Comité Laïcité République - La laïcité n’est pas une opinion, c’est la liberté d’en avoir une

"[...] On ne peut s’empêcher d’être gêné par cette sainteté admirable mais dont on redouterait tout de même qu’elle constitue la matrice idéologique de notre réponse aux terroristes. La sainteté sied aux hommes d’Église, pas aux politiques. La joue gauche a aussi ses limites... Surtout dans un pays laïque.

Bien sûr, la laïcité, ce n’est pas tout à fait la tasse de thé de nos prêcheurs de tolérance. L’archevêque de Rouen, Mgr Lebrun, affirmait ainsi dans Paris Normandie le 31 juillet : « Je crois que nous sommes au bout du modèle de la laïcité qui était exaspéré ces dernières années. [...] Dans nos écoles publiques, on n’a pas le droit de croire. [...]. » Un religieux n’est pas obligé de comprendre la laïcité à la française [(sic) [1] ] et les subtilités de la distinction entre espace public et espace privé (ce qui n’implique nullement de rendre la religion « invisible »), ni même de comprendre que ce n’est pas la laïcité qui implique le vide spirituel dont nous gratifie la société de consommation et de spectacle ; encore peut-il s’abstenir d’expliquer que c’est parce que « le petit musulman » n’entend pas suffisamment parler religion à l’école que de jeunes Français massacrent des enfants et des vieillards. L’auto-flagellation est un sport qui se conçoit dans une cellule monacale. Battre sa coulpe sur le dos de la nation est plus qu’incorrect : stupide.

D’autant que la mortification a ses adeptes chez nous bien au-delà des sphères catholiques. Et quand nous nous demandons incrédules comment il a pu se trouver trois magistrats pour décider de lâcher dans la nature un jeune homme dont l’obsession était de rejoindre la Syrie, nous oublions que la charité a depuis longtemps remplacé l’inflexibilité dans l’exercice du droit. La France, pays le plus vite déchristianisé, est demeurée la fille aînée de l’Église. Nous sommes imprégnés de vertus chrétiennes, mais passées au crible de notre littérature.

[...] Dans notre imaginaire collectif, le voleur est un malheureux, et il faut lui pardonner, lui apprendre la bonté, pour qu’il puisse enfin offrir le meilleur de lui-même. [...]

Pour autant, la puissance mythique de la prose hugolienne, ce nouvel évangile de la France républicaine, a sans doute balayé, parmi les générations qui suivirent, le sens très nécessaire de la juste mesure. Pis, la seconde moitié du XXe siècle a vu surgir les déboulonneurs d’idoles et contestataires de salons prenant d’assaut les institutions, police, justice, Églises, école, au nom bien sûr de la liberté et de la lutte contre l’oppression. Nous payons aujourd’hui le doux rêve de ces générations qui ont prétendu combattre les « calotins », bouffer les curés, mais n’ont fait que réécrire les Béatitudes en les coupant de leur substrat religieux. [...]

« Le monde moderne est plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles », a écrit Gilbert Keith Chesterton. Folles parce qu’isolées les unes des autres, précisait-il. Folles parce qu’elles « vagabondent ». Nos vertus chrétiennes à nous, la non-violence, la foi en la possible rédemption du pécheur, sont coupées de l’ascèse et de la spiritualité qui leur donnent sens. Elles sont là pour soulager la conscience, pour se sentir quelqu’un de bien, pour se dire que les salauds, ce sont les autres, ceux qui n’ont pas semblable grandeur morale.

Et tout à coup surgissent des assassins que la bienveillance n’émeut pas, des tortionnaires que la faiblesse excite et que l’amour inconditionnel encourage, des loups ravis de voir les moutons ouvrir grand la porte de la bergerie et demander pardon pour la stigmatisation des porteurs de crocs. Tout à coup, la compassion et la dénonciation de notre ordre tellement injuste et de nos turpitudes qui font basculer les malheureux dans le crime ne suffisent plus. Mais peu importe. Il reste des Mgr Lebrun, des magistrats, des éditorialistes et des sociologues pour maintenir envers et contre tout, massacre après massacre, horreur après horreur, que Sartre avait tort et que l’enfer, ce n’est pas les autres, c’est nous."

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