par Gérard Durand 19 juin 2021
[Les échos "Culture" sont publiés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Mila, Je suis le prix de votre liberté, Grasset, juin 2021, 144 p., 16 €.
Ce livre est l’histoire d’un double drame. Celui que vit une jeune fille de 17 ans qui a vu en quelques jours son destin basculer pour avoir employé quelques mots sévères contre une religion et se voit depuis condamnée à vivre en exclue de la société, n’échappant à la mort que grâce à sa protection policière. Mais aussi celui d’une société dominée par la lâcheté et incapable de rattraper et punir des criminels.
Reprenons. A 17 ans, Mila est une jeune fille pleine de vie, plutôt bonne élève, souvent « dans la Lune » mais bien admise dans son milieu lycéen, du moins le croit-elle. Elle se distingue des autres filles de plusieurs façons, sa passion pour le maquillage et une manière de se vêtir originale et pas toujours appréciée. Enfin elle est lesbienne et ne s’en cache pas plus que sa compagne, élève dans le même lycée.
Ce dernier point ne rebute cependant pas certains garçons et tout particulièrement ceux du genre « petit coq » qui se ventent de pouvoir un jour ou l’autre la mettre dans leur lit (langage expurgé) et notamment un jeune Maghrébin dont les méthodes de drague sont particulièrement lourdes. Mais Mila ne cède pas et il en arrive à l’argument suprême, si elle dit non, c’est qu’elle est raciste. Il le dit à Mila qui l’envoie paître et la menace alors des châtiments que l’islam réserve à ceux qui dérogent à la doxa et tout particulièrement aux homosexuels.
Et c’est la que se noue l’affaire, Mila exaspérée lui dit en terme peu choisis mais violents ce qu’elle pense de l’Islam et de son dieu. Le gamin répercute la chose et une vague d’indignation va, pendant tout le week-end qui suit soulever son lycée, sur les réseaux sociaux que Mila fréquente assidument s’abat une avalanche rarement constatée de menaces de mort, pour elle et sa mère qui se déversent par dizaines de milliers et, par respect pour nos lecteurs j’éviterai de décrire les tortures qui doivent précéder ces exécutions.
Mila ne peut retourner dans son lycée, dés le lundi matin des dizaines d’élèves surexcités se regroupent devant l’établissement, affichant clairement l’intention de la lyncher. Ceux qu’elle croyait être ses amis sont les plus féroces, sa compagne se détourne… Elle est seule et le restera jusqu’à maintenant ou elle vit sous protection policière renforcée.
Après le récit des premiers évènements le livre nous fait connaitre le déroulement de son existence. Bien sûr l’isolement, bien sûr les jours de déprime mais aussi les rêves d’une jeune femme tout juste sortie de l’adolescence. Sa vie publique est réduite a quelques sorties sous déguisement mais sa résistance aux injures et menaces force l’admiration. Dans les médias, une seule apparition, dans l’émission "Quotidien" où le seul regret qu’elle exprime est l’emploi d’un langage trop vulgaire, mais rien sur le fond. Elle a choisi cette émission au grand dépit d’Hanouna qui la sollicitais avec insistance et qui lui fera payer son refus par un persiflage permanent.
Aujourd’hui l’histoire continue et porte un éclairage accablant sur notre société. Oui dans la France de ce début de siècle il est possible d’envoyer des messages de mort sans courir de risques. Oui les réseaux sociaux peuvent véhiculer les pires saloperies sans la moindre sanction. On nous a, il y a quelques jours annoncé la comparution devant le tribunal de treize décérébrés. Treize sur plus de cent mille ! Depuis plus rien. Oui le premier réflexe des « défenseurs » de la liberté d’expression est de se planquer dès qu’elle est gravement menacée. Oui les associations LGBT… n’ont pas levé le petit doigt pour défendre Mila. Oui un lycée militaire ou elle avait été inscrite décide de ne plus la garder au prétexte que sa présence est une menace pour l’établissement, on imagine l’attitude de ces officiers trouillards s’ils devaient faire face à un ennemi en armes. Oui, l’une des très rares personnes ayant pris publiquement la défense de Mila est une militante d’extrême droite, nos braves élus « républicains » étant trop occupés par la pèche aux voix. Les élections sont proches ! Ils s’apprêtent, sans faire le lien, à larmoyer sur la montée de l’abstention
Alors, même si vous n’êtes pas d’accord avec toutes les positions de Mila, ce qui est mon cas, courez acheter son livre. Ce sera pour 16 euros un bel acte citoyen.
G. Durand
Voir aussi la note de lecture "#JeSuisMila" : Eh oui, il est nécessaire en France, en 2020, de rappeler qu’on peut critiquer les religions (E. Marquis) dans Notes de lecture dans Culture,
dans la Revue de presse la rubrique Mila, harcelée pour avoir critiqué l’islam (2020-21)
le Document Mila : « Dans cette affaire, c’est moi la victime. Et ceux qui menacent de mort sont les coupables » (communiqué du 16 nov. 20)
les communiqués du CLR Comment une ministre de la Justice de la République française peut-elle faire preuve d’une telle irresponsabilité ? (CLR, 29 jan. 20), POUR MILA, Pour le droit de critiquer toutes les religions (CLR, 25 jan. 20), "Mila" : le droit de critiquer les religions doit être défendu (CLR, 23 jan. 20) (note du CLR).
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