Gérard Biard, rédacteur en chef de "Charlie Hebdo". 22 juin 2022
[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"[...] L’histoire se corse en Grande-Bretagne. Car il se trouve que The Lady of Heaven est un film britannique et qu’il a été programmé dans de nombreux cinémas du pays. Pas longtemps. Après cinq jours d’exploitation, la chaîne Cineworld a annoncé qu’elle le retirait de ses salles, cédant à la pression d’une centaine de manifestants musulmans venus gueuler « Allahou akbar » devant l’un de ses cinémas et de 120 000 pétitionnaires exigeant l’interdiction de ce film « irrespectueux » et « raciste ». Tous les autres cinémas le programmant ont suivi.
En théorie, dans un État démocratique soucieux de la liberté artistique, laquelle n’a que faire du bon goût et des interdits religieux, l’événement aurait dû déclencher un tollé. On l’attend toujours. À l’exception logique du producteur du film – lui aussi musulman – et d’une membre de la Chambre des lords qui a dénoncé une décision « désastreuse pour les arts et dangereuse pour la liberté d’expression », les commentaires médiatiques ont scrupuleusement respecté le principe de précaution consistant à ne pas se mouiller, et à souligner trois fois que le film n’est pas très bon et que son scénariste est « controversé ». Peut-être. Mais s’il fallait interdire tous les navets écrits par des abrutis, Disney et Netflix mettraient la clé sous la porte.
En France, où personne n’a vu The Lady of Heaven et où la posture de l’esthète cinéphile est de ce fait difficile à tenir, on a là aussi rapporté l’affaire avec la plus grande distance possible, comme un épisode exotique isolé et sans conséquence [...].
Bref, on est loin, très loin, du temps où la presse dite « progressiste » défendait Martin Scorsese attaqué par les intégristes catholiques en fureur contre La Dernière Tentation du Christ. Le monde entier pète de trouille face au racket religieux de l’islamisme, quitte à payer un prix toujours plus élevé. Plutôt que de lui faire face, on dénonce des « provocations », l’« huile sur le feu », on glose sur la bienséance artistique, sur le respect des sensibilités, on parle d’autre chose, surtout d’autre chose. On peut comprendre qu’un directeur de cinéma n’ait pas envie de mettre ses employés et ses spectateurs en danger. Mais que des journalistes, des intellectuels, des politiciens refusent même de nommer le problème est insupportable. Faut-il le rappeler ? Des hommes et des femmes sont morts de ces lâchetés."
Lire "Mahomet et les péteux".
Voir aussi dans la Revue de presse "Royaume-Uni : une chaîne de cinémas déprogramme un film accusé de blasphème par des musulmans" (AFP, leparisien.fr , 7 juin 22), "Royaume-Uni : la sortie d’un film sur les débuts de l’islam provoque la colère de musulmans" (marianne.net , 6 juin 22), le dossier Censure de "Ni Allah ni maître" de Nadia El Fani (2011) dans la rubrique Cinéma,
Idoménée à Berlin : “Merkel contre l’annulation d’un opéra avec Mahomet” (AP, nouvelobs.com , 29 sept. 06) dans la rubrique Opéra,
dans Liberté d’expression : culture dans Liberté d’expression,
la rubrique "Les Versets sataniques", fatwa contre Salman Rushdie (1989...) dans Terrorisme islamiste (note du CLR).
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