(H. Mathoux, marianne.net , 26 jan. 24, Marianne, 1er fév. 24) 26 janvier 2024
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"En censurant 35 mesures de la loi immigration, les juges du Palais-Royal confirment leur refus de se borner au contrôle de la constitutionnalité. Cette décision est une aubaine pour les critiques qui jugent nécessaire de changer la Constitution si la France souhaite maîtriser sa politique migratoire.
Lire "Loi immigration : le Conseil constitutionnel ou le nouveau coup d’État permanent".
[...] Méfiants à l’égard du « gouvernement des juges », et soucieux de se conformer à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon lequel la loi est « l’expression de la volonté générale », Charles de Gaulle et Michel Debré avaient conçu le Conseil constitutionnel comme un moyen de mettre fin au parlementarisme absolu de la IVe République, et non comme un outil de contrôle de la constitutionnalité des lois garantissant la protection des droits fondamentaux. On peut toutefois admettre qu’une République moderne ne saurait se passer d’un organe jouant ce rôle : une démocratie libérale concilie en effet le respect de la volonté populaire et la garantie de droits fondamentaux.
Mais en réalité, le Conseil s’est affranchi de ce rôle depuis sa célèbre décision du 16 juillet 1971. En indiquant se référer à la Constitution et « notamment son préambule », les juges du Palais-Royal se sont octroyé un pouvoir de contrôle démesuré, leur permettant d’interpréter le très riche « bloc de constitutionnalité » français pour faire et défaire les lois, selon que celles-ci se conforment à leurs convictions. Le fait que le Conseil soit dirigé par des hommes politiques à la retraite (à l’image de son président Laurent Fabius) et non des spécialistes du droit constitutionnel accentue le phénomène : il ne s’agit plus d’encadrer l’action de l’État pour protéger le citoyen de possibles dérives arbitraires. Désormais, n’importe quel article du préambule de la Constitution de 1946, de la Convention européenne des droits de l’homme ou des traités européens peut être invoqué pour détricoter une mesure qui aurait le malheur de déplaire aux « sages », selon des critères manifestement idéologiques. [...]
Quiconque a déjà lu la Constitution de la Ve République, ou s’est intéressé au processus d’écriture en 1958, sait qu’il y a quelque chose de futile, voire de profondément malhonnête, à venir dénicher dans les tréfonds du texte des raisons de s’opposer à des mesures techniques visant à réduire les flux migratoires. De Gaulle et Debré pensaient-ils vraiment qu’il était anticonstitutionnel que la France cesse d’accueillir près d’un demi-million d’étrangers légaux sur son sol chaque année ? [...]
Quant à ceux qui célébreront ce soir une victoire de « l’État de droit », on se demande bien quelle conception ils se font d’une notion qui semble jouer en permanence les juges contre le peuple."
Voir aussi dans la Revue de presse les rubriques Conseil constitutionnel, Immigration,
J.-É. Schoettl : "La notion d’État de droit est devenue le cheval de Troie de tous ceux qui en veulent au droit de l’État" (marianne.net , 6 avril 22), J.-É. Schoettl : « L’emprise du juge sur la démocratie est réelle » (marianne.net , 18 avril 22), dans la rubrique Europe (note du CLR).
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