par Fabrice d’Andrea. 17 août 2023
[Les tribunes libres sont sélectionnées à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.
Ce texte est la reprise, avec l’accord de l’auteur, d’un fil publié sur Twitter le 16 août 2023.]
Retour sur la polémique Médine aux universités d’été LFI et EELV au prisme d’un article de L’Obs.
Ou quand une partie la gauche fait preuve d’aveuglement à l’égard du rappeur aux sympathies islamistes, comme elle l’avait fait face à Tariq Ramadan.
L’article de L’Obs prétend faire le point sur les reproches faits à Médine. Mais avec un premier biais car il indique que le rappeur « est régulièrement décrit par ses détracteurs comme un "islamiste" », sans expliquer sur quoi repose ces accusations.
Pourtant les liens entre Médine et la mouvance islamiste ont été mis en exergue par Libération, qu’on peut difficilement associer aux détracteurs du rappeur présentés par L’Obs comme exclusivement de droite ou d’extrême droite.
Voir "Le rappeur Médine est il ambassadeur de l’association « Havre de Savoir » ?"
Le rappeur s’est bien lui même déclaré dans une vidéo ambassadeur du Havre du savoir, une association dans la mouvance islamiste des Frères musulmans selon l’article de Libération (ce qui n’a pas empêché Médine de prétendre le contraire au journal).
Médine a en outre posé en 2014 dans une photo publiée par cette association avec Hassan Iquioussen, imam frériste, expulsé de France pour ses prises de positions mysogines, antisémites et homophobes.
Médine se revendique aussi de Tariq Ramadan (« Je suis un cocktail entre Tariq Ramadan, Brassens et Plenel ») et le prédicateur suisse a dit à son propos qu’il est un « très très proche qui suit mes engagements et avec lequel on a beaucoup discuté ».
Comment prétendre respecter le devoir d’information et un minimum d’objectivité quand un journal comme L’Obs évoque l’accusation d’être « islamiste » (mise entre guillemets comme pour mieux s’en distancier) en passant sous silence de tels liens avec la mouvance islamiste ?
Ce n’est malheureusement pas le seul biais de l’article qui tait également les liens de Médine avec d’autres personnalités sulfureuses.
Rien n’est dit par l’article sur ses liens avec Houria Boutledja, ex-porte parole du Parti des Indigènes de la République (à la conférence duquel il a participé en 2009), qui veut envoyer « les sionistes au goulag » et considère que « la tarlouze n’est pas tout à fait un homme ».
Pas un mot de ses liens avec Kemi Seba, suprémaciste noir condamné pour antisémitisme et incitation à la haine raciale avec lequel il a participé en 2014 à une réunion au Théâtre de la Main d’Or. Et dont il fait la promotion du livre Supra-negritude dans son clip Don’t laik.
Rien non plus de ses liens avec Dieudonné, humoriste d’extrême droite condamné à de multiples reprises pour antisémitisme, qu’il a considéré comme « quelqu’un qui transcende les sujets » selon un article de Marianne de 2015.
Voir "Médine et les sales voix du djihad".
L’article de L’Obs, silencieux sur les accusations d’islamisme, reprend au moins l’une des critiques les plus récurrentes contre Médine. À savoir la publication d’un morceau intitulé « Don’t Laik » et de certaines phrases de cette chanson comme « Crucifions les laïcards ».
Mais le journal n’est pas convaincu : « Ces phrases ont été sorties de leur contexte par les partis politiques de droite ». Grosse ficelle qui vise à convaincre le lecteur de gauche de soutenir Médine face à ces accusations forcément infondées car venant du camp adverse.
Biais grossier factuellement erroné : Médine a été critiqué pour ces propos par Olivier Faure, Premier secrétaire du PS, qu’il a jugés « plus qu’insupportables pour la République laïque » par des familles de victimes des attentats du 13 novembre 2015 et par des représentants de LREM.
Et les phrases de Médine s’inscrivent dans un contexte clair, son titre "Don’t laik" jouant sur les mots (ne pas aimer en anglais) pour critiquer la laïcité, dont il dit dans l’album Arabian Panther « Libertine laïcité liberticide, qui viole nos droits civiques sans préservatif »
Marianne s’est d’ailleurs livré à l’exercice d’analyser les différentes paroles du rappeur et il en ressort un constat sévère, que l’article de L’Obs ne prend guère en compte.
Peu importe pour L’Obs puisque Médine lui a confié en 2015 cette justification :
Curieuse pirouette qui renvoie dos à dos ans les fondamentalistes religieux avec d’hypothétiques « fondamentalistes laïques », alors qu’on cherche encore l’équivalent des tueries contre Charlie ou du Bataclan par les prétendus défenseurs intégristes de la laïcité.
Enfin, reconnaissant que le rappeur, qui « n’a pas sa langue dans sa poche », a quand même des casseroles (une quenelle antisémite (en réalité au moins trois) et des propos homophobes), L’Obs continue de défendre Médine car il aurait changé.
L’Obs affirme ainsi « Malgré ses antécédents, Médine est invité aux universités d’été de la gauche car il a prouvé une évolution dans sa manière de penser en allant vers plus de tolérance, notamment sur le sujet des communautés queers. »
Peut on parler d’évolution vers plus de tolérance quand Médine a posté récemment un tweet aux relents antisémites et dénoncé dans une chanson « les pédérastes de pétainistes » ? (L’extrême droite ne peut elle d’ailleurs être combattue qu’au travers d’insultes homophobes ?).
En réalité, L’Obs croit sur parole Médine sans prendre en considération la possibilité que le rappeur use, comme Tariq Ramadan, d’un double discours, du mensonge (comme sur son rôle au Havre du Savoir) ou même du reniement s’il est nécessaire pour faire avancer ses idées.
Jamais, à raison, L’Obs n’aurait fait preuve d’une telle mansuétude pour un artiste catholique intégriste qui aurait été invité aux universités d’été des LR après avoir indiqué qu’il avait changé. C’est ce double standard militant qui est insupportable
Voir C. Fourest : "Le ver est dans le vert" (Franc-tireur, 9 août 23).
L’aveuglement de L’Obs comme d’autres médias ou personnalités « progressistes » concernant Médine se rapproche de l’égarement d’une partie de la gauche en faveur de Tariq Ramadan, perçu à tort comme un musulman moderniste et éclairé, au nom de ses combats communs avec la gauche.
Ainsi L’Obs se félicite que Médine se soit engagé contre la réforme des retraites et les violences policières. Il voit même en lui « l’étendard de la gauche et de la lutte contre l’extrême-droite » et écarte toute accusation de sympathies islamistes.
Voir "Médine : le Tariq Ramadan du rap".
Combien de temps faudra-t-il encore mettre en garde contre de tels aveuglements qui, non seulement condamnent la gauche à la marginalisation politique, mais renforcent surtout dangereusement l’extrême droite déjà aux portes du pouvoir ?
Voir aussi dans la Revue de presse le dossier Médine (note de la rédaction CLR).
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