"Toujours Charlie ! De la mémoire au combat" (6 jan. 18)

M.-L. Brossier : "Une exigence pour les élus locaux" ("Toujours Charlie !" 6 jan. 18)

Marie-Laure Brossier, élue locale et militante laïque. 7 janvier 2018

"Je suis Marie-Laure Brossier, conseillère municipale à Bagnolet. Je suis issue de la société civile. A partir de 2012, je me suis engagée fortement pour dénoncer les dérives financières, communautaristes et clientélistes qui sévissaient dans ma ville. Une ville à genoux, qui est passée à un cheveu d’être mise sous tutelle et qui a ouvert une autoroute à l’idéologie des « indigènes de la République » et à l’entrisme religieux. Le sommet a probablement été atteint lors de l’accueil du « printemps des Quartiers », en 2012. La grande messe de la mouvance décolonialiste s’est invitée dans nos gymnases municipaux. Parmi les invités, Tarik Ramadan et Houria Bouteldja. Cette dernière prononcera devant un parterre bondé cette, désormais célèbre, phrase « Mohamed Merah, c’est moi ».

Les municipales de 2014 ont sonné la fin de ce mandat ubuesque.

Depuis, un effort certain a été porté sur la gestion locale et les dérives les plus grotesques ont été purgées : la ville ne finance plus de stage d’anglais au Qatar et aucune école coranique illégale n’est venue se ré-installer dans les locaux municipaux.

Et pourtant, malgré ce « mieux », je reste consternée par les entorses, les petits arrangements ou les dénis qui persistent et qui entachent notre devoir d’élus à incarner et à appliquer les principes et les valeurs de notre République.

Par manque de temps, et parce que la liste est longue, je témoignerai uniquement de deux exemples pour illustrer ce constat.

En 2015, j’ai saisi la justice pour diffamation contre Youcef Brakni. Militant biberonné aux Indigènes de la République et qui sévit depuis des années sur la ville. Alors que la procédure judiciaire était en cours, il a, depuis les gradins du public, et en plein conseil municipal, hurlé un torrent d’insanités à mon encontre et en toute impunité. Il a littéralement dévoyé une instance de la République sans que le premier magistrat de la ville ne prenne ses responsabilités en déclarant une interruption de séance pour le faire sortir. Non. Rien. Le silence alors que je sortais de la mairie sous escorte. J’ai filmé cette séquence qui est disponible sur ma chaine YouTube. Un témoignage qui vient compléter deux années de lynchage régulier sur les réseaux sociaux. Le 21 septembre dernier, j’ai gagné mon procès en appel et je peux vous dire que ce fut libératoire… même si le courage a cruellement fait défaut lors de cette soirée.

Pour mon deuxième exemple, je vais vous parler de l’association « Front de Mères » co-fondée par une bagnoletaise. Cette association a vu le jour il y a quelques mois et le texte fondateur fait froid dans le dos. Cela est, ni plus ni moins, une charge violente, je dirai même un véritable procès en racisme du corps enseignant et de l’école de la République qui se déverse tranquillement auprès des mamans et habitants des quartiers.

Une journée entière y a même été consacrée en mai dernier à la Parole Errante à Montreuil en présence de Anaïs Flores, membre du CEL (Cercle des Enseignants Laïques) et membre du Syndicat SUD EDUCATION 93, que l’on ne présente plus depuis l’organisation d’ateliers interdits aux « blancs » et la plainte de notre Ministre de l’Education.

En voici quelques extraits :

« Parents noirs, arabes et musulmans, parents habitant les quartiers populaires, êtes-vous sereins quand vous confiez vos enfants à l’école le matin ? Etes-vous rassurés à l’idée qu’ils y passent l’essentiel de leur vie ?
Nos enfants apprennent à l’école à avoir honte de leurs mamans.
Nos enfants apprennent très tôt la hiérarchisation raciale.
Nos enfants apprennent à l’école à avoir honte de ce qu’ils sont.
Cette manière dont l’école traite nos enfants n’est pas accidentelle.
Aucun de nos enfants ne sera épargné, y compris les quelques-uns qui auront atteint les classes moyennes et supérieures, car qui peut prétendre qu’on peut être heureux en étant honteux et aliéné ? »

Voilà, ce texte est une infamie et sous couvert de lutter contre les inégalités, il distille en réalité un discours de haine et détruit le long travail de cohésion et de solidarité que tissent inlassablement les instituteurs en charge de classes dans les quartiers populaires.

Début décembre, j’ai informé les élus de ma ville pour alerter sur ces activités. A ce jour, toujours aucune réaction de la part du maire.

Peut être pense t-on que la République résorbera cela comme par magie, car elle est grande et forte notre République… n’est-ce pas… Non la République n’est pas magique. Elle s’incarne, elle se vit.

Le silence et la résignation. Voilà donc ce qui m’attriste au dessus de tout. Non pas les combats qui doivent être menés, non pas ce déferlement de haine qui jouit de la liberté effective de notre pays… Cela il faut le combattre. Mais cette capacité à faire sienne des propriétés physiques « thermo formables ». Ce n’est plus la République et ses principes qui imprègnent son environnement, c’est l’environnement qui impose son empreinte à la République… déviant peu à peu notre socle commun, universaliste et partagé à l’échelle nationale, vers une gestion plus relativiste en fonction des territoires et des enjeux politiciens.

Etre Toujours Charlie, du point de vue de l’élue que je suis, et c’est l’objet de mon intervention, c’est avoir l’exigence de préserver et de diffuser coûte que coûte les valeurs qui ont fondé notre « commun » et de combattre les extrémismes, le repli identitaire, et toute forme d’obscurantisme qui enfonce notre société dans les abîmes, au lieu de tendre vers l’émancipation et l’universalisme. C’est cela être Toujours Charlie et c’est une exigence qui s’adresse à tous bien entendu, mais tout particulièrement aux élus locaux, qui en sont les premiers garants et qui en ont la charge par le mandat qui leur est confié."



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