28 août 2023
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"Le rappeur Médine est intervenu jeudi soir, lors des journées d’été d’Europe Écologie les Verts, après plusieurs jours de polémique. Une intervention sans grand intérêt, et un public divisé, malgré de nombreux applaudissements.
Laure Daussy
Lire "Reportage. Médine chez les Verts : une déconstruction au service du néant".
[...] À son arrivée, Médine est acclamé par la salle. « Tu es le bienvenu ici », lui assure Marine Tondelier. La salle des Docks du Havre qui accueille la rencontre est pleine, environ mille personnes, soit la moitié des inscrits à ces journées d’été, beaucoup plus que pour les précédents échanges où se sont succédés notamment des leaders LFI, comme Éric Coquerel et Raquel Garrido.
S’ensuit une heure d’échange qui ne méritait pas tant de buzz. Plutôt banale, sans intérêt majeur. Le rappeur parle surtout de lui, du rap, de son parcours. Marine Tondelier l’interroge sur sa musique, son engagement, lui demande une explication de texte sur certains extraits, sans aller toujours suffisamment loin pour éclaircir certains points.
Festival de justifications
Le rappeur est d’emblée revenu sur la polémique déclenchée par son message à l’encontre de l’essayiste Rachel Khan. La veille de l’invitation, rappelons qu’il a trouvé le moyen de faire un jeu de mots sur X (anciennement Twitter), « resKHANpée », perçu par beaucoup comme antisémite. Il a reconnu une erreur, et assure n’avoir pas pris conscience de sa portée antisémite ce qu’il a redit lors de son intervention. « Je n’avais absolument pas mesuré la charge historique et émotionnelle de ce mot. Je n’ai pas non plus visé la famille de Rachel Khan, ni qui que ce soit qui a vécu la Shoah ». Mais peut-on le croire ? Il rappelle aussi, – comme beaucoup dans les rangs des militants EELV interrogés avant la table ronde – la violence des propos de Rachel Khan, qui, au départ, a traité Médine de « déchet ».
Il a rappelé son engagement, qu’il avait déclaré à plusieurs reprises que « l’antisémitisme est un cancer », ajoutant « tout comme l’islamophobie ». Il précise qu’il n’a jamais fait de hiérarchie entre la lutte contre l’antisémitisme et la lutte contre l’islamophobie. « Quand on se confronte à des paroles antisémites, nous les déconstruisons sur-le-champ. Je fais de la musique pour être un vecteur de déconstruction de clichés », assure-t-il.
Lorsque Marine Tondelier lui demande s’il regrette certaines choses, il explique ne plus chanter un couplet intitulé « le grand Médine », dans lequel, il invectivait Streetpress et l’universitaire Pascal Boniface, avec qui il a écrit un livre, car le journal ainsi que l’universitaire… tentaient alors de lui expliquer la signification antisémite de la quenelle ! « Je prenais ça pour du paternalisme. Aujourd’hui, je reconnais qu’ils avaient raison en tout point, je me suis retrouvé dans une impasse intellectuelle. J’ai parasité moi-même mon discours. » Une explication qui rappelle combien Médine était proche de milieux complotistes et antisémites, et que le chemin semble long, aujourd’hui, pour s’en défaire.
Médine revient aussi sur son histoire, originaire du quartier populaire du Havre, et explique avoir écrit ces premiers albums depuis ce lieu. « Mes premiers albums ont été écrits dans la surréaction, si l’on ajoute à ça les codes du rap, cela crée une représentation qui semble agressive ». Il appelle à interroger le regard que l’on pose sur le rap, et effectue un parallèle avec Brassens pour lequel on acceptait plus volontiers des propos subversifs.
Il revient à plusieurs reprises sur la polémique qui a entouré sa venue, et y voit une preuve supplémentaire de l’impossibilité de prendre la parole pour qui n’a pas les codes. « Ça fait trois semaines que je vis l’enfer avec ma famille, tout le monde n’est pas prêt à encaisser ça ». « Les artistes sont terrorisés de prendre la parole », estime-t-il. Et d’appeler à ce que « la banlieue », « les musulmans » prennent la parole.
Marine Tondelier l’interroge aussi sur sa chanson Don’t Laïk, dans lequel il chante notamment : « Crucifions les laïcards comme à Golgotha. » Serait-ce une critique de la laïcité ? Que nenni ! Bien au contraire, assure-t-il. « C’est une ode à la laïcité », lance-t-il. (À côté de nous, un militant éclate de rire). Le rappeur assure que le morceau se veut une défense « à la lettre » de la laïcité, « contre son utilisation dévoyée qui vise la communauté musulmane ». À la vue des paroles, qui font la promotion du voile, ou encore qui s’en prennent aux Femen, on se situe en tout cas dans une conception de la laïcité que l’on pourrait qualifier de « très ouverte ».
Des réactions mitigées
À la fin, à nouveau, Médine est acclamé. Dans la salle, nombre de militants sont convaincus, et saluent sa capacité à se remettre en question, à évoluer, à reconnaître ses erreurs. Mais tout le monde n’est pas aussi enthousiaste.
Quelques voies – minoritaires – se font entendre. « Je me suis trompée de parti », lance une militante, mi ironique, mi en colère. « Il n’avait rien à faire dans les journées d’été d’EELV, il est trop trouble, il ne représente pas nos valeurs. J’ai du mal à croire qu’il a fait le jeu de mots sur Rachel Khan sans savoir ce qu’il faisait ». « On n’avait pas besoin de ça, c’est une erreur de l’avoir invité, nous devons être plus fermes sur la laïcité, nous ne sommes pas LFI », lance une autre.
Un jeune militant LGBT regrette qu’on n’ait pas interpellé le rappeur sur le mot « tarlouze » qu’il avait employé dans une chanson. Lors de l’intervention, il a juste expliqué qu’il avait pris conscience que le mécanisme du racisme est le même que celui qui s’exerce pour l’homophobie. Une autre militante regrette qu’on ne l’ait pas davantage interpellé sur le communautarisme, et sa proximité avec des chantres de l’islamisme. « J’attendais qu’il s’en distingue clairement. » Peut-être y répondra-t-il (ou pas), lors de son intervention, dimanche, chez LFI ?"
Voir aussi dans la Revue de presse les dossiers Médine, Antisémitisme dans Discriminations, "Islamophobie" dans Liberté d’expression,
la tribune L’Obs à la rescousse de Médine, ou l’aveuglement d’une certaine gauche (F. d’Andrea) (note de la rédaction CLR).
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