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Oui, la laïcité est en danger ! (3)

par Edouard Moreau. 19 décembre 2022

En 2012, le président de la République François Hollande installe un Observatoire de la laïcité, à la présidence duquel le pouvoir nomme Jean-Louis Bianco. Lequel n’aura de cesse de proclamer : "La France n’a pas de problème avec sa laïcité" (Le Monde, 26 juin 2013), "Je ne crois pas que la laïcité soit en danger" (publicsenat.fr , 27 novembre 2017), « La laïcité n’est pas menacée » (ladepeche.fr , 13 décembre 2017).

Là est le noeud du désaccord.

Voir la première partie (école), la deuxième partie (élus locaux, liberté de conscience, liberté d’expresson...).

Les femmes sont en première ligne des victimes de l’intégrisme. 125 000 femmes en France ont été victimes de mutilations sexuelles, selon les dernières statistiques (début des années 2010), contre 60 000 dix ans plus tôt ("Excision, repassage des seins, infibulation… La grande importation des mutilations sexuelles féminines en France", lefigaro.fr , 29 août 22). Le droit à la contraception, et, plus encore, à l’avortement, est périodiquement remis en cause, le manque de moyens devenant l’allié objectif de l’obscurantisme (E. Badinter : "Il y a un étranglement progressif presque silencieux du droit d’avorter", France Inter, 15 oct. 18).
67 % des musulmans estiment qu’une femme doit être vierge avant le mariage (Jérôme Fourquet, L’Archipel français, Seuil, 2019). Les « certificats de virginité » ont été interdits dans le cadre du projet de loi dit "contre le séparatisme", « mais d’autres parades parfaitement légales existent », comme la réfection d’hymen ("Le business de la virginité", Marianne, 26 fév. 21). Egalement réprimé par ce texte, le mariage forcé concernerait pas moins de 200 000 femmes en France.

Mais l’attaque contre les femmes est particulièrement sensible au quotidien sur deux fronts : la mixité et le vêtement.

Des hommes refusent de serrer la main des femmes. Au prétexte de leur tenue (jupe, décolleté...) certaines sont insultées, frappées, voire refoulées de supermarchés ou de musées par les responsables eux-mêmes. On interdit à des mères d’allaiter leur bébé dans un lieu public... Des lieux sont de fait « interdits au femmes » (ex. café à Sevran).

C’est le voile (ou « foulard ») islamique qui est le principal angle d’attaque. Car "une femme sans voile passe d’une main à l’autre" (Hani Ramadan, lepoint.fr , 12 juin 16 ; ""Le voile est sexiste et obscurantiste" : l’appel de 101 musulman(e)s de France", marianne.net , 22 oct. 19).
A la crèche Baby-Loup de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), en décembre 2008 ? une employée a été licenciée après être revenue de congé parental vêtue de noir de la tête au pied et exigeant de porter le voile, malgré un règlement intérieur à la structure qui interdit le port de signes religieux au nom du principe de neutralité. En avril 2009, la la Haute autorité de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité (Halde) indique qu’« aucune disposition législative ou réglementaire n’encadre spécifiquement l’exercice de la liberté religieuse au sein de l’entreprise privée. » Le 25 juin 2014, la Cour de cassation confirme le licenciement de la salariée voilée. La loi travail, dite El Khomry, puis, en mars 2017, la Cour de justice de l’Union européenne édictent que "les entreprises peuvent interdire le voile sous conditions" (lemonde.fr , 14 mars 17). Le 18 avril 2019, la Cour d’appel de Versailles confirme qu’une entreprise privée peut interdire les signes religieux.

Après les premiers voiles dans l’école publique à Creil en juin 1989 ("Il y a trente ans, le voile divisait la France pour la première fois", Le Figaro, 21-22 sep. 19 ; "Il y a 30 ans, Creil, quand la République a capitulé", Marianne, 13 sep. 19), il a fallu quinze ans pour que la loi du 15 mars 2004 réaffirme enfin la laïcité de l’école. Dans un premier temps, on a pu constater « les bons résultats de la loi » (Marianne, 27 juin 14). Aujourd’hui "Les incidents scolaires liés au voile islamique et aux tenues traditionnelles se multiplient" (RTL, 14 juin 22), L’Education nationale est « confrontée à une « épidémie » de tenues islamiques » (lopinion.fr , 2 juin 22 ; "Abayas, qamis… quand les tenues islamiques défient l’école de la République", Le Figaro, 14 juin 22). La loi de 2004 est contestée par des personnels de l’Education nationale ("Signes religieux à l’école : la loi de 2004 dans le viseur de profs et de collectifs militants", L’Express, 17 fév. 22) et même un syndicat, au moins ("La loi de 2004 jugée "raciste" et "sexiste" ? "SUD Education doit s’expliquer"", I. Roder, lexpress.fr , 2 fév. 22).
Les majorités gouvernementales successives refusent de trancher sur le cas des personnes voilées accompagnant les sorties scolaires. « Si l’on accepte des mères portant un signe d’appartenance religieuse, il faut donc aussi accepter des « papas » portant kippa, kamis, turban et poignard… Faut-il accepter aussi des personnes portant des signes syndicaux ou politiques ? Un tee-shirt de la Manif pour tous, par exemple ? » (« Voile des accompagnatrices scolaires : sortir de la confusion et de l’émotivité », Collectif, Le Figaro, 7 nov. 19). La circulaire dite "Chatel", du nom du ministre de l’époque, avait posé cette interdiction pendant plus de deux ans, entre 2012 et 2014, avant que Mme Vallaud-Belkacem, qui lui a succédé au même poste, n’en décide autrement (G. Chevrier : "Neutralité laïque lors des sorties scolaires : un choix de société !", marianne.net , 3 juil. 19). En décembre 2013, le Conseil d’Etat refuse de considérer ces accompagnatrices voilées comme « collaborateurs occasionnels du service public » ("Laïcité : les trois principaux points de l’étude du Conseil d’État", Le Figaro, 26 déc. 13). Comme en 1989 pour le voile à Creil, la juridiction administrative suprême aide l’exécutif à se défausser sur les directeurs d’établissements. 

Au-delà de l’école, les tenues traditionnelles islamiques envahissent l’espace civil (la voie publique) et les lieux accueillant le public. « Le combat du voile est perdu », selon Elisabeth Badinter (lexpress.fr , 27 sep. 18). Dans certains quartiers, il est impossible de voir une femme qui ne soit pas ainsi accoutrée. Les femmes supposément musulmanes qui ne porteraient pas le foulard islamique sont soumises à des intimidations, voire des violences (Le nez cassé pour avoir soulevé son voile, laprovence.com , 26 juil. 08). Outre les organisations du monde éducatif, déjà citées, la Croix-Rouge, le Planning familial promeuvent le voilement ("Polémique après la diffusion d’une affiche de la Croix-Rouge avec une femme voilée", lefigaro.fr , 16 juin 22) et celles qui ne le font pas sont rappelées à l’ordre ("Le refus des Restos du cœur d’accueillir une bénévole voilée fait polémique", lemonde.fr , 9 nov. 13). Le 1er février a été décrété « World Hijab Day », journée qui célèbre le voile et incite chaque femme à en porter un. « Ou comment oublier, voire mépriser toutes celles qui sont forcées de le porter » ("World Hijab Day". "Et si on organisait plutôt un « No Hijab Day »  ?" #FreeFromHijab, charliehebdo.fr , 1er fév. 20). Lors des élections, des femmes s’affichent voilées pour se porter candidates ("Une candidate LREM voilée enflamme la majorité", lefigaro.fr , 11 mai 21) ou créent des incidents en tenant ainsi des bureaux de vote ("Les députés se bagarrent (pour rien) sur les assesseures voilées dans les bureaux de vote", marianne.net , 30 juin 21).
Des groupes de pression pilotés par des islamistes tentent d’introduire le burkini à la piscine, au parc aquatique, à la base de loisirs, avec parfois la complicité d’élus soit idéologiquement complices soit « idiots utiles » (« Voile : Eric Piolle, champion des escrocs de l’islamophobie », Riss, Charlie Hebdo, 23 fév. 22). Objectif : mettre la pression sur les femmes musulmanes dans les endroits où elles pourraient encore échapper à ces injonctions (""Le voile est sexiste et obscurantiste" : l’appel de 101 musulman(e)s de France", marianne.net , 22 oct. 19 ; "Insultées, harcelées, menacées : le calvaire des musulmanes qui ont signé la tribune contre le voile", marianne.net , 7 nov. 19 ; Port du voile : "La liberté de choix n’existe pas, je me fais invectiver sur ma tenue non conforme", Europe 1, 26 oct. 19).

De même, de grands marques de vêtements (Décathlon, Nike, Adidas...) commercialisent burkinis, « hidjab de running » et autres articles islamistement corrects, sous l’égide de la « mode pudique ». Comprenez : celles qui n’y sacrifient pas sont impudiques.

Dans la même logique de banalisation, se répand le voilement des fillettes, risque majeur pour leur développement cognitif et social et leur santé psychique et physique. ("Le voilement des fillettes, risque majeur pour leur développement et leur santé", pétition, fév. 17). L’argument souvent opposé aux détracteurs du foulard islamique (pas en Iran et en Afghanistan, mais en Occident), « elles l’ont choisi », est ici balayé (Port du voile : "La liberté de choix n’existe pas, je me fais invectiver sur ma tenue non conforme", Europe 1, 26 oct. 19). Quand on voile une fillette de 4 ans, où est la liberté de choix et donc la liberté de conscience ? Là aussi, les textes de loi visant à l’interdire ont été écartés par la majorité gouvernementale.

Quant à la version extrême du foulard, le voile intégral, force est de constater que la loi de 2010 interdisant de dissimuler son visage en public est violée (G. Chevrier : Dix ans après la loi interdisant de dissimuler son visage, est-elle convenablement appliquée ?, atlantico.fr , 14 oct. 20 ; ""Heurts à Trappes après le contrôle d’une femme voilée", europe1.fr , 20 juil. 13). A tel point qu’on peut s’interroger sur un autre « pas de vague » de la part des pouvoir publics ("Philippe Esnol : "On a reçu l’ordre de fermer les yeux sur le port de la burka"", lepoint.fr , 16 jan. 15).

(A suivre)


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