organisera-t-il un colloque sur le thème "Laïcité et entreprises", qui se tiendra le samedi 13 décembre, toute la journée, à l’Assemblée nationale, et auquel je vous invite tous et vous demande de vous inscrire au plus tôt auprès de la secrétaire générale [3].

La situation se dégrade également dans certaines universités et certains établissements d’enseignement supérieur. Que faire ? La mission Laïcité de l’ancien Haut Conseil à l’Intégration (HCI) avait formulé 12 propositions, qui méritent d’être analysées, débattues et non rejetées sans discussion.
Cette mission n’était en aucune sorte composée d’extrémistes et d’islamophobes comme certains veulent le faire croire. Leurs propositions ne visaient pas à stigmatiser mais à assurer la paix sociale sur les lieux d’enseignement. Je souhaite saluer l’animateur de cette commission Alain Seksig, injustement pris à parti cette année. Le Comité Laïcité République organisera un second colloque sur “Laïcité et enseignement supérieur” au 1er semestre 2015, également à l’Assemblée nationale.

Beaucoup reste à faire d’ici la fin du quinquennat. Je pense en particulier
au droit à mourir dans la dignité que souhaitent 85 % des Français,
à l’instauration d’une journée nationale de la laïcité permettant de faire connaître le sens de la Laïcité, qu’ignorent beaucoup de nos concitoyens.

Nombre d’autres sujets mériteraient d’être étudiés que je ne peux tous citer.
Je pense au problème que pose le financement public d’associations qui se disent culturelles mais qui sont en vérité le faux-nez d’associations cultuelles et communautaristes.
Je pense au Condordat pour lequel le collectif des associations laïques a proposé une transition concertée afin d’aller vers le retour au droit commun.

Au coeur de la tourmente, chacun sent bien que si les questions économiques et sociales sont déterminantes, le lien social doit se ressourcer aux principes républicains, en particulier à l’égalité et à la fraternité. La Laïcité constitue le meilleur rempart contre l’extrême-droite et le racisme. Parce qu’elle fonde une communauté de destin, une Fraternité citoyenne. Ce sont ces valeurs et ces principes que nous avons voulu honorer en créant ce prix de la Laïcité.

Le jury indépendant a été notamment présidé par Elisabeth Badinter, Pierre Bergé, Jean-Pierre Changeux, Odile Saugues, Charb, et, l’an dernier, par Boualem Samsal, écrivain courageux. Cette année, c’est Jean Glavany qui a bien voulu assumer cette responsabilité. On sait son engagement en faveur de la laïcité, à un moment où il faut convaincre ses adversaires mais aussi, parfois, certains de ses propres amis. Qu’il en soit remercié ainsi que tous les membres du Jury.

Avant de laisser la parole à Jean, je souhaite remercier les personnels techniques de la Mairie, mes amis du CLR, en particulier notre secrétaire générale Florence Sautereau. Vous le savez peut-être, tout ce travail a été réalisé bénévolement puisque le CLR ne dispose d’aucune subvention et ne vit que des cotisations de ses membres.
Raison de plus, si vous le souhaitez, pour adhérer nombreux [4] !!

Merci de votre présence. Et sans plus attendre, je cède la parole au Président du jury du Prix de la Laïcité 2014.


Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
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